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Tribune

Pour une vraie politique contre la pollution de l’air

Ce n’est pas parce que le pic de pollution, et le battage médiatique qui l’accompagne, sont passés que l’on peut souffler. Car en fait, la pollution chronique de l’air augmente. Il faut agir maintenant, sans attendre le prochain et inéluctable pic.


C’est en dehors des pics de pollution qu’il faut parler de la pollution de l’air. Quoique… ces pics sont devenus très fréquents : par exemple sur l’Ile-de-France, un nouveau a eu lieu le 10 avril, après celui du 13 décembre 2013 (8 jours d’affilée), du 5 mars (14 jours d’affilée), du 27 mars (3 jours), du 31 mars (2 jours)…

Il faut maintenir l’attention, d’abord parce que les mesures prises à chaud lors des pics ne règlent en rien les causes du problème (par exemple, l’un des effets pervers de l’usage fréquent de la circulation alternée est l’achat par les ménages fortunés d’un deuxième véhicule d’occasion à plaque complémentaire au premier) et parce que c’est l’exposition chronique, quotidienne, à un air de mauvaise qualité, hors des pics, qui présente les plus graves conséquences sur la santé.

Une exposition de court terme à un pic accroit la morbidité cardio-respiratoire et une exposition chronique favorise l’apparition d’asthme, de broncho-pneumopathie, d’altération de la fonction respiratoire chez l’enfant, de maladies de peau (dartres notamment), de maladies cardiovasculaires et de cancers du poumon.

La pollution de l’air dans quinze zones du pays dont douze agglomérations de plus de cent mille habitants est un scandale sanitaire qui dure depuis des années. Le niveau moyen quotidien de la pollution de l’air est élevé (niveau traduit par les notes 5 ou 6 de l’échelle européenne de 1 à 10 de mesure des différents polluants dans l’air).

Les pics de pollution se manifestent environ à partir de 7 à 8 sur cette échelle et sont principalement le fait des particules PM 10 (taille inférieure à dix micromètres, soit six à huit fois plus petites que l’épaisseur d’un cheveu ou de la taille d’une cellule) et qui pénètrent dans l’appareil respiratoire.

Des voitures, même "nouvelle génération", toujours aussi polluantes

La combustion issue des véhicules routiers principalement diesel est responsable de la grande partie de la pollution de l’air aux particules fines dans les zones urbaines (l’agriculture et le chauffage sont deux des autres sources à travailler). Or, en juin 2012, l’Organisation mondiale pour la santé a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme « cancérogènes certains » pour l’homme.

Beaucoup rétorquent que le problème vient des « vieux » modèles de véhicules diesel en usage alors que les modèles récents sont « propres ». Le ministre de l’Industrie, Arnaud Montebourg, a même affirmé en mars 2013 que « le débat sur le diesel est clos ».

Certes, les modèles récents de diesel sont moins polluants que les anciens. Ils répondent aux normes Euro qui fixent des seuils maximum de polluants et la norme Euro 5 fixe depuis le 1er janvier 2011 l’obligation d’un filtre à particules sur les véhicules diesel neufs légers. Mais les émissions réelles de polluants à la sortie du pot d’échappement en situation de conduite sont supérieures à ce qu’annoncent les normes Euro.

La présentation du Conseil National de l’Air de septembre 2013 est à ce sujet édifiante. Pour les NoX, par exemple, les véhicules en usage réel ne respectent pas les seuils des normes qu’ils se voient attribuer.

Agir sur la technologie des moteurs ne suffira pas. Et le renouvellement du parc roulant est trop lent pour assurer à court terme l’amélioration de la qualité de l’air et donc la sécurité des citoyens.

Alors que faire ?

Des solutions existent

Il faut d’abord donner les mesures de pollution de l’air chaque jour aux journaux télévisés, dans les quotidiens et journaux gratuits, avec un niveau d’exposition médiatique aussi élevé que la météo, les gens doivent savoir quel air ils respirent chaque jour.

Il faut interdire l’entrée dans les villes à tout véhicule diesel non équipé de filtre à particules (FAP), ainsi qu’aux modèles anciens dont la liste est à dresser. Notons au passage que les contrôles techniques obligatoires des véhicules laissent aujourd’hui passer des véhicules mal réglés et polluants, ces contrôles devraient être réformés.

Evidemment cette interdiction doit être accompagnée de l’aide à l’achat de véhicule neuf pour les ménages modestes vivant en périphérie et zones rurales, ainsi que d’une organisation de la mobilité adéquate (parking relais à l’orée de la ville où laisser son véhicule pour emprunter des transports en commun qui devront être plus nombreux, plus fréquents, plus fiables, fournissant l’information exacte des heures de départ et d’arrivée).

De même, les collectivités doivent imposer des normes d’émission de polluants aux véhicules pénétrant dans la zone urbaine pour les livraisons.

Il faut stopper, enfin, la subvention accordée au carburant diesel en égalisant sa taxation et celle de l’essence, l’absurde avantage actuel donné au diesel créant une distorsion ne permettant pas la saine comparaison des véhicules.

Il faut mettre en place l’indemnité kilométrique pour les salariés qui viennent au travail en vélo et développer largement le réseau de pistes cyclables sécurisées, le vélo étant un puissant outil de mobilité dans les villes.

Il faut rétablir une TVA à 7 % sur les transports en commun, en revenant sur sa hausse incompréhensible à 10 % en janvier 2014, et renforcer encore et toujours les transports en commun et les solutions de déplacements partagés comme l’auto-partage, le covoiturage et les solutions de systèmes d’information les facilitant. Il faut absolument conforter et mettre en place l’Ecotaxe.

Enfin et surtout, objectif de plus long terme demandant une volonté politique forte, aujourd’hui inexistante, il faut lutter sans répit contre l’étalement urbain, l’éloignement des lotissements d’habitation des centres d’emploi, la spécialisation des territoires qui génère de longues transhumances entre maison et travail jour après jour.

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