Près de Paris, BNP Paribas veut raser une forêt

Ce bois et l'ancienne école de cinéma Louis-Lumière, montrée par Jean Galvier, de l'association Renard, devraient être rasés par le projet immobilier. - © Armand Patou / Reporterre
Ce bois et l'ancienne école de cinéma Louis-Lumière, montrée par Jean Galvier, de l'association Renard, devraient être rasés par le projet immobilier. - © Armand Patou / Reporterre
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Étalement urbain LuttesÀ Noisy-le-Grand, une forêt d’environ deux hectares hébergeant des espèces en danger est menacée par BNP Paribas Immobilier. Le groupe bancaire souhaite y construire près de 450 logements.
Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), reportage
Il suffit de marcher quelques minutes depuis la gare de Noisy-Champs, à Noisy-le-Grand, pour arriver à l’entrée du bois. Entre l’ancienne école de cinéma Louis-Lumière, fermée en 2012, près des pavillons banlieusards et des immeubles populaires se trouve un petit chemin, presque caché par la végétation, qui en indique l’entrée. Pourtant, ce bois de deux hectares qui longe les rails du RER, surnommé le « bois Lumière » par les habitants du quartier de la Grenouillère, pourrait disparaître pour laisser place à un projet immobilier porté par BNP Paribas Immobilier.
L’ancienne école serait rénovée pour accueillir un tiers-lieu, une crèche et des espaces de coworking. Le projet vise aussi « à raser les 22 200 m2 d’espace boisé pour le remplacer par un étang et des espaces verts de 8 000 m2 », selon la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (Drieat) Île-de-France, en charge de l’étude environnementale, dans un rapport publié en 2020. Ce futur « écoquartier » doit surtout accueillir près de 450 logements. Un projet immobilier vivement critiqué par les riverains et les associations écolos, qui défendent ce poumon vert riche en vie sauvage, aux portes de Paris.

Les habitants auront un temps de répit avant que le chantier ne commence. Le 11 juillet, lors du conseil de territoire de la métropole du Grand Paris, « le projet a été arrêté, précise Éric Manfredi, conseiller écologiste de Noisy-le-Grand et conseiller territorial Grand Paris-Grand Est. Le PLUI [document d’urbanisme intercommunal qui détermine les conditions d’aménagement et d’utilisation des sols] définitif sera adopté en juin 2024 ». Une phase de consultations autour du projet devrait ainsi débuter entre les pouvoirs publics et les associations.

« Un projet digne d’un autre siècle »
Sélectionné en 2019 dans le cadre de l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris », le projet est soutenu par la maire de la commune de Seine-Saint-Denis, Brigitte Marsigny (LR). Contacté, le cabinet de l’édile n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Chez nos confrères du Parisien, Brigitte Marsigny, également première vice-présidente chargée de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) au conseil de territoire Grand Paris-Grand Est, défendait ce programme qui devait comporter, parmi les 450 logements, des logements sociaux et autres lieux de vie, comme des restaurants ou des salles recevant du public. La commune, qui devrait accueillir les lignes 15 et 16 du Grand Paris Express d’ici 2030, compte donc sur ce projet pour renforcer son attractivité.

Contesté par les associations écologistes locales et les habitants du quartier, les élus d’opposition montrent eux aussi leur désaccord. « Raser une forêt pour construire des immeubles, c’est un projet digne d’un autre siècle », s’indigne Fériel Goulamhoussen, élu d’opposition socialiste. Car ce bois abrite des arbres centenaires, ainsi que de nombreuses espèces protégées et menacées. C’est ce qui ressort de deux études réalisées en août 2022 par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) d’Île-de-France et en décembre 2022 par l’association Rassemblement pour l’étude de la nature et l’aménagement de Roissy-en-Brie et son district (Renard).

Des espèces « en fort déclin »
La LPO a recensé vingt-quatre espèces d’oiseaux, dont une quinzaine ont établi le bois comme lieu de reproduction. « L’analyse des données [...] entre 2003 et 2017 montre que l’épervier d’Europe et le pic vert sont en fort déclin », avertit la LPO. L’association Renard a quant à elle travaillé sur la présence de chauves-souris. « En juillet 2022, on a posé un détecteur et enregistreur automatique d’ultrasons dans le bois, explique Jean Galvier, vice-président de l’association. Entre 22 heures et minuit, nous avons pu observer la présence de deux espèces de chauves-souris protégées : la pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) et pipistrelle de nathusius (Pipistrellus nathusii). » En effet, la ferme située à la lisière du bois est un site où les chauves-souris vivent et se reproduisent.
L’association Renard alerte également sur la nécessité de conserver des arbres centenaires, comme des chênes ou des aulnes. Ce sont d’ailleurs les premiers arbres que l’on peut observer quand on s’enfonce dans le bois.
« Vous avez un projet qui est soi-disant cohérent sur le plan environnemental et qui vous dit qu’on doit travailler sur la question de l’imperméabilisation des sols. Mais concrètement, ça se traduit par la destruction d’un bois de près de trois hectares », s’insurge Emmanuel Constant, élu d’opposition socialiste.
À l’heure actuelle, les résultats de l’étude environnementale ne sont pas encore connus, empêchant la délivrance du permis de construire. Mais BNP Paribas Immobilier souhaiterait débuter les travaux l’année prochaine. « D’ici là, il faut continuer la mobilisation », conclut Éric Manfredi. Une pétition en ligne a été lancée et a déjà recueilli plus de 2 000 signatures.