Tribune —
Riches et pauvres
Le mercredi 23 février est marqué par une nouvelle grève générale en Grèce. Les citoyens hellènes y montreront leur enthousiasme pour la politique que leur applique le Fonds monétaire international, dont le directeur général, Dominique Strauss-Kahn, vient de visiter le bon pays de France.
Cela a-t-il à voir avec l’écologie ? Oh que oui ! Le choix politique du paiement de la dette aux « marchés », sans remise en cause de la légitimité de ceux-ci, se mène par la privatisation des actifs publics et par l’affaiblissement de l’Etat, donc de la politique environnementale. De surcroît, la politique menée néglige la distribution des revenus. Or l’inégalité économique a des effets environnementaux bien attestés. Par exemple, une étude de Weber et Matthews, parue dans Ecological Economics en 2008, montre que la quantité d’émissions de gaz carbonique par ménage, aux Etats-Unis, est proportionnelle aux revenus.
De même, une étude de l’Insee (voir p. 113), incluse dans son « Rapport sur les comptes de la nation 2009 », constate que « la quantité de CO2 induite par la consommation d’une catégorie de ménages est croissante avec son niveau de vie ». De leur côté, Zahia Longuar et d’autres chercheurs montrent, dans une étude publiée en décembre 2010 (p. 163) par La Revue du CGDD (Commissariat général au développement durable), que la quantité de CO2 émise dans les transports est également croissante avec le niveau de vie.
L’inégalité dans la cause du dégât environnemental se retrouve, inversée, du côté du dommage environnemental : ce sont les plus pauvres qui, proportionnellement, le subissent davantage. Bien connue au niveau international, cette « injustice environnementale » s’observe aussi au sein des pays riches. Encore peu étudiée en France, cette question commence à y être éclairée : ainsi, l’épidémiologiste Jean-François Viel a publié, fin 2010, avec d’autres chercheurs, dans la revue Health and Place, une étude sur l’habitat près des installations les plus polluantes de Franche-Comté. Il apparaît que ce sont les populations immigrées qui vivent le plus dans le voisinage de ces usines. Dans une recherche parue en 2007 dans Socio-Logos, le sociologue Eric Chauvier a montré que l’approche purement technicienne des sites dangereux oubliait l’approche sociétale, alors que ces environnements à risques regroupent les populations les plus précaires.
Que conclure de ce panorama express ? Que la question sociale est indissociable de la question écologique : il est temps que l’inégalité environnementale entre dans la discussion sur les politiques économique et écologique. Et donc, simplement, de la politique tout court.