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Rio : les acteurs se préparent


En 1992, le Sommet de la Terre de Rio aboutissait à l’adoption du programme Action 21, soit environ 2 500 recommandations et trois grandes conventions - la Convention sur la diversité biologique (CDB), la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD).

20 ans plus tard, force est de constater que ces différents engagements n’ont été que partiellement appliqués. S’agissant de l’érosion de la biodiversité notamment, les objectifs sont loin d’être atteints. 2010, qui a été l’année internationale de la biodiversité, s’est en effet achevée sur un constat d’échec ; l’objectif visant à stopper la régression de la biodiversité d’ici 2010 n’ayant pu être atteint.

D’autre part, les négociations climatiques qui se sont déroulées dans le cadre de la CCNUCC se sont soldées par le « non accord » de Copenhague et laissent sceptiques aujourd’hui sur l’avenir du Protocole de Kyoto, dont la première période d’engagement expire fin 2012 sans qu’une « suite » ne se dessine. Rappelons que le protocole est à ce jour l’unique instrument juridique imposant des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à 37 pays développés.

Enfin, les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont encore très loin d’être atteints. Environ 1,4 milliard de personnes vivent toujours dans des conditions de pauvreté extrême, 75% de la population n’a pas de protection sociale et on compte actuellement 200 millions de personnes sans emploi dans le monde.

Par ailleurs, le sommet devra également envisager des solutions de long terme puisque, à l’horizon 2050, la population mondiale s’élèvera à 9 milliards, dans un contexte d’épuisement des ressources naturelles.

Qu’attendre de Rio + 20 ?

Cette conférence, qui rassemblera acteurs publics, privés et société civile, pourra-t-elle relancer la dynamique internationale sur les questions de développement durable ? La prise de conscience depuis le premier sommet a certes considérablement progressé ; par ailleurs l’expertise et les solutions « vertes » aujourd’hui identifiées peuvent faire de Rio un sommet de transition vers une économie plus soutenable… à condition que les décisions politiques et les investissements, publics et privés, suivent.

Pour l’heure, les Nations unies, qui attendent entre 35 000 et 50 000 participants et 100 à 120 chefs d’Etat à Rio, ont fixé pour objectif d’assurer le renouvellement des engagements internationaux envers le développement durable et d’évaluer les progrès réalisés au cours des vingt dernières années. Un rapport, publié en mai 2010, fournit déjà une évaluation des progrès et des lacunes dans la mise en œuvre du Sommet de Rio depuis. Deux grands sujets seront abordés : l’économie verte dans le contexte du développement durable et l’éradication de la pauvreté, la gouvernance et le cadre institutionnel pour le développement durable.

Le rapport du PNUE publié en février dernier intitulé « Pour une économie verte » a évalué les investissements nécessaires au plan mondial entre 1,05 et 2,59 mille milliards de dollars, soit moins d’un dixième du total de l’investissement mondial annuel. Ce scénario vert serait donc possible avec l’équivalent de 2% du PIB (1300 milliards de dollars par an) investis dans dix secteurs clés entre 2010 et 2050. Reste que les Etats décideront ou non de faire ces choix et de lancer les financements innovants pour les pays en développement. D’autant qu’une question est loin d’être réglée : celle de la création d’une « Organisation mondiale de l’environnement », qui induirait un respect des normes environnementales plus exigeant. Les pays émergents y voient en effet un obstacle commercial et craignent un protectionnisme « vert » des pays développés.

L’Europe prône la réglementation et le marché

Au niveau européen, la Commission a présenté le 20 juin dernier sa feuille de route pour Rio + 20, qui expose les conditions et les moyens nécessaires à la transition vers une économie verte. Elle plaide pour « la mise en place, à l’échelle de la planète, des conditions de marché et de l’environnement réglementaire adéquats ». La Commission propose également des écotaxes, la suppression des subventions nuisant à la protection de l’environnement et, plus classiquement, la mobilisation de financements publics et privés. Coïncidence : c’est le Danemark qui présidera l’UE au moment de Rio, comme ce fut le cas pour le sommet de Copenhague...

La société civile très méfiante sur l’économie verte

Si la majorité des acteurs s’entendent sur la nécessaire transition vers de nouveaux modes de production et de consommation, plusieurs visions s’affrontent sur la façon d’y parvenir. La notion « d’éradication de la pauvreté » - volet social et sociétal du sommet- promet notamment d’attiser les conflits avec la société civile.

Celle-ci, structurée en 9 groupes depuis le sommet de 1992, tiendra vraisemblablement une grande place à Rio+20, comme l’a souhaité le gouvernement brésilien. Le « Comité de la Société Civile Brésilienne pour Rio+20 » donne le ton : « le manque d’actions pour lutter contre l’injustice sociale et environnementale ont déçu les espoirs et discrédité l’ONU. Le thème proposé pour la conférence officielle, ladite ’économie verte’ , et la gouvernance globale, est considéré par les organisateurs du sommet des peuples comme insatisfaisant pour affronter la crise planétaire, causée par nos modèles de production et de consommation capitalistes ».

Et si le « Draft Zero alternatif pour la Conférence Rio+20 » adopté par le Réseau International « Ethique et Responsabilité » conserve la structure de la version officielle du Draft zéro de l’ONU, il propose une « réflexion critique » sur le modèle de développement durable adopté à Rio en 1992 et pointe « les échecs de ce modèle de développement, construit sur un modèle de croissance inapte à concilier les besoins économiques et sociaux avec les ressources limitées de la planète et incapable de prendre en compte la réalité des interdépendances ».

Les propositions des acteurs économiques

Tous les grands réseaux d’entreprises promouvant la RSE seront présents à Rio. Parmi eux, le projet « Global Union for Sustainability », lancé par l’Institut brésilien Ethos (entreprises promouvant la RSE), défend le projet d’une « économie verte, inclusive et responsable » et vise à rassembler des acteurs économiques autour de propositions concrètes : construire un nouveau standard de mesure de la prospérité selon les recommandations du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, rémunérer les services rendus par les écosytèmes, créer un marché carbone international ou encore développer des standards de RSE pour les multinationales et les entreprises publiques au plan international.

Le BASD (Business action for sustainable development), coordinateur du « groupe majeur pour les entreprises et l’industrie » formé du Conseil mondial des entreprises pour le développement, de la Chambre de commerce internationale et du Global Compact, est la voix des entreprises à Rio et organise une conférence « business day » pour les dirigeants d’entreprises et les représentants des gouvernements à Rio. Dirigé par le président de Bank of America, le BASD 2012 veut « veiller à ce que les entreprises soient reconnues comme sources de solutions » et défendra les partenariats public/privé comme moyen de les mettre en place.

Le Pacte Mondial des entreprises organise également un événement (Corporate responsability fourm) du 15 au 18 juin intitulé « Innovation et collaboration en faveur de l’avenir que nous souhaitons ». Il a publié des recommandations à l’intention des gouvernements en insistant également sur les partenariats public/privé entre le monde des affaires, la société civile et le secteur public en matière d’énergie, d’accès à l’eau, d’agriculture et de gouvernance. « De fausses solutions », critiquées par plusieurs ONG, notamment Friends of the Earth. Elles dénoncent « l’influence croissante des grandes entreprises et des groupes de pression industriels au sein de l’ONU : à travers leur influence sur les positions prises par les gouvernements nationaux dans les négociations multilatérales, et leur domination au sein de certains organismes et espaces de discussion onusiens ». Le Sommet de la Terre devrait être « l’opportunité de stopper cette tendance, de mettre fin aux partenariats douteux entre l’ONU et les entreprises, et de mettre un terme à l’accès privilégié qui a été accordé au secteur des entreprises ».

Le texte qui sert de base aux discussions

Le « draft zéro » regroupant les positions des différents Etats a été publié en janvier 2012. Les négociations se heurtent à la définition de l’économie verte, notamment entre pays du Sud, émergents et pays occidentaux, tout comme celle des nouveaux objectifs de développement durable et de leur suivi. Enfin le volet gouvernance est loin de faire consensus, plusieurs pays (Etats-Unis, Canada, Chine et Russie) étant toujours opposés à la création d’une Organisation mondiale de l’environnement, proposition en débat depuis le Sommet de la Terre de 1992… Un dernier round de négociations se tiendra 13 au 15 juin entre les 193 États.


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