Un méga-projet inutile à côté de l’aéroport de Chateauroux
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Les élus de l’Indre voudraient réaliser une immense zone industrielle près de l’aéroport vide de Chateauroux, dévorant encore 500 hectares des meilleures terres agricoles du département
L’Indre est un département à dominante agricole où le taux de chômage est élevé, la majorité des emplois proposés à faible qualification et la population vieillissante.
La ville de Châteauroux a beaucoup souffert des fermetures d’usines de ces dernières années, puis de la perte de 1500 emplois suite à la fermeture du 517e régiment du train en 2012. Dans ce contexte difficile, la course effrénée à l’emploi est la règle d’or au sein des élus locaux.
Malheureusement, cette course à l’emploi se fait sans imagination, sans vue à long terme, et sans réelle ambition pour le département.
M. Mayet, président U.M.P. de la Communauté d’Agglomération Castelroussine (C.A.C.) et sénateur maire de Châteauroux, a décidé d’implanter une nouvelle zone industrielle à l’est de la ville, afin d’y installer des entreprises françaises et chinoises sur une zone de 800 ha.
Il prétend sauver ainsi l’emploi et sortir l’Indre de son marasme économique en offrant aux investisseurs chinois de vastes espaces à proximité de l’aéroport de Châteauroux. Il promet 5000 emplois à échéance de 4 ans.
500 ha de la zone envisagée le sont au détriment de terres agricoles parmi les meilleures de l’Indre - le reste étant pris sur l’ancienne zone militaire de la Martinerie (200ha) et sur la zone industrielle d’Ozans (86ha).
Les élus de droite comme de gauche, ont approuvé ce projet. La gauche s’abstenant sur certaines conventions opaques passées avec les sociétés chinoises.
Il s’agit en effet, de sociétés fonctionnant sur le principe de la poupée gigogne : la société chinoise Beijing Zhoulian Weiye Investissements, bras financier de la SFECZ Sino-française Economic Coopération Zones, elle-même rattachée à la société Beijing Capital Land Ltd.
Le développement de l’aéroport de Châteauroux fait partie du projet pour favoriser les importations de produits chinois à travers cette Z.A.C. Le contexte de renchérissement du carburant, la nécessité affichée par les politiques nationaux de réindustrialiser la France en produisant français, et le réchauffement climatique à combattre n’a pas fait réagir les intéressés.
Si l’urgence de trouver des solutions pour remédier au chômage n’est pas contestable, l’Indre mérite mieux que ces solutions au rabais, qui ne sont à la hauteur d’aucun des enjeux auxquels nous devons faire face, qu’ils soient sociaux (risques de délocalisation) ou environnementaux.
Une zone disproportionnée
Le projet de ZAC la Martinerie-Ozans va amputer un tiers de la superficie du village d’Étrechet. C’est la première fois qu’on détournera de leur vocation agricole autant de terres au profit de surfaces imperméabilisées dans l’Indre.
Cette nouvelle zone de 800 ha au total est d’une ampleur démesurée, et s’ajoutera aux 900 ha déjà existants des 15 zones d’activités, ce qui porte à 1.600 ha la surface d’espaces imperméabilisés.
Le rapport du CESR de la région Centre présente un tableau comparatif de la croissance annuelle des S.C.O.T. entre 2000 et 2006 : la palme revient, après Tours, à Châteauroux avec 0,3% de taux de croissance annuelle moyen des espaces urbanisés.
- Des agriculteurs ont été expropriés, des terres fertiles vont être bétonnées ou bitumées, malgré la mobilisation de l’association d’agriculteurs Ariane et de celle des riverains Larzac.
- D’importantes friches industrielles abandonnées (Berry Tuft ou plus récemment Mead emballage) ne font l’objet d’aucun projet de réimplantation par la C.A.C. Tandis que les industriels, qui ont bénéficié de conséquentes aides publiques à l’installation, délocalisent allègrement leur activité en abandonnant les friches dans un état avancé de pollution.
- L’unique ressource en eau, alimentant toute l’agglomération, est menacée par l’implantation de cette nouvelle zone industrielle en amont des captages.
- La création d’une liaison aérienne d’Air China pour transporter des matières premières et des produits chinois à Châteauroux est une aberration, à l’heure où la crise climatique impose la réduction des transports polluants.
- Les accès se feront par la RD 67, avec création de trois points d’entrée via des giratoires. Une voie de liaison permettra la desserte de la zone d’activités et le contournement Est de l’agglomération castelroussine. L’augmentation du trafic va congestionner la RD 67 et provoquer une forte augmentation de l’effet de serre.
Les chemins piétonniers et les pistes cyclables prévus à l’intérieur du périmètre de la Z.A.C. ne suffiront pas à faire oublier l’impact de la pollution générée par un énorme trafic.
L’emploi ne doit plus être délocalisable
La société franco-chinoise SFECZ, qui vient d’acquérir le château d’Ozans et une dizaine d’ha de terres, a comme stratégie l’assemblage de produits manufacturés ou de produits high-tech avec le label made in France.
Sur le plan social, qui peut croire que les cadres chinois qui dirigeront ces entreprises garantiront le salaire minimum, la protection sociale et le droit de grève à Châteauroux, alors qu’ils ont des pratiques contraires partout ailleurs en Europe et dans le monde (voir la violation des droits sociaux lors de la construction du port du Pyrée en Grèce, et dans les usines de confection et de maroquinerie en Italie).
- En cas de délocalisation, qui peut croire que les entreprises chinoises dédommageront l’État des exonérations sociales et fiscales de la zone franche ?
- Comment ne pas qualifier de green-washing une zone et des bâtiments que M. Mayet veut étiqueter HQE en masquant le type d’activité industrielle, quelque soit son degré de pollution et sa manière de produire ?
Nous avons besoin d’alternatives
A l’encontre de ce type de projet à courte vue, les écologistes de l’Indre pensent que :
dans un contexte de renchérissement des transports routiers, notre département devrait bénéficier d’une politique d’emploi déployée sur l’ensemble du territoire ;
compter sur des entreprises chinoises qui peuvent déménager après quelques années, c’est courir le risque d’avoir des friches industrielles si les conditions de profit escomptées par ces entreprises ne sont pas réalisées ;
dans un contexte mondial ou les terres agricoles s’achètent par la Chine en dizaines de milliers d’hectares en Afrique ou en Amérique Latine, il serait temps de conserver dans nos régions les terres cultivées pour y maintenir ou y développer une agriculture de proximité ;
enfin, dans un contexte de réchauffement climatique et de perte de la biodiversité, les élus devraient respecter bien davantage leur environnement, la nature et la terre.