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Une manifestation sous Sarkozy

Le libre droit des citoyens de manifester ? Certes. Le récit qui suit montre cependant l’attitude systématiquement répressive adoptée par le pouvoir en place.

Dès 8H30 [le 12 janvier 2009], enseignants, parents d’élèves et militants partent de l’IUFM pour une action « Éducation ». Objectif : approcher l’école visitée par Nicolas Sarkozy et faire entendre notre mécontentement. La ville est quadrillée par des gardes mobiles et des CRS.

Le parcours de la manifestation a été défini avec la préfecture et nous avons l’accord de celle-ci pour aller jusqu’au Rd point de la grande surface proche de l’école en question.

A plusieurs reprises, le parcours convenu est remis en cause par les forces de l’ordre.

Nous comprenons rapidement que les promesses du préfet ne seront pas tenues... D’ailleurs, il apparaît rapidement que c’est Paris qui pilote St Lô et que gardes mobiles et CRS parisiens (une sorte de « garde rapprochée » du président) ont pour ordre de nous tenir à l’écart, invisibles et inaudibles, du président.

Rapidement, nous sommes bloqués dans une petite ruelle et tenus en respect par des gardes mobiles armés, équipés, arrogants et provocateurs. Un garde lâchera à Martine « on n’est pas là pour que ça se passe bien ». Nous sommes pris dans une souricière, à plus de 1 km de l’école. Aucune négociation n’est possible : le préfet ne tiendra pas ses engagements, le président en a certainement décidé autrement.

Le prochain RDV sera donc l’interpro à 10H30 Place de la Mairie...

Alors que le rassemblement est prévu de longue date, rien n’a été prévu : les manifestants se rassemblent donc entre les voitures stationnées comme à l’habitude sur la place... Ça fait du monde !

Très vite les manifestants se rapprochent de la place du centre culturel où vont avoir lieu les voeux.

Ils affluent de toutes parts et encerclent rapidement toute la place. Des centaines de policiers veillent sur les barrières qui tiennent à l’écart les manifestants. nous sommes au moins 5000.

 

Place de la Licorne, l’escadron des forces de l’ordre est remonté à bloc et pas vraiment patient. Très vite, et sans motif valable (quelques oeufs et papiers jetés sur eux) ils envoient des gaz et sortent les matraques. Dans un mouvement de panique, une manifestante est expulsée contre une vitrine.

Quelques blessés nécessitent l’intervention des pompiers.

Ailleurs, les forces de l’ordre sont d’humeur inégale mais souvent remontés : par endroit, chahuter avec une barrière vaut interpellation !

La tension monte et l’omniprésence et les provocations policières y sont pour beaucoup.

Le cortège présidentiel arrive enfin sous les huées des manifestants. Nous n’aurions pas pu lui faire pire accueil !

Forte mobilisation + boycott des syndicats + accueil « chaleureux » : l’action est un succès, elle sera largement couverte par la presse. Notre objectif est atteint, au-delà de nos plus folles espérances !

Plus tard, le départ de Sarkozy sous les huées de la foule signe la fin de l’action et le retour au bercail de la majorité des participants.

Pourtant, le bruit circule rapidement que 8 manifestants ont été interpellés. Comme un seul homme, quelques centaines de manifestants se rendent à l’hôtel de police pour exiger leur libération.

Les responsables syndicaux, prévenant les débordements, se placent rapidement en tête et s’apprêtent à aller négocier... La réponse ne se fait pas attendre et plus de 20 cars de gardes mobiles et CRS tirent des grenades sur les manifestants pourtant pacifiques et calmes...

Du coup ils sont moins calmes...

Les responsables syndicaux organisent le retrait des troupes afin que ça ne tourne pas au carnage. Il est manifeste que les forces de l’ordre n’ont plus seulement la mission d’assurer la sécurité mais bien d’intervenir chaque fois que l’occasion leur est donnée.

Une demande d’audience est faite auprès du préfet et une délégation intersyndicale se rend en préfecture pour exiger la libération des interpellés.

Une vingtaine de manifestants se rend au premier étage de la mairie pour s’entretenir avec le Maire et le faire intervenir auprès du cabinet du préfet. Rapidement, ceux-ci sont évacués par la CRS.

Une petite centaine de manifestants reste pacifiquement et très calmement devant la mairie en attendant la sortie de la délégation reçue en préfecture.

Nous en profitons pour nous restaurer un peu, discuter...

Les manifestants quittent un à un le rassemblement et nous sommes de moins en moins nombreux.

Les responsables syndicaux présents décident de ne pas laisser la cinquantaine de jeunes encore présents seuls et restent à leurs côtés.

L’histoire aurait dû s’arrêter là, et tout serait rentré dans le calme très rapidement.

Interprétation personnelle : le président, excédé par l’accueil, a du piquer une colère et exiger des têtes en donnant carte blanche aux forces de l’ordre.

Ce qui suit est tout simplement honteux : les forces de l’ordre sont entièrement responsables des incidents gravissimes de cette fin de journée :

Alors que l’action se termine et que nous ne sommes plus qu’une cinquantaine devant la mairie, un fourgon de gardes mobiles, casqués, matraques à la main, s’arrête à une trentaine de mètres de nous et procède à l’interpellation musclée de deux jeunes, un peu à l’écart, qui sirotent tranquillement une bière. La réaction ne se fait pas attendre et les manifestants essaient de libérer les jeunes. Le camion est accompagné de coups au moment de son départ. Après 20 mètres, celui-ci s’arrête : nouvelle provocation de ses occupants qui arrivent casqués et matraques à la main pour mettre au pas les récalcitrants. Un échange houleux s’ensuit.

Pendant se temps, la BAC, dans notre dos, procède à l’interpellation d’un autre jeune. Pourquoi lui ? Nous ne le saurons jamais... Nouvelle tentative de libérer le camarade, nouvel encerclement de la voiture de la BAC. Ces derniers nous aspergent de gaz et forcent le passage au risque de renverser quelqu’un. Des manifestants sont sur le capot, la bac ne peut aller plus loin. Les renforts arrivent par derrière et nous matraquent à coeur joie en nous insultant. Ils libèrent la voiture de la BAC et nous comprenons maintenant qu’ils vont s’occuper de notre cas.

Nous ne comprenons rien : nous sommes tenus en respect, les coups de matraque pleuvent au moindre mouvement. Mais on ne nous demande pas de partir...on nous garde juste là...

Et puis très vite, leur cible est un militant de la CGT : il aurait, dans le feu de l’action, donné un coup de hampe de drapeau (tube PVC) sur le casque d’un CRS.

Dès lors, les CRS n’auront de cesse de procéder à son interpellation.

Nous sommes une vingtaine d’adultes à nous tenir les uns aux autres pour protéger notre camarade. Nous formons une "tortue", il est au centre.

Les intimidations et les menaces fusent. 3 escadrons « s’occupent » de nous.

Nous réclamons un geste d’apaisement et la possibilité de partir tous ensemble sans interpellation : qu’ils s’éloignent et nous partirons, il faut que tout cela cesse.

Fin de non recevoir : il leur faut des têtes.

Après un bon quart d’heure comme enchaînés les uns aux autres, un chef d’escadron de la région nous assure que nous pouvons partir tranquilles, que nous ne serons pas inquiétés...

Toujours en nous tenant, nous tentons prudemment une sortie, avec la parole des CRS.

Un autre escadron, de Paris celui là, nous tombe sur le râble et matraque tout ce qui bouge pour atteindre le camarade dont ils veulent la peau. Bagarre générale, les coups pleuvent, nous nous faisons matraquer sévèrement.

Le service d’ordre de Sakozy en a eu pour sa faim...

C’est la fin de la journée, nous sommes rompus.

Suite à ces incidents, une conférence de presse intersyndicale est organisée.

Dans la soirée, un camarade du SNES-FSU apprendra qu’il aura à répondre de ses actes (sans qu’on lui ai signifié ce qu’on lui reprochait).

Le militant de la CGT sera mis en garde à vue toute la nuit. Il devait être relâché vers 15 H cet après midi et risque jusqu’à 10 ans de prison.

Les autres interpellés ont été relâchés, mais seront poursuivis. Les faits sont mineurs et ils devraient s’en tirer avec une amende.

Pour les militants syndicaux, une lettre intersyndicale 50 a été écrite, une lettre intersyndicale 14 est en cours, Gérard Aschieri et Bernard Thibaut interpellent le ministère...

Nous attendons les suites...nous sommes sur la brèche.

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