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Tribune

Une taxe Energie écologique et sociale est possible

Pour rendre juste la Contribution climat énergie, il faut la redistribuer selon les niveaux de revenus. Mais il faut aussi qu’elle reste écologique... D’où l’idée d’une d’une Carte verte, pour favoriser la production de produits et services à faible impact environnemental.


Les modalités pratiques de la future contribution climat énergie (CCE) sont débattues en ce moment. Même si la CCE est un premier pas dans la bonne direction, trois dimensions du projet actuel du gouvernement posent de graves problèmes.

Le premier concerne le périmètre de la contribution. Contrairement aux intentions gouvernementales il est souhaitable que l’électricité fasse partie du périmètre de la CCE. En effet, si l’essentiel de notre électricité est d’origine nucléaire, la France importe quand meme l’équivalent de la production de deux centrales nucléaires par an pour satisfaire ses besoins hivernaux en période de pic de consommation. Car si le nucléaire répond à nos besoins « de base », il n’est pas adapté aux pics de consommation. Résultat, nous importons notamment d’Allemagne de l’électricité produite à base de charbon. Si la consommation d’électricité n’était pas taxée, les émissions de CO2 liées à ce charbon ne le seraient donc pas non plus. On se trouverait alors dans la situation difficilement justifiable où le charbon consommé directement serait taxé, mais où le charbon consommé indirectement, via la production d’électricité, ne le serait pas.

Deuxième problème, le montant de la CCE. Le gouvernement semble s’accorder sur une valeur de 15 euros la tonne, alors que la proposition consensuelle de la commission Rocard donnait à la tonne de carbone une valeur de 32 euros. 15 euros c’est le prix actuel de la tonne de carbone sur le marché européen des permis à polluer. Un montant qui n’est absolument pas un point d’équilibre : le prix de marché a plongé depuis 2008 car la crise économique a diminué la demande de CO2 de la part des entreprises alors que l’offre est rigide, puisqu’elle est fixée dans le cadre des quotas pluri-annuels alloués par la Commission européenne. Le prix actuel du marché est ainsi considéré par tous comme insuffisant pour modifier les comportements des acteurs économiques, ménages comme entreprises. Ce qui est justement l’objectif de la CCE.

Pourquoi donc le gouvernement propose-t-il un tel montant ? De peur, principalement, de la réaction négative des ménages. Or, il serait tout à fait possible d’instaurer une CCE qui soit à la fois juste socialement et efficace écologiquement.

Et c’est la troisième dimension du projet gouvernemental qui pose problème : la redistribution de l’argent collecté. Avec la Fondation Nicolas Hulot, Europe Ecologie est favorable, pour des raisons de justice sociale, à la redistribution aux ménages de l’intégralité, ou de la plus grande part, de la CCE sous la forme d’un chèque vert. En taxant l’ensemble des ménages sur la base de leur consommation d’énergie en valeur absolue et en rendant l’argent aux ménages sur la base de leur revenu, on met en place un système très redistributif. Car un ménage aisé avec deux voitures, une grande maison et une résidence secondaire consomme beaucoup plus d’énergie qu’un ménage qui loue un deux pièces dans un HLM et possède une seule voiture.

Les calculs réalisés par l’Ademe pour préparer les travaux de la commission Rocard montrent bien que même si la part des dépenses énergétiques en pourcentage du revenu peut être plus élevée dans le second cas, la dépense énergétique en euro (celle qui est taxée) est moins élevée. Reste que si l’argent du chèque vert est utilisé pour consommer encore plus de carburant ou acheter un billet d’avion, la planète n’a pas gagné grand chose dans l’affaire !

On aura certes un dispositif socialement redistributif, mais insuffisamment efficace écologiquement. C’est pourquoi il est nécessaire que le chèque soit vert à la source (financé par le CCE), mais aussi à l’usage. Nous proposons donc que le chèque vert (qui pourrait de fait être une carte verte ou un compte vert) permette aux ménages qui le recevront d’acheter un panier de biens et services compatibles avec la réduction de leur empreinte carbone.

La carte verte permettrait par exemple de payer les transports en commun, d’acheter des légumes bio, des produits disposant de l’écolabel européen, des services à la personne fournies par des associations dans de bonnes conditions sociales, des services culturels, etc.

Il s’agirait à la fois de démocratiser l’accès à des produits verts et de contribuer à la conversion écologique de nos modes de consommation sans perte de pouvoir d’achat. Pour les entreprises, cela constituerait une incitation forte à produire davantage de produits à basse empreinte carbone : si la CCE était fixée à un 32 euros la tonne la première année, cela représenterait un montant collecté d’environ 6 à 8 milliards d’euros. Un marché dont seraient exclues les entreprises proposant les produits les plus polluants. Le chèque « doublement vert » est aujourd’hui une façon de sortir par le haut de la situation dans laquelle s’est mise le gouvernement : en ne redistribuant pas la CCE aux ménages, il crée une injustice. Pour la limiter, il diminue le montant de la taxe. qui du coup n’a plus d’intéret écologique. Mais seuls les imbéciles ne changent pas d’avis...


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