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Yann Arthus-Bertrand patauge dans le nucléaire

Alors, il en pense quoi, du nucléaire ? La journaliste Laure Noualhat lui a demandé de s’expliquer.

Quelques heures avant la sortie de Home, l’incontournable film de Yann Arthus-Bertrand sur les beautés de la planète, l’ONG Sortir du nucléaire accuse l’écologiste d’être un fervent partisan de l’énergie nucléaire. Ce qui a le don de rendre le photographe furibard. Notons que le film n’aborde pas du tout cette question-là, et qu’il en aborde bien d’autres notamment la fin des énergies fossiles, les limites de l’agriculture productiviste, la nature ravagée par la pression humaine, … Le Réseau Sortir du nucléaire considère que le lancement mondial de ce film positionne Yann Arthus-Bertrand comme l’un des premiers écologistes de la planète, et que ce statut est « plus que contestable puisque le photographe continue imperturbablement de soutenir l’industrie nucléaire, une des industries les plus polluantes et dangereuses, qui met gravement en danger l’avenir de la planète ».

« La position pronucléaire de M. Arthus-Bertrand est d’autant plus indéfendable que, interviewé sur France Inter, il vient de faire un aveu crucial : le maire de Bordeaux Alain Juppé lui a confié que, lors de la tempête de décembre 1999, l’inondation de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) avait été si grave que les autorités avaient été à deux doigts de faire évacuer la ville de Bordeaux. »

Ce qui énerve le réseau Sortir du nucléaire, c’est que Yann Arthus-Bertrand avoue qu’ « il y aura des accidents nucléaires un jour ou l’autre, il faut le savoir », tout en estimant que l’on ne peut faire sans cette énergie. Un petit coup de fil s’imposait... Compte-rendu.

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Sortir du nucléaire vous accuse d’être un fervent partisan de l’énergie nucléaire…
Dans le film, je n’ai pas réussi à parler du nucléaire, je voulais le faire, mais c’était très très compliqué. Sur cette question, je ne sais pas quoi penser. Je pense qu’il y aura des accidents nucléaires, oui, c’est vrai, je l’ai dit et je le pense, mais cela ne veut pas dire que je suis spécialement pour le nucléaire, c’est juste que je ne vois pas comment on va remplacer toutes les centrales qui fonctionnent en France.

Peut-être en insistant sur les économies d’énergie, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, …, non ?
Oui, mon film ne parle que de cela : vivre autrement pour vivre mieux. Mais je le répète, je me pose la question, comment va-t-on remplacer le nucléaire ? Ce n’est pas honnête de dire que c’est possible avec des énergies renouvelables. Tous les pays veulent revenir au nucléaire… Tous les journalistes me demandent : « mais alors, qu’est-ce qu’on fait ? », très franchement, je n’en sais rien, il ne faut pas demander à un photographe-journaliste d’avoir la solution à tous les problèmes de la planète. Je suis là pour faire passer le message, pour informer. Qu’est-ce qu’on fait ? Je n’en sais rien ! Mais cela me rend fou d’être attaqué de but en blanc, sans qu’on me demande mon avis. J’ai visité Tchernobyl plusieurs fois, ce que Juppé m’a dit (à propos des inondations de la centrale du Blayais, ndla) m’a secoué. Je ne suis pas pour le nucléaire, mais je ne sais pas comment on va s’en passer.

Conclusion ?
Le film va être vu par des millions de personnes, ce qui est important, c’est le message qu’il porte. On ne va pas avancer si on passe son temps à critiquer ce que font les uns et les autres. Les écologistes ont souffert d’être toujours ceux qui dénonçaient telle ou telle initiative. On ne peut pas être toujours contre. A cause de l"urgence, on ne peut plus avancer comme cela.

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Exact. Malheureusement, il est difficile d’imaginer avancer main dans la main avec EDF quand on prône l’efficacité énergétique et la sortie du nucléaire. De la même façon qu’EDF n’a guère envie d’avancer main dans la main avec les antinucléaires. Certaines positions sont assez irréconciliables, tout de même. Idem dans de nombreux secteurs comme l’automobile, la chimie, l’agriculture, ... Plus de covoiturage et de transports en commun contrevient aux intérêts des constructeurs automobiles ; une agriculture paysanne, ou biologique, aux circuits de distribution relocalisés, contrevient à une agriculture mondialisée énergivore et qui appauvrit les écosystèmes ; une chimie verte, affranchie des énergies fossiles, contrevient aux intérêts de grands groupes tels que Bayer, Rhône-Poulenc, … Et ainsi de suite.

Bien que cela soit louable, cela va s’avérer très compliqué de réconcilier les positions de tous, dans un intérêt collectif supérieur qui dépasserait les intérêts particuliers. Tout le monde est pour le développement durable, tant que cela ne piétine pas ses propres intérêts. Sinon, cela s’appelle se tirer une balle dans le pied. Ça fait mal et c’est un peu maso.

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