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5G et téléphone

5G : l’Anses rassure, le gouvernement s’en réjouit

Le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire publié mardi 20 avril indique que le déploiement de la 5G n’implique pas de « risques nouveaux » pour la santé au vu des données disponibles. L’agence avoue toutefois manquer d’études précises sur certaines bandes de fréquences. Les associations environnementales ne sont pas rassurées.

La 5G est-elle dangereuse pour la santé ? C’est la délicate question à laquelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a tenté de répondre dans un rapport publié le 20 avril.

Elle a été plutôt mesurée dans son avis, estimant que le déploiement de la 5G n’engendrait pas de risques nouveaux pour la santé, au vu des données disponibles. « Les conclusions de nos expertises scientifiques sont rarement toutes noires ou toutes blanches. Il peut y avoir une part d’incertitude résiduelle qui diminue au fur et à mesure que les données vont se compléter », expliquait lors de la conférence de presse organisée le matin de la publication Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle « sciences pour l’expertise » de l’Anses.

Or, dans le cas de la 5G, on manque d’études chiffrées sur certaines bandes de fréquences. Ce que reconnaît bien volontiers l’Anses. Ainsi, la première bande de fréquence (700 mégahertz à 2,1 gigahertz) utilisée auparavant par la TNT et le réseau 4G, ne présenterait pas de risques nouveaux pour la santé. « Les travaux antérieurs menés par l’Anses sur les effets liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques dans la gamme des radiofréquences indiquent qu’il n’existe à l’heure actuelle pas de preuve d’effet sanitaire lié à des expositions à des sources de champs électromagnétiques correspondant aux usages numériques courants », explique l’agence.

« Cela ne signifie pas du tout qu’il n’existe aucun risque », tempête Sophie Pelletier, présidente de Priartem, une ONG qui travaille sur les conséquences sanitaires des ondes. Elle rappelle qu’un autre groupe d’experts de l’Anses a été lancé début 2020 pour étudier justement les conséquences sanitaires de cette bande de fréquence. « Ils disent qu’il n’y a pas de risque mais ils continuent quand même à étudier... Dire que depuis 2011, le Centre international de recherche sur le cancer explique que ces ondes sont peut-être cancérogènes pour l’humain » , soupire Sophie Pelletier, contactée par Reporterre.

On occulte « ce qui se passera dans les situations de surexposition »

Les conclusions de l’Anses sont en revanche bien moins claires pour les autres bandes de fréquences, comme la bande 3,5 gigahertz. Connue comme la « bande-cœur » de la 5G, elle commence tout juste à être déployée à grande échelle. Difficile donc d’avoir le recul nécessaire sur ses conséquences sanitaires. Pourtant, en dépit de l’absence de données, l’Anses assure qu’il est « peu vraisemblable, avec les données d’exposition disponibles, qu’il y ait un nouveau risque pour la santé ». L’agence précise également que la limite moyenne d’exposition aux ondes électromagnétiques sur la bande 3,5 gigahertz passera de 1,3 à 1,7 volt par mètre. « C’est tout de même une augmentation de 30 %. De plus, c’est une moyenne qui va occulter ce qui se passera dans les situations de surexposition », précise Sophie Pelletier. En France, l’exposition aux ondes électromagnétiques est surveillée par l’Agence nationale des fréquences (ANFR). En 2018, elle avait conclu à un niveau d’exposition médian de 0,40 V/mètre.

Enfin, concernant la bande 26 gigahertz, celle qui offrira le meilleur débit et qui n’a pas encore été vendue aux opérateurs de téléphonie mobile, l’Anses concède qu’elle ne dispose pas de données suffisantes « pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques ».

L’agence liste ensuite une série de recommandations pour mieux surveiller l’exposition aux champs électromagnétiques et approfondir les connaissances sur ses liens avec les effets sanitaires.

Ces conclusions ont été reprises par la Fédération française des télécoms qui s’est félicité dans un communiqué de presse que « la 5G ne présente pas de risque spécifique pour la santé, dans les fréquences actuellement utilisées ». « Nous ne l’avons pas écrit de cette manière-là », tempère Mathieu Schuler. « Mais nous ne sommes pas dans une situation où l’on tire la sonnette d’alarme. »

Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique, s’est réjoui

Quant au gouvernement, qui avait commandé ce rapport, il a promptement réagi. « Les conclusions de l’Anses publiées aujourd’hui confortent notre décision d’autoriser le déploiement de la 5G et l’approche rigoureuse dont nous faisons preuve en matière de contrôle de l’exposition aux ondes. La recherche sur les effets sanitaires de cette technologie doit se poursuivre et s’intensifier », s’est réjoui Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Face à tant d’incertitudes, les associations environnementales se disent déçues. Priartem et Agir pour l’environnement estiment que les experts de l’Anses posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses concrètes. « Cette communication de l’Anses, c’est de la rhétorique. La nocivité et la suspicion du risque disparaissent comme par magie », déplore Sophie Pelletier. « Je trouve que ce rapport fait peur. Quand une agence du gouvernement vous raconte qu’a priori, ça va aller, même s’il n’y pas d’études, cela me perturbe. »

Vu l’intérêt pour le sujet, l’Anses a lancé une consultation publique afin de recueillir les commentaires éventuels.

Rappelons que la 5G est actuellement déployée dans toute la France par les quatre opérateurs de téléphonie mobile. Ils ont déboursé un total de 2,786 milliards d’euros pour acquérir ces fréquences.

Pour aller plus loin, retrouvez l’enquête de Reporterre sur cette technologie.

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