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Charlie Hebdo : un journal intimement lié à l’écologie

Né en 1970 dans le sillon rebelle de « Hara-Kiri », « Charlie Hebdo » n’est pas qu’un journal satirique, irrévérencieux et libertaire. Il a été, et continue d’être, l’un des espaces d’expression privilégiés de l’écologie. « Une écologie gaie, utopiste et inventive », comme la décrit François Camé, ancien directeur de l’information de l’hebdomadaire.

Gébé, Reiser, Fournier, Nicolino... autant de figures rieuses, de plumes acérées, de crayons décapants qui ont prêté leur talent à la cause écologiste. Autant de journalistes passés chez Charlie.

Le porte-voix de l’écologie balbutiante

L’écologie entre à Charlie Hebdo à la fin des années 1960 avec Pierre Fournier (http://www.reporterre.net/Fournier-precurseur-de-l-ecologie). Dessinateur et chroniqueur, mais aussi militant écologiste de la première heure. « Il est arrivé avec ses rêves, contre le nucléaire et pour le végétarisme », se rappelle Danielle Fournier, sa compagne. « Tout le monde se moquait de lui, mais on l’écoutait, il était respecté ». Cabu croque alors la famille Fournier en mangeurs de carottes.

Peu à peu, ses idées trouvent leur place dans les pages grandes ouvertes de Charlie Hebdo. « Cavanna et Choron lui ont donné carte blanche, il faisait ce qu’il voulait », poursuit-elle. L’équipe soutient un vigneron bio, l’un des premiers, et fait venir d’Aquitaine des caisses de Bordeaux sans pesticide. Alors que la cause environnementale sort à peine des nimbes post-soixante-huitardes, Charlie Hebdo se positionne comme le porte-voix de la lutte anti-nucléaire, de l’énergie solaire ou de la critique de la surconsommation. Sous l’impulsion enthousiaste de Fournier, toute l’équipe, même les moins convaincus comme Wolinski, se met à parler d’environnement.

En 1972, l’hebdo donne naissance au premier journal d’écologie politique : La Gueule ouverte. Après le décès de Pierre Fournier, en 1973, c’est Isabelle Monin, alors compagne de Cabu, qui prend les rênes du mensuel.

Antinucléarisme

Charlie Hebdo prend alors une part très active à la lutte contre le nucléaire, lutte fondatrice du mouvement écologiste. « C’est un lien historique, un lien fraternel qui nous lie à Charlie Hebdo », explique Philippe Brousse, directeur national du Réseau Sortir du Nucléaire. « Des milliers de personnes ont été sensibilisés par Charlie Hebdo, et avant par Hara Kiri. Charlie fut un des acteurs essentiels de la mobilisation contre le nucléaire ».

Une implication qui prend date dès l’origine du mouvement, telle qu’en témoigne cette anecdote de Danielle Fournier : « Pour la manifestation contre la centrale du Bugey en 1971, Charlie Hebdo avait affrété des cars depuis Paris. Les trois-quarts des manifestants étaient des lecteurs du journal ».

Le journal accompagne le mouvement sur toute la fin du XXe siècle. Lorsque le réseau Sortir du Nucléaire se constitue, en 1997, son directeur se souvient des nombreuses participations de Charb, qui publie gracieusement ses dessins dans différentes publications du mouvement. « C’était des contributions volontaires, Charb dénonçait la menace nucléaire, comme Charlie Hebdo a toujours dénoncé toute forme d’extrêmisme de la folie humaine ».

En 2010, Cabu et d’autres dessinateurs de Charlie soutiennent une action contre le nucléaire militaire par leurs croquis. Quant à Fabrice Nicolino, il a rédigé il y a deux ans un Hors-Série de Charlie intitulé L’escroquerie nucléaire.

La même année, Charlie Hebdo a été un des premiers à aborder longuement le projet de Cigéo, projet d’enfouissement des déchets nucléaire à Bure (Meuse). Cette fois, c’est un autre journaliste, Antonio Fischetti, qui se déplace et fouille, fouine, dérange, comme le journal sait si bien le faire.

Michel Marie, porte-parole du CEDRA (collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs), raconte : « IL est venu passer trois jours sur place, très investi. Ce n’était certes pas le premier coup fumant au niveau national, mais l’article a fait causer, ce n’était pas que de la caricature, il y avait un vrai dossier de fond. C’est d’ailleurs comme ça que Charlie Hebdo a toujours su faire bouger les consciences, notamment sur le nucléaire ».

Une vision joyeuse et drôle de l’écologie

Comme ça, c’est-à-dire en mêlant l’aigre-doux du crayon et l’impertinence de la réflexion. Depuis ses origines, Charlie Hebdo défend l’écologie à coup de satires et de chroniques décapantes. Un ton décalé qui déborde de L’An 01, bande dessinée et film nés de l’imagination utopiste et libertaire de Gébé, critique joyeuse du productivisme et de la société de consommation. Avec une devise : « On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste ».

Un ton qui séduit les journalistes comme François Camé. « L’écologie peut être vue comme lamentablement triste et conne, mais aussi comme gaie et inventive », explique celui devenu, en 1996, directeur de l’information de l’hebdomadaire, avant de le quitter en 1999, en conflit avec le directeur du journal, Philippe Val. « Charlie Hebdo a toujours porté une vision résolument positive et humaine ». Avec une arme, irremplaçable : être drôle. « Il faut traiter et défendre nos convictions, nos idées, nos engagements avec humour », dit François Camé. « Sinon, on devient vite des sales cons sectaires et dangereux ».

Et puis, toutes les semaines, depuis 2010, Fabrice Nicolino assurait une chronique d’écologie dans le journal. Sa chronique parue hier s’intitulait « Inondations à tous les étages ». Il prépare la prochaine discrètement - on l’attend !

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