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Tribune

L’Agence sur la biodiversité est mal engagée

« L’Etat a décidé de passer en force en faisant financer la biodiversité par les redevances de l’eau, donc essentiellement par la facture d’eau de l’usager domestique. »


-  Le ministre de l’Ecologie Philippe Martin a présenté le 26 mars le projet de loi sur la biodiversité. Il prévoit notamment la création d’une Agence nationale de la biodiversité. Celle-ci souffrirait d’un vice structurel, selon le Syndicat national de l’environnement.


Face aux attentes des Français quant à la mise en œuvre des politiques publiques, vous avez récemment mis en perspective votre souhait de disposer d’un Etat plus dynamique, plus réactif et plus économe.

La première des conditions à la réalisation d’un tel souhait passe par la crédibilité des objectifs fixés et la cohérence de mobilisation des moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, qu’il s’agisse des financements ou des ressources humaines.

Tel n’est pas le cas des politiques environnementales que sont les politiques de l’eau et de la biodiversité. Pour l’eau et les milieux aquatiques, les gouvernances de bassin appuyées sur la sanctuarisation des financements par taxes affectées ont permis d’engager le minimum d’actions permettant de présenter un bilan acceptable au regard des engagements européens, pour la biodiversité, l’Etat a tout simplement toujours refusé d’engager les moyens nécessaires.

Depuis la disparition du Ministère de l’Environnement en 2007 et que ses agents soient fonctionnaires ou contractuels, l’administration s’est simplement contentée de ne rien gérer du tout, ce qui a entraîné gâchis généralisé (aucune gestion des corps pendant plusieurs années) et conséquences dommageables pour l’action publique (non-exécution par l’ONEMA des missions que la Loi lui avait confiées du fait de l’impossibilité de recruter les compétences nécessaires).

C’est dans ce contexte que se prépare le projet de loi sur la biodiversité, prévoyant notamment dans son titre III l’émergence d’une Agence Française pour la Biodiversité. Les arbitrages déjà rendus dans cette perspective obèrent par avance non seulement la réussite du projet, mais également par retour de conséquences les rares succès actuels de la puissance publique en ces matières.

Concernant le financement, l’Etat a décidé de passer en force en faisant financer la biodiversité par les redevances de l’eau, donc essentiellement par la facture d’eau de l’usager domestique. C’est prendre le risque d’un retrait des acteurs économiques des gouvernances de bassin et d’une explosion de ce système qui a été pris en référence par le monde entier. Dans ces conditions, la rebudgétisation projetée de ces redevances ne pourra qu’entraîner le retrait des autres acteurs.

Concernant ses missions, l’Agence ne pourra assumer leur cohérence sans la présence de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) en son cœur. Les errements de l’administration ont conduit à placer l’ONEMA (Office national de l’eau et des milieux aquatiques) au centre de la construction de la future Agence. De par leurs fonctions communes, à commencer par leurs missions régaliennes, ces deux établissements publics ne peuvent avoir qu’une destinée commune.

Un tel choix de cohérence ne fera pas pour autant l’économie d’une réforme de la gouvernance actuelle de l’ONCFS, redonnant au Conseil d’Administration de l’Office l’équilibre qui aurait toujours dû rester le sien au bénéfice des différentes sensibilités associatives.

Ainsi et face à l’immense enjeu d’avenir que représente ce projet, les dispositions envisagées au plan des moyens pour la création de ce nouvel opérateur ne sont cohérentes ni sur le fond ni sur leur financement. Pire, en contradiction avec d’autres réformes en cours de réflexion dont la fiscalité, ces dispositions sont par nature porteuses de dévoiement et donc de renoncements. Il convient donc d’en tirer les conséquences qui s’imposent, soit en retirant ce projet-là, soit en l’amendant pour le rendre cohérent.

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