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Mines et métaux

La Bretagne en lutte contre les projets de mines

La géologie du vieux Massif armoricain suscite l’intérêt des entreprises minières, notamment la société Variscan mines. Mais l’opposition des populations complique la conduite des recherches. Un rassemblement est prévu ce samedi, à Guingamp.

Samedi 18 mars 2017, une manifestation est prévue à Guingamp contre les projets miniers en Bretagne. Trois permis exclusifs de recherche minière (Perm) ont été délivrés en 2014 et 2015 à la société Variscan dans le centre de la Bretagne : Loc-Envel, Merléac et Silfiac. Les recherches y avancent cahin-caha. C’est le collectif Douar Didoull (la « terre sans trou »), constitué fin 2014 en réponse au permis exclusif de recherche minière (Perm) de Loc-Envel, qui appelle à manifester, en raison d’une double actualité. « Variscan a déposé son programme de travaux pour l’année à la préfecture et il y est mentionné des sondages dans la forêt de Koad an noz. De plus, des maires ont pris, au nom du principe de précaution, des arrêtés interdisant le survol de leur commune en aéronef émettant des ondes, et la société Variscan assigne en justice ces communes », explique Lamine Ndiaye, de Douar Didoull.

La première phase de prospection minière sur le terrain consiste à faire de petits prélèvements, à la main ou à la tarière, et à mener une recherche géophysique aérienne par électromagnétisme. Sur ces deux aspects, la société minière rencontre des difficultés à avancer les travaux en Bretagne. Sur le permis de Loc-Envel, « nous avons fait signer des refus de prélèvements aux propriétaires qui le souhaitaient. 80 % du territoire est ainsi refusé d’accès à Variscan. Dans certaines communes, cela atteint 100 % », explique le collectif Douar Didoull. Cette stratégie atteint toutefois ses limites avec la forêt domaniale de Koad an noz, où des prélèvements sont prévus. Contactée par nos soins, la société Variscan n’a pas pu répondre précisément sur l’avancée des travaux à Loc-Envel, si ce n’est « qu’il n’y a actuellement pas de chargé de mission sur les permis de Loc-Envel et Silfiac et pas d’activité sur le terrain ».

Le collectif Douar Didoull s’est constitué fin 2014 en réponse au permis exclusif de recherche minière de Loc-Envel.

Avec cette manifestation, « on demande à la population de montrer à nouveau qu’il n’y a pas d’acceptation sociale », résume Lamine Ndiaye. Ce rassemblement s’inscrit dans une série de mobilisations contre les permis miniers depuis leur attribution à partir de 2014. Le 5 mars dernier, une chaîne humaine réunissait 1.500 personnes, d’après Ouest-France, là où des forages doivent être réalisés sur le permis de Merléac. En mai 2016, une vente symbolique des forêts de Koad an noz et Koad an nay, du Perm de Loc-Envel, était organisée par Douar Didoull afin d’inviter la population « à se réapproprier la forêt », les dons récoltés en échange de « titres de propriété symbolique » alimentant la caisse du collectif. En août 2016, un festival des luttes organisé par Douar Didoull sur le site du Perm de Loc-Envel comptabilisait 3.000 entrées sur trois jours.

Les capitaux de Variscan viennent d’Australie et du Canada

Depuis 2014, trois Perm ont été attribués dans le centre de la Bretagne à la société Variscan. Celui de Merléac, attribué en novembre 2014, porte sur 409 km2. Du cuivre, du zinc, du plomb, de l’or, de l’argent et des substances connexes y sont recherchés. Ceux de Loc-Envel et de Silfiac ont été attribué en septembre 2015. Aux métaux recherchés à Merléac s’ajoutent le tungstène, l’étain, le molybdène et le germanium. Les permis de recherche permettent à une société d’explorer le sous-sol pendant une période de cinq ans, avant une possible exploitation, qui nécessitera l’octroi d’un autre permis.

De plus, deux demandes de Perm sont en cours d’instruction dans le Finistère : le permis de Penlan, demandé par la société SGZ, et le permis de Lopérec, demandé par Sudmine. Cette concentration de recherche en Bretagne s’explique par la géologie des vieux massifs, comme le Massif armoricain, mais également le Massif central, les Vosges et les Pyrénées, où se trouvent peut-être des gisements.

En août 2016, le collectif Douar Didoull organisait un festival pour la convergence des luttes.

La société Variscan détient 7 des 10 Perm délivrés dans l’Hexagone depuis 2013. « Il y a un taux de succès de 1 pour 10 : c’est-à-dire que pour 10 projets, un seul mène à une exploitation. Pour ces raisons, nous déposons plusieurs dossiers », nous expliquait Michel Bonnemaison, le directeur général de Variscan mines, dans un entretien accordé en février 2016.

L’entreprise, basée à Orléans, a été fondée par deux anciens géologues du BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières) en décembre 2010. « On s’était dit que l’on voulait une société française. On a cherché en France des capitaux, mais personne n’est venu. Alors, on a élargi le cercle. Pour la mine, c’est vite vu, c’est soit le Canada, soit l’Australie », décrivait Michel Bonnemaison. La société Variscan a finalement trouvé des capitaux australiens.

En plus de la levée de fonds et de la qualité du gisement, les sociétés minières doivent composer avec l’acceptabilité sociale de leur projet. En Bretagne, des associations et collectifs s’opposant aux projets miniers se sont progressivement constitués suite à l’attribution des Perm.

Le permis de Loc-Envel couvre 336 km2.

Sur le Perm de Merléac, Vigil’oust a vu le jour début 2016 avec une quinzaine de personnes « en réaction au manque d’information, explique une militante. Pendant un an, on a cherché de l’information et on l’a distribuée. » Pollutions, risques pour la santé, non-durabilité de l’activité extractive… ces recherches ont conforté les membres de l’association dans leur rejet du projet minier. Aujourd’hui, environ 400 personnes adhèrent au mouvement.

« Soit la région souhaite créer des emplois miniers, soit elle ne le souhaite pas » 

À Merléac, les travaux sont plus avancés que sur les Perm de Loc-Envel et de Silfiac, où l’opposition a commencé à se structurer avant même l’octroi des permis. Trois forages d’exploration y sont prévus pour les mois à venir. Ils auront lieu sur la commune de Saint-Martin-des-Prés, qui compte 400 habitants. Son maire, Christian Le Riguier, est favorable aux recherches actuelles. « Je suis curieux de savoir ce que l’on a sous nos pieds. Et si on a des richesses, tant mieux. » Mais « on ne peut pas se positionner sur l’exploitation, puisque pour l’instant ce n’est que de la recherche », insiste-t-il. « Un forage, c’est un trou d’un diamètre de 10 centimètres », décrit-il.

Pour Vigil’oust, « les forages sont les prémices d’une exploitation minière » et l’association s’y oppose. Elle a mis en place une « alerte foreuse ». « C’est une liste téléphonique d’environ 500 personnes à qui l’on enverra un message lorsque les foreuses arriveront pour qu’elles viennent s’y opposer sur place », explique une militante. En parallèle, l’association travaille à un recours juridique contre les autorisations de forage.

En Bretagne, lors du festival pour la convergence des luttes organisé par le collectif Douar Didoull en août 2016.

« Personnellement, je n’ai pas de retour négatif de la part de mes administrés, si ce n’est d’une petite poignée de personnes qui s’opposent plus par principe que pour autre chose », contrecarre le maire de Saint-Martin-des-Prés. « S’il y a des difficultés lors des forages, ce ne sera pas de la part de la population martinaise. »

Parmi les 33 communes du Perm de Merléac (avant la constitution de communes nouvelles au 1er janvier 2017), « 7 ont délibéré en conseil municipal sur la question et ont voté contre la poursuite des recherches minières », d’après Vigil’oust. À St-Martin-des-Prés, « nous en avons discuté, mais nous refusons de prendre une délibération à ce sujet, car c’est du domaine de l’État. On n’a pas d’avis à donner », explique Christian Le Riguier.

Sur le Perm de Merléac, la population est divisée. « On en a pour 20 ans de climat tendu. J’aimerais bien qu’un jour Variscan vienne s’excuser d’avoir mis le bordel dans nos communes », glisse une militante de Vigil’oust.

Lors d’une réunion d’information auprès d’élus concernés par le permis de Merléac, Michel Bonnemaison, le directeur de Variscan mines, annonçait il y a quelques jours : « Si nous risquons de nous heurter à une résistance du type Notre-Dame-des-Landes, nous ne pourrons insister longtemps. Soit la région souhaite créer des emplois miniers, soit elle ne le souhaite pas », relayait Ouest-France. Dans un entretien accordé en février 2016, Michel Bonnemaison estimait qu’une exploitation minière pouvait générer 150 emplois directs, auxquels il faut ajouter les emplois indirects. Évoquant l’opposition rencontrée sur le Perm de Tennie, à cheval entre la Sarthe et la Mayenne, il prévenait : « Il faut savoir que cette attitude gèle tout projet minier pour les trente ans à venir. » La même chose pourrait s’appliquer aux Perm bretons.

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