Tribune —
Le legs des Jeux olympiques d’hiver : installations pourrissantes et dégât écologique

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Les jeux olympiques d’hiver vont s’ouvrir à Sotchi en Russie. Mountain Wilderness rappelle ce qu’il reste des précédents jeux hivernaux : infrastructures obsolètes, bâtiments abandonnés et dégâts environnementaux irréversibles.
Sotchi va organiser les Jeux olympiques 2014. Nice, Grenoble, Pelvoux et Annecy se sont battus pour obtenir l’organisation des J.O. d’hiver 2018. Annecy s’était vue pré-sélectionnée par le Comité olympique français avant de perdre, tout comme Munich, face au projet de la ville sud-coréenne de Pyeongchang.
Mountain Wilderness, comme de nombreuses organisations de défense de l’environnement, s’était positionnée contre les dégâts faits à la montagne par ces jeux hivernaux (lire ici et là).
Les arguments portés par nos associations quant aux impacts environnementaux et aux choix de développement liés aux J.O. d’hiver semblent aujourd’hui avoir trouver une très large audience. En mars dernier, une « votation populaire » était organisée dans le canton des Grisons, posant la question de la candidature aux J.O. d’hiver de 2022.
Le « non » l’a emporté par 52,66 % sur l’ensemble du canton, ce qui met fin à la candidature grisonne. Les porteurs du projet, qui se vantaient « d’organiser cet événement gigantesque dans les montagnes suisses d’une façon à la fois avantageuse économiquement et satisfaisante sur les plans social et environnemental », n’ont pas convaincu leur population.

Un an auparavant, c’est la candidature austro-italienne du Tyrol qui était rejetée par le parlement du Trentin. Et le 10 novembre 2013, les habitants de Bavière ont très largement rejeté la candidature de Munich aux olympiades d’hiver de 2022. « Ce vote n’est pas dirigé contre le sport, mais une réponse claire contre l’appât du gain et le manque de transparence du CIO », a souligné Ludwig Hartmann, porte-parole du mouvement « Nolympia ».
Tous ces électeurs ont sans doute été sensibles aux précédents ratés des J.O. : cela fait des décennies que le tremplin de Cortina d’Ampezzo (jeux de 1956) n’a pas accueilli de compétition internationale. La piste de bobsleigh de Sapporo (1972) a été enlevée à l’occasion des J.O. de Nagano, mais tous les bâtiments et constructions qui l’accompagnaient semblent avoir été laissés en l’état.
De même à Sarajevo (1988) où, certes, le contexte post J.O.était très particulier (c’est le moins que l’on puisse dire !), mais où les ruines sont toujours là. Quant aux jeux de Turin (2006), les ratés sont légion !.
Les J.O. de Vancouver (2010) devaient être les jeux les plus écolos de tous les temps, avec un soin particulier apporté à l’installation du village olympique.
Cette ambition était rappelée dans un rapport universitaire intitulé « Impacts et héritage des JO modernes », écrit juste avant ces jeux : « les Jeux olympiques de Vancouver laisseront à la région des édifices innovateurs éco énergétiques qui réduiront les émissions de gaz à effet de serre dans la communauté (en plus d’économiser de l’argent) pendant bien des années à venir. »
Or, ces fameux logements « écolos » du villages olympique, en particulier les logements sociaux, sont vides et ont donc été construits pour rien (voir cette vidéo édifiante).
Enfin, plus proche de nous dans l’espace, pour ce qui concerne Grenoble (jeux d’hiver de1968), n’oublions pas le tremplin de saut à ski de St Nizier, une installation obsolète bien connue, mais aussi la route de Montaud, qui permettait d’aller directement au site olympique d’Autrans depuis la vallée grâce à un tunnel creusé dans les falaises du Vercors : un premier éboulement, au début des années 1970 avait entraîné la fermeture de cette route durant une dizaine d’années. En 1993, un deuxième éboulement a conduit à sa fermeture.
On voit donc que cette question des installations abandonnées après des jeux est une constante. Certains sont démontés ou recyclés (la piste de bobsleigh de l’Alpe d’Huez est restée des années à l’état de ruine, avant d’être finalement démontée ; un lourd programme est en cours pour recycler la halle olympique d’Albertville (1992) ; l’anneau de vitesse du parc Mistral de Grenoble sert à quelques rollers et évènements, mais n’a pas été utilisé depuis des décennies et ne pourra plus être mis en glace…). Mais beaucoup restent en l’état et pourrissent tranquillement... (l’été aussi d’ailleurs : une petite recherche internet sur « olympic games abandoned » le démontre : Moscou, Athènes, Pékin, Londres,... aucun n’y échappe !)

Pendant ce temps, on en construit d’autres. Et Sotchi est parti pour battre des records en terme d’impact : « il est actuellement impossible de trouver quelque indice d’une stratégie de développement durable dans la région, et c’est pourquoi il existe un véritable risque que les nouvelles infrastructures ne soient pas utilisées à long terme » nous dit la Revue de Géographie Alpine.