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Le sommet européen refuse de s’engager sur le climat

Les chefs d’Etat européens se retrouvent en sommet aujourd’hui et demain. Le climat va être le parent pauvre de cette réunion : l’Europe repousse à plus tard les choix nécessaires.


-  Image du chapô : sculpture d’Issac Cordal, "Politiciens discutant du changement climatique"

-  Actualisation : le texte des conclusions du sommet publié le 21 mars 2014.


Prévu depuis un an, le Conseil européen des 20 et 21 mars devait être principalement consacré au paquet énergie-climat. Mais le dossier ukrainien et le statut de paradis fiscal de l’Autriche et du Luxembourg devraient reléguer au second rang cette question cruciale. Sur laquelle aucun Etat ne veut réellement avancer.

Après le texte consensuel publié le 22 janvier par la Commission, dont les propositions sont très en-deçà de ce qui serait nécessaire pour enrayer le changement climatique, les Etats se retrouvent pour décider des politiques climatiques et énergétiques à mener à l’horizon 2030. Le résultat sera officiellement connu jeudi soir à 22 heures, mais le « draft » (brouillon) a fuité. Encore une fois, l’Union est frileuse, et semblent vouloir toujours remettre à plus tard ses décisions.

D’autant que le président Barroso a adressé un courrier étonnant aux États membres, dans lequel il énumère les sujets prioritaires de ce Conseil, le dernier de l’ère Barroso II : les questions financières et la situation en Ukraine devrait quelque peu enterrer la question du changement climatique, remis aux calendes Grecques.

Toujours pas de terrain d’entente

« Nous espérons aboutir à un accord sur le paquet énergie climat d’ici à cet automne », a annoncé le 18 mars Dominique Ristori, directeur général pour l’Energie à la Commission. Le décor est planté : il ne faut pas s’attendre à un accord entre les 28 pendant ce conseil, ce que le fonctionnaire reconnait d’ailleurs sans sourciller, mais d’ici les prochains mois.

Plusieurs paramètres rentrent en jeu dans le retard pris par les Européens. Il y a des dissensions au sein de la Commission : des fonctionnaires de la DG Energie ont voulu intégrer des mesures en matière d’efficacité énergétique dans le paquet énergie-climat. Mais la DG Climat leur a opposé une fin de non-recevoir. Et il faut l’unanimité des membres pour valider une politique commune. Or, les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie), veulent la retarder le plus possible. « Ils voudraient avoir une analyse plus profonde des impacts sur leurs économies des 40 % de réduction de CO2 », précise le fonctionnaire.

Cette situation exaspère les ONG. « Plus on attend, plus on donne de grain à moudre à la Pologne qui tente de rallier toujours plus de pays à sa stratégie », s’inquiète Célia Gautier, chargée de mission Politiques européennes au sein du Réseau Action Climat (RAC). L’économie de Varsovie est en effet très dépendante des nombreuses centrales thermiques à charbon qui produisent plus de 90 % de son électricité. Par crainte pour sa croissance économique, le gouvernement polonais traine donc toujours des pieds pour suivre les propositions rendues le 22 janvier dernier par la Commission, en particulier la diminution de 40 % des rejets de CO2 d’ici 2030. Un chiffre pourtant proche du scénario tendanciel (si l’on gardait les politiques actuelles sans en adopter de nouvelles), qui est de 32 % de réduction d’émissions d’ici 2030.

D’autant que le 12 mars à Varsovie, la chancelière allemande Angela Merkel n’a pas abordé le sujet avec son homologue polonais, ce qui aurait pu infléchir sa position à une semaine du sommet européen. Mais selon une source proche du dossier, Donald Tusk, le premier ministre polonais, serait prêt à un compromis : « Il ne devrait pas opposer son véto à l’objectif des 40 % à condition que son pays bénéficie en retour de quelque chose qu’il pourra ‘‘vendre’’ comme un succès auprès de son opinion publique. » Les marchandages devraient en conséquence aller bon train pendant les deux jours de négociation. Alors, quelles seront les conclusions du Conseil ? Rien de très concret.

La poursuite des discussions

« Les négociateurs allemands m’ont confirmé qu’ils ne s’attendaient pas à un accord sur des chiffres cette semaine », regrette la chargée de mission du RAC. Un report du calendrier que semble confirmer la version non définitive du document présentant les conclusions du conseil, qui devrait être rendu public jeudi soir, et qui ressemble à un plan de travail évasif.

L’organisation préconise un travail commun entre le Conseil et la Commission sur des thèmes comme la réduction des émissions, la modernisation du secteur de l’énergie, les mesures pour empêcher la fuite de carbone potentielle afin d’assurer la compétitivité des industries à forte intensité énergétique… On continue à discuter, et on remet les actes à plus tard : « Le Conseil européen fera le point des progrès réalisés sur ces questions lors de sa réunion de juin, […] en vue de prendre une décision finale avant la fin de l’année. » Rendez-vous en juin, donc, pour faire le point sur les éventuelles avancées des Européens.

Ces tergiversations résultent d’un manque de volonté politique des capitales européennes : « Si Angela Merkel, François Hollande et David Cameron décidaient d’avancer ensemble, ils pourraient sécuriser des décisions dès cette semaine. Or, aucun ne pousse pour des objectifs chiffrés ambitieux dès cette semaine. La France a baissé les bras. C’est une formidable occasion manquée de doter l’Union européenne d’une position lui conférant un rôle de leader dans la négociation internationale jusqu’à la Conférence de Paris. Il est impératif que ce décalage de calendrier ne s’étende pas au-delà et qu’il permette d’intégrer la question de l’efficacité énergétique pour l’instant absente des débats, » conclut Célia Gautier.

Les prochains mois seront donc cruciaux pour éviter en 2015 un échec de la COP de Paris, organisée par la France. Le calendrier n’est pas extensible à l’infini.

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