Lutte contre le gaspillage des terres : les progrès incertains de la loi ALUR

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L’Assemblée nationale a débattu cette semaine de la loi ALUR présentée par Cécile Duflot. Des progrès ont été obtenus contre le gaspillage des terres, mais ils restent combattus par nombre de parlementaires.
Avec son projet de loi ALUR (Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), la ministre du Logement Cécile Duflot s’est fixée deux objectifs : relancer la construction de logements, tout en évitant que la ville ne grignote encore plus d’espaces naturels et de terres agricoles. Reporterre le rappelle régulièrement), l’équivalent d’un département français disparaît sous le béton et le bitume tous les sept ans.
C’est un sacré défi, pour la ministre écolo. Son cabinet évoque « un changement radical de culture ». Car les paysages urbains d’aujourd’hui et les pratiques des élus datent encore souvent du baby boom des années soixante. A cette époque il faut construire vite, la solution la plus efficace est de s’étendre sans ménagement sur les terres disponibles. Les lotissements fleurissent en périphérie des centres urbains. Les villes nouvelles de Saint-Quentin-en-Yvelines, Cergy-Pontoise ou encore Marne-la-Vallée datent de cette époque.
Cette volonté de changement la culture du béton a suscité d’intenses débats cette semaine à l’Assemblée Nationale, qui examinait le projet de loi ALUR en deuxième lecture.
Faire cesser la course à la bétonisation
La mesure phare de ce changement radical concerne le Plan local d’urbanisme (PLU), principal document d’urbanisme pour les communes. Le projet de loi ALUR indique que désormais, ce sont les intercommunalités qui s’en chargeront.
Une disposition soutenue par l’association France Nature Environnement : « Les communes ont tendance à se livrer concurrence : c’est à celle qui va construire le plus vite pour capter des logements de cadres ou des emplois. Si on passe à une stratégie intercommunale, on évite cette course à l’échalotte entre municipalités », estime le porte-parole de l’association Benoît Hartmann.
Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) devrait permettre d’éviter un phénomène souvent rencontré dans les petites communes rurales : il est très facile pour le maire de reclasser un terrain agricole en zone constructible... Et ses administrés sont souvent tentés de le lui demander, car l’opération augmente la valeur d’un terrain. Difficile pour le maire de refuser ce coup de pouce financier.
Le PLUI retire donc encore un pouvoir aux maires. Les sénateurs ne s’y sont pas trompés et avaient affaibli la mesure avec la possibilité d’un veto dès que 25% des communes représentant 10% de la population s’opposeraient à ce PLUI. Les députés viennent de relever ces deux seuils à 45%.
Mais on reste en dessous d’un vote à la majorité. Selon France Nature Environnement, ce droit de veto risque donc de limiter la portée du PLUI.
Cécile Duflot, elle, a rappelé devant les députés que depuis 1976, plusieurs gouvernement ont échoué à faire adopter cette mesure. Alors peu importe que les maires puissent opposer leur veto, l’essentiel est de maintenir ce « changement de logique. (...) La dimension intercommunale est désormais la règle », s’est-t-elle félicitée (consultez les débats parlementaires ici).
« Déjà beaucoup d’élus sont favorables au PLUI, précise le cabinet de la ministre. Aujourd’hui, ceux qui veulent le mettre en place doivent être vraiment militants. Avec la loi on inverse la logique. La question sera systématique et régulièrement posée aux élus. »
Reste à savoir dans quel état arrivera cet article 63 à la fin des débats parlementaires. « C’est un point hypersensible, confirme la députée écologiste de Dordogne Brigitte Allain. Il est peu probable que les sénateurs acceptent la proposition des députés. La question sera sans doute tranchée en commission mixte paritaire. »
Lever la menace constante d’une urbanisation
Une deuxième disposition de lutte contre l’étalement urbain concerne des zones classées comme « 2AU » dans les documents d’urbanisme. « Elles ont été réservées à l’urbanisation dans les années 80, à une époque où l’on pensait que les villes allaient continuer de s’étaler », précise Benoît Hartmann.
Aujourd’hui la majorité des zones 2AU sont en fait des champs, des prairies ou des forêts éloignés des centres ville... Mais ils restent sous la menace constante d’une urbanisation. Le projet de loi ALUR stipule donc que si, au bout de neuf ans, aucun projet d’urbanisation n’a été lancé, ces zones ne seront plus constructibles, mais reclassées comme agricoles ou naturelles.
« Ce sera automatique, insiste-t-on au ministère du logement. Cela va concerner la grosse majorité de ces zones 2AU. »
A l’inverse, France Nature Environnement craint que la mesure soit inefficace. Selon l’association certains maires ont déjà anticipé l’annonce et relancent des projets bidons d’urbanisation dans ces zones, afin de pouvoir les maintenir constructibles.
Benoît Hartmann conclut sévèrement : « Le défi était de réconcilier production de logements et lutte contre l’artificialisation des sols. Le premier volet semble bien engagé... Malheureusement, cela risque de se faire au détriment du deuxième volet. L’artificialisation risque au mieux de se maintenir, au pire de s’accélérer. »
La députée Brigitte Allain est plus clémente. Elle rappelle que de nombreuses dispositions de la loi ALUR ont été pensées en accord avec le projet de loi d’avenir sur l’agriculture de Stéphane Le Foll : « Le fait que les deux ministères se soient emparés de cette question au même moment montre une volonté forte du gouvernement. »
Les parkings de centres commerciaux pourront continuer à gaspiller l’espace

Vous vous êtes peut-être déjà perdu dans les allées infinies d’un parking de zone commercial. Un amendement voudrait limiter leur extension. Au lieu de s’étaler à l’horizontale, ils devraient empiler les étages en hauteur ou en sous-sol. Ainsi, le projet de loi ALUR prévoie que la surface attribuée aux stationnements ne pourra pas être supérieure à celle affectée aux commerces, voire ne pas excéder les trois quarts de celle des commerces. « Il y a eu un intense lobbying de la grande distribution contre cette disposition », indique Benoît Hartmann, de France Nature Environnement. « C’est un point de friction, confirme la députée Brigitte Allain. Cette question risque d’être reléguée dans une loi ultérieure sur la consommation. »