Pour tout savoir sur les véganes

Durée de lecture : 6 minutes
« Pourquoi les véganes ? », de Florence Pinaud, illustré par Élodie Perrotin, nous plonge dans l’univers végane, ses origines, ses fondements et les questions qu’il pose.
- Présentation du livre par Philippe Desfilhes, collaborateur de Reporterre :
À vous aussi, votre ado vous a annoncé un beau jour : « Je ne veux plus de viande, je suis végane ! » ? Une fois la stupéfaction passée, vous vous êtes demandé si elle/il sait ce qu’il/elle fait et vous-même, vous ne savez pas ce que cela implique exactement. Si c’est le cas, le livre Pourquoi les végans est pour vous. Ce documentaire jeunesse de Florence Pinaud, aux éditions du Ricochet, propose une mine d’explications et de mises en perspective parfois très philosophiques, qui plaira autant aux ados… qu’à leurs parents. Et, ce qui ne gâte rien, il est agréablement illustré par Élodie Perrotin, qui a misé sur l’orange carotte et le vert petit pois pour des dessins plein d’humour et d’imagination.
La lecture achevée, on a l’impression de tout savoir ou presque sur le mouvement végane, ses origines, ses fondements et le monde qui gravite autour : les « welfaristes », les abolitionnistes, les partisans de l’action directe, etc. Très structuré pour rythmer la lecture, ce petit ouvrage alterne de courts encadrés « Kesako », qui apportent des réponses à des questions précises que chacun se pose, en éclairage de chapitres plus substantiels : Pourquoi devient-on végane ? Qui sont les véganes ? À chacun sa méthode. Que serait un monde végane ? Sans jamais prendre parti pour ou contre, Florence Pinaud parvient à expliquer simplement, avec parfois beaucoup d’humour, la complexité de ce mouvement qui remonte… à l’Antiquité !
Les aspects écologiques sont également traités avec précision
Au fil des pages, on comprend mieux ce que représente « idéologiquement » la remise en question de la prédominance de l’humain sur l’animal et le passage à un mode de vie végane. Sur le sujet, Darwin et ses travaux sont bien sûr à l’honneur, à l’inverse des considérations de Descartes, pour qui les animaux étaient comme des automates dénués de sensibilité.
L’historique du mouvement devient clair, depuis la création du mot lui-même (« vegan » a été inventé en 1944 par contraction du mot anglais vegetarian quand le prof de menuiserie anglais et végétarien Donald Watson a décidé d’arrêter de boire du lait). Simple dans son approche et dans sa forme, ce livre pédagogique démêle la pluralité des pensées philosophiques nées autour de l’éthique animale. On comprend les relations complexes et pleines de paradoxes entre les « welfaristes » (qui ne s’opposent pas à l’exploitation des animaux mais refusent qu’on les traite mal), les abolitionnistes (qui refusent tout produit issu de l’exploitation animale et misent sur la médiatisation pour faire évoluer les mentalités, comme le fait l’association L214) ou les activistes (qui sont partisans d’une action directe parfois violente, comme ces Anglais qui ont envoyé en 1982 des colis piégés à Margaret Thatcher, alors cheffe du gouvernement).
Florence Pinaud n’oublie pas d’intéresser le lecteur à l’émergence du concept de « sentience », mélange de sensibilité et de conscience reconnue chez de nombreux animaux. Il faut dire que l’auteure a également écrit Le droit des animaux, ça me concerne !, chez Actes Sud Junior.
Les données chiffrées abondent (on compterait 0,4 à à 0,8 % de véganes en France), avec de nombreuses références aux études les plus récentes (Pourquoi les végans ? est paru en octobre 2019). L’horizon du livre dépasse largement la France. La majorité des véganes vivent dans des pays protestants, comme les États-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne. Israël détient la palme du pays le plus converti, avec 6 % de véganes, devant le Canada avec 2,7 %. Pour son enquête, l’auteure a interviewé non seulement des véganes, mais aussi des opposants à l’abolitionnisme et des chercheurs, remerciés en fin d’ouvrage. Dans la liste, Élodie Vieille Blancharo, présidente de l’Association végétarienne de France et docteure en sciences sociales, Brigitte Gothière, coprésidente de l’association L214, le politologue Paul Ariès, rédacteur en chef de la revue altermondialiste Les Zindignés ou encore Martin Gilbert, chercheur en éthique au Canada, l’auteur du fameux livre au titre qui sonne comme le glas, Voir son steak comme un animal mort.
Les aspects écologiques sont également traités avec précision : selon l’ONU, l’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre et il faut 2,4 fois plus d’eau pour produire 1 kg de protéine animale que de protéine végétale. Le livre fourmille aussi d’anecdotes. On découvre des célébrités véganes — de l’ancien président des États-Unis Bill Clinton aux stars du grand écran Joaquim Phoenix ou Nathalie Portman, le chanteur Justin Bieber et, plus près de nous, la danseuse étoile Sylvie Guillem et le journaliste Franz-Olivier Giesbert. Et il est rassurant de savoir que de célèbres sportifs ne consomment aucun produit impliquant l’exploitation d’un animal, comme le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton ou l’ultra-trailer Scott Jurek, qui détient le record du sentier des Appalaches (Appalachian Trail), course de 3.523 kilomètres !
Que serait un monde 100 % végane ?
En bonne journaliste scientifique, Florence Pinaud ne prend pas parti. Elle donne aussi la voix à ceux que les véganes agacent et ne cache pas la mobilisation anti-végane. Certains médecins, par exemple, s’inquiètent des carences nutritionnelles (attention à la vitamine B12 !) que peut comporter un régime végane. Elle s’interroge et nous interroge sur ce que serait un monde 100 % végane de façon très concrète : Comment fertiliser les terres sans bouses de vaches ; Que ferait-on des prairies à pâturages ? ; Pourrait-on garder nos animaux domestiques ? ; Peut-on tuer un moustique qui va nous piquer ? —, ou sur les dérives transhumanistes mais surtout économiques que constitue la viande de synthèse pour certains géants de l’agroalimentaire (Florence Pinaud a publié Qui sont les transhumanistes ?, dans la même collection aux éditions du Ricochet).
Dès l’introduction, l’auteure ne cache pas la difficulté qu’il y a à franchir le pas en nous mettant dans la peau de Clara, une adolescente qui, un an après être devenue végétarienne, décide de faire le grand saut vers le véganisme. Quelles sont ses craintes légitimes ? Comment vont réagir ses amis ? Comment s’habiller ? Des questions que se posent aussi les adultes lorsqu’ils se lancent. Exemples très concrets et réflexions profondes tissent en définitive un livre complet, varié et agréable à lire. Comme un bon plat de cuisine en somme. Végane, évidemment !
- Pourquoi les végans, de Florence Pinaud, illustré par Élodie Perrotin, éditions du Ricochet, septembre 2019, 128 p., 12 €. À partie de 13 ans.