Trop d’emballages : faites changer les pratiques des industriels

Open Food Facts espère collecter les données de 10 000 produits alimentaires emballés d’ici fin février 2023. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
Open Food Facts espère collecter les données de 10 000 produits alimentaires emballés d’ici fin février 2023. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
Vous êtes invité à scruter et peser l’emballage de vos produits alimentaires. Objectif : aider Open Food Facts à repérer les bonnes et les mauvaises pratiques de l’industrie.
Des bouteilles de jus de fruits, un carton de galette des Rois, une boîte de barquettes à la fraise ou des pots de yaourt sont éparpillés sur la table. En ce 12 janvier, une vingtaine de convives se sont réunis à l’Académie du climat à Paris pour une fête un peu particulière, une « scan party ». Tous ces emballages souvent plastifiés et très colorés tranchent avec les hauts plafonds, les dorures et les boiseries de cette ancienne salle des mariages. Ils ont un point commun : ils sont vides. Les participantes et participants ont pour mission de les décortiquer, d’en identifier la composition, puis d’entrer ces informations sur le site ou l’application Open Food Facts.
Cet atelier de collecte citoyenne marque le lancement de « Plein pot sur les emballages », une opération de science participative initiée par l’association Open Food Facts en partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe). Pendant deux mois, les consommateurs sont invités à scanner le code-barres de leurs produits alimentaires et à remplir ou compléter le module « composants d’emballage » de la fiche produit sur Open Food Facts : quelle est la forme de l’emballage (bouteille, boîte, sachet…) ? De combien de parties est-il composé ? En quelle(s) matière(s) est-il fabriqué ? Quel est son poids ? Est-il recyclable selon les consignes de tri indiquées sur l’emballage ?

Open Food Facts espère collecter les données de 10 000 produits alimentaires emballés d’ici fin février. « Nous avons déjà pesé 174 produits, dont 51 yaourts. Et nos premiers résultats montrent que ces données sont pertinentes, souligne Pierre Slamich, cofondateur de l’association. L’objectif est d’inciter les gens à organiser des “scan party” en famille, entre collègues ou amis. »
Ce matin, Ludivine, Xavier ou encore Christiane sont les premiers à tester cette nouvelle fonctionnalité de la plateforme. Ludivine, qui a déjà téléchargé l’application sur son smartphone, s’exerce à trouver les informations sur une boîte de pâtes de fruits d’Auvergne. Pas si facile de s’y retrouver parmi les multiples logos et informations qui figurent sur le contenant. D’autant que cet emballage est composé de la boîte en carton, mais également d’un film plastique incrusté sur l’une des faces — qu’il faut donc désolidariser — et d’une barquette en plastique interne, dans laquelle étaient disposées les friandises. Soit trois composants pour un seul produit.

« L’exercice demande un peu d’entraînement. L’une des difficultés, c’est le pesage de chaque composant, car il faut avoir une balance qui mesure au gramme près. Seuls les contributeurs les plus passionnés investiront sans doute dans ce type de matériel », reconnaît Alex, un des informaticiens d’Open Food Facts. Mais la balance n’est pas indispensable. Si on n’en possède pas, on peut tout à fait fournir les autres données.

« Pousser les producteurs à changer leurs pratiques »
Xavier, qui se définit comme « un modeste contributeur », suit le projet d’Open Food Facts depuis longtemps. « C’est une démarche fantastique. Grâce à cette application, on s’aperçoit que les consommateurs peuvent faire bouger les choses, pousser les producteurs à changer leurs pratiques, s’enthousiasme-t-il. D’ailleurs, ils sont les seuls à pouvoir le faire. » Depuis 2012, ce projet collaboratif et citoyen a permis de répertorier les données de plus de 2,7 millions de références dans 160 pays. Ingrédients, Nutri-score ou conséquences environnementales de ces produits sont ainsi accessibles en données ouvertes, et exploitées par 200 autres applications et services.
Côté emballage, Xavier en connaît un rayon : depuis trente ans, il gère une entreprise qui fournit et imprime des cartons et blisters pour le secteur pharmaceutique. Et pour lui, l’un des produits alimentaires les plus problématiques, c’est le yaourt. « En France, il en existe des centaines de références. Or une bonne partie n’est toujours pas recyclable. » Il prend en exemple deux références de yaourts : un petit pot et un grand pot.

« Le petit pot est en polystyrène. Quant à l’opercule, il s’agit ici d’un matériau composite qui mélange plastique et fibres de papier. Bref, rien n’est recyclable. Le grand pot, lui, est composé de trois éléments : le pot en plastique en polypropylène qui se recycle, l’opercule en aluminium, recyclable, et un carton détachable autour du pot, lui aussi recyclable. » Le mauvais et le bon exemple.
Mais comment savoir quel est le plastique employé ? Cette information figure généralement sous le pot ou la bouteille, sous la forme d’un triangle imprimé en relief avec un chiffre. Rappelons cependant que quel que soit le plastique utilisé, depuis le 1er janvier, il faut jeter tous les emballages plastiques, même s’ils sont non recyclables, dans le bac jaune.

Grâce à cette opération, Open Food Facts compte repérer les bonnes pratiques d’écoconception (réduction, allègement, écomatériaux…) sur une même catégorie de produits et pousser les industriels les moins vertueux à les adopter. Les producteurs sont aussi invités à fournir leurs propres données. Pour l’heure, une vingtaine ont décidé de jouer le jeu.