Reportage — Grands projets inutiles
A Décines, on a trinqué pour l’arrêt du Grand Stade

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Grands projets inutilesDimanche 19 octobre 2014, deux cents personnes se sont réunies lors d’un apéro géant sur le terrain du dernier paysan de Décines (Rhône) Philippe Layat, pour faire barrage au chantier de route censée traverser son terrain agricole. Le Grand Stade est toujours aussi contestable, et contesté.
- Lyon, correspondance
Cette route, soi-disant d’intérêt public, est en fait la voie d’accès du projet privé de grand stade de Lyon, au profit de l’OL-Groupe (aujourd’hui quasiment en faillite). Les travaux de ce grand projet inutile imposé sont menés par le groupe Vinci. Ils sont financés en grande partie par l’argent public avec le soutien enthousiaste de Gérard Colomb, sénateur-maire de Lyon.
Depuis 2007 une résistance est menée à Décines, dans la banlieue est de Lyon, contre ce projet de second stade que même les supporters de l’Olympique Lyonnais jugent inutile, en plus d’être excentré, onéreux pour les spectateurs, et extrêmement coûteux pour les habitant-e-s. Recours juridiques, occupations du terrain et blocage du chantier se sont succédés à l’initiative de plusieurs collectifs.
Début septembre 2014, les engins de chantier sont entrés sans autorisation sur le terrain agricole de Philippe Layat, paysan, qui a été placé en garde-à-vue dans la foulée en raison de ses protestations. Les militants locaux ainsi que ceux de la Confédération Paysanne se sont mobilisés, en envahissant notamment les locaux du grand Lyon avec des moutons.
Parallèlement, une pétition en soutien à Philippe Layat a été lancée, assortie d’une vidéo de témoignage de celui-ci. C’est là que les choses se sont emballées.
Un apéro mystère
Le cas de ce paysan expulsé de ses terres touche de plus en plus d’internautes, plusieurs grands médias finissent par s’en emparer et le sujet ressort sur plusieurs chaînes de télévision. En quelques semaines, la pétition est signée par plus de 100 000 personnes. Un ou des inconnus ouvrent alors une page facebook de soutien à ce paysan et invitent, mi-octobre, à un apéro géant sur le chantier de la route situé son terrain.

Le 19 octobre à 11h, les opposants locaux raccrochent les wagons comme ils peuvent. Certains ont rédigé et imprimé à la hâte durant la nuit un tract d’accueil, d’autres se sont postés sur la route pour gérer le trafic automobile qui ne manque pas d’affluer dans le quartier…
En tout, 200 à 300 personnes auront fait le déplacement, sur place, parfois en famille, pour un pique-nique ensoleillé sous la chaleur de l’été indien. Parmi eux, plusieurs dizaines de motards, des riverains également touchés par le stade, comme cette famille voisine dont le jardin est coupé en deux par le chantier de route, des militants anti-stade, quelques paysans de la région. Et quelques militants d’extrême droite, dont la présence viendra ternir l’ambiance de la journée, sans heurts cependant.
Blocage et rebondissements
Le lundi 20, au petit matin, quelques militants mobilisés la veille bloquent pacifiquement les machines du chantier. Ils se font expulser au bout d’un moment, sans arrestation. À la différence de Philippe Pétetin, qui sera jugé le mercredi 22 octobre au TGI de Lyon pour avoir participé au blocage du chantier du grand stade le 13 janvier 2014.
Le programme des blocages va continuer à Décines dans les prochains temps, dans un esprit de non-violence. Il est possible de s’informer des actions prévues sur le site rhonenddl.wordpress.com.

Déjà un premier stade déconstruit à Lyon !
Le chantier du grand stade n’est avancé que d’un tiers, il est encore possible d’arrêter les frais ! Cela permettrait d’économiser des dizaines de millions d’euros d’argent public. Les Lyonnais ont la mémoire courte : en 1935 déjà, le maire socialiste de Villeurbanne, Lazare Goujon, avait dû interrompre la construction d’un projet de grand stade, quasi-achevé, en raison de la crise financière.
L’infrastructure avait servi durant quelques années à accueillir quelques évènements extra-sportifs, puis a fini par être déconstruite au début des années 60. Aujourd’hui à la place, se dresse la Maison du livre, de l’Image et du son…
L’histoire se répètera-t-elle à Lyon ? Une seule chose est certaine : l’histoire n’est pas encore écrite.