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ReportageGrands projets inutiles

À Rennes, paysans et activistes contre l’appétit de terres du club de football

Environ 400 manifestants se sont mobilisés les 10 et 11 avril près de Rennes pour défendre la Prévalaye, un espace naturel périurbain menacé par le projet d’extension du club de foot de Rennes. De nombreux paysans étaient présents pour protester contre l’artificialisation des terres cultivables et proposer un « contre-projet ».

Rennes (Ille-et-Vilaine), reportage

La Prévalaye est le nom d’un espace naturel de 450 hectares au sud-ouest de Rennes. Constitué de zones humides et d’espaces boisés, le site abrite une riche biodiversité avec des espèces protégées comme la salamandre. Entre la ville et la campagne, la Prévalaye est un lieu stratégique pour l’agriculture urbaine : on y trouve des jardins ouvriers, des fermes urbaines comme Perma G’Rennes, ou encore le jardin pédagogique des Mille pas. Depuis 2001, salamandres et paysans cohabitent avec le centre d’entraînement du Stade rennais, installé sur 11 hectares au lieu-dit de la Piverdière.

Aujourd’hui, le club de foot ambitionne de construire une extension jugée nécessaire pour « maintenir le niveau de performance actuel du club et porter haut les couleurs de Rennes en France et en Europe », selon un de ses communiqués de presse. Initialement prévu sur 8 hectares, le Stade rennais a revu son projet à la baisse : cet agrandissement concernerait finalement 3,5 hectares de terre, dont les jardins ouvriers au Sud et au Nord, partiellement transformés en parking.

Le travail de la terre.

« On n’est pas anti-foot, mais contre le foot-business »

Deuxième date de la campagne d’actions contre l’artificialisation des sols « les soulèvements de la terre » (la première a eu lieu à Besançon le 27 mars), le « week-end de défense de la Prévalaye » des 10 et 11 avril était prévu depuis longtemps par les associations environnementales : Résistance écologiste Rennes (RER), Extinction Rebellion, Alternatiba, Youth for Climate...

La veille, l’événement a été suspendu par la préfecture en raison du contexte sanitaire. Malgré l’interdiction, près de 400 personnes ont participé à la manifestation non déclarée qui est partie du centre-ville de Rennes en direction de la Prévalaye, samedi 10 avril à 13 heures. Une fois sur place, des cars de CRS bloquaient l’accès au site, mais les militants se sont rabattus sur une parcelle à proximité du centre d’entraînement pour y faire des plantations sauvages.

« On veut créer une ceinture nourricière autonome à la Prévalaye. »

Le lendemain, un tournoi de foot mixte et populaire a commencé à la Prévalaye. Une manière symbolique de se réapproprier ce sport pour les militants : « On n’est pas anti-foot, mais on est contre le foot-business. Le foot est un sport de pauvres qui a été piqué par les riches. » Au bout de quelques minutes de jeu, la police est venue mettre un terme aux réjouissances.

Le match de football a été interrompu par la police.

Un « contre-projet » d’agriculture urbaine

De nombreux paysans qui ont pris part à la mobilisation défendaient également un « contre-projet » d’agriculture urbaine à la Prévalaye. Parmi eux, Victor se verrait bien installer une ferme collaborative, où les consommateurs seraient associés à la production.

Pour Lucie, fermière affiliée à la Confédération paysanne, « la situation de la Prévalaye entre la ville et la campagne en fait un lieu idéal pour alimenter la ville ». Les porteurs de ce contre-projet voudraient réorienter la production agricole de la Prévalaye vers les réseaux d’aide alimentaire à destination des plus précaires. Selon Lucie, la réussite passerait aussi par le choix d’une gouvernance autogérée : « On veut créer une ceinture nourricière autonome à la Prévalaye. »

« On ne veut pas que ce soit juste une vitrine pour la métropole. »

Propriétaire de la quasi-totalité du foncier, la municipalité est au cœur du débat sur l’usage des terres à la Prévalaye : faut-il attendre le feu vert de la ville de Rennes pour s’installer ? Pour certains porteurs de projets agricoles, les démarches administratives sont trop longues et les baux de courte durée signés avec la mairie ne sont pas assez sécurisants pour réaliser des investissements. Pourtant, « il y a eu un sacré coup d’accélérateur à la Prévalaye ! » selon Didier Chapellon, l’élu municipal en charge du dossier. Il précise qu’un nouveau bail rural plus sécurisant est prévu pour les projets déjà installés sur le site, comme la ferme de Perma G’Rennes. Un appel à projets en agriculture urbaine devrait aussi être lancé dès la fin de l’année.

Malgré ce coup d’accélérateur et la revue à la baisse du projet d’extension du Stade rennais, les militants restent méfiants, comme Alfael, membre d’Extinction Rebellion : « On ne veut pas que ce soit juste une vitrine pour la métropole, et que les fermes urbaines se retrouvent enclavées entre les terrains de foot. »

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