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ReportageÉtalement urbain

À Besançon, mobilisation contre l’urbanisation « écocide » des terres des Vaîtes

La première manifestation du mouvement « Les soulèvements de la terre », qui veut stopper l’artificialisation des sols par des occupations et des blocages, a eu lieu à Besançon sur le site du jardin des Vaîtes. Un espace maraîcher menacé par un projet « écoquartier ».

  • Besançon (Doubs), reportage

Des terres fertiles, historiquement maraîchères et occupées par de nombreux jardiniers sont en sursis, menacées par un projet « d’écoquartier » d’une superficie de 23 hectares. C’est pour les défendre que se sont rassemblées 650 personnes samedi 27 mars. Lors de cette première mobilisation de la campagne nationale Les soulèvements de la terre, la manifestation a cheminé du centre vers le quartier des Vaîtes, trois kilomètres plus loin, un écrin de verdure en pleine ville.

La municipalité de Besançon souhaite y construire des logements depuis presque cinquante ans. L’opposition s’est renforcée à mesure que le chantier s’accélérait. Plusieurs décisions de justice ont suspendu les travaux en attendant un jugement sur le fond et le site a été occupé en juin 2020 pour quelques mois à la suite de la « journée contre la réintoxication du monde ».

Un jardinier aux Vaîtes.

Anne Vignot, élue maire sous l’étiquette Europe Écologie — Les Verts aux dernières élections, souhaite « revisiter » le projet sans l’abandonner. Elle a instauré un groupe d’experts sur l’environnement et le climat, le Geec, sur le modèle du Giec [1] pour évaluer la pertinence de ce futur écoquartier. Leur rapport s’avère très critique, notamment sur l’aspect écologique, mais il n’a pas pu recueillir assez d’informations pour estimer s’il y avait un réel besoin de logements. Le projet ouvre pourtant la voie à l’urbanisation — moindre et plus vertueuse — de ces terres, dans la lignée du programme présenté par la majorité. Le sort des Vaîtes sera fixé en septembre, après une consultation numérique (en cours) et une conférence citoyenne à venir.

Les terres sont menacées par la construction d’un « écoquartier ».

« Le projet de bétonisation des Vaîtes est un projet écocide »

Pour les manifestants présents, l’heure n’était plus au compromis, ni à l’attente. « Nous réaffirmons que le projet de bétonisation des Vaîtes est un projet écocide, inutile, et qu’il doit être totalement abandonné et pas revu à la baisse ou réaménagé. Nous n’avons plus le luxe de nous satisfaire d’une destruction moindre face aux défis environnementaux. Si les travaux devaient reprendre, nous serions mobilisées pour nous y opposer », prévenait l’appel signé par plus de soixante organisations locales.

« C’est maintenant ou jamais qu’il faut s’organiser pour reprendre en main la terre », clamait Basile à l’arrivée aux Vaîtes, juché sur un petit tracteur rose. Il s’est attardé sur la philosophie de la campagne Les soulèvements de la terre : « Les luttes contre les différents projets d’artificialisation sont assez dispersées et disparates. On avait envie de prendre le marteau pour tous taper ensemble sur le même clou. » Pas de bla-bla, mais des actions. « Soit des prises de terres comme aujourd’hui, soit des blocages d’industries qui dévorent et bétonnent la terre », a-t-il poursuivi avant de décliner les prochains rendez-vous, calés sur plusieurs mois.

Claire Arnoux, présidente des Jardins des Vaîtes.

« On s’est indignés, on a voulu résister en faisant de la désobéissance civile et maintenant on se soulève collectivement contre ces enjeux d’accaparement et d’artificialisation, a enchaîné Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. Parce que demain, il faudra que l’on soit davantage de paysannes et de paysans pour produire en quantité, en qualité et protéger nos biens communs. »

Sur le tracteur se sont succédé bien des militants : une paysanne du Jura, des émissaires de la Zad de la Colline, « la première de Suisse », les jardins de l’Engrenage, qui occupent une friche à Dijon, Miramap, qui aide des paysans à s’installer, le collectif de lycéens et d’étudiants bisontins les Eco-lié.e.s, qui organisent les marches pour le climat, Extinction Rebellion, qui avait initié l’occupation des Vaîtes l’été dernier avec ANV-COP21, l’union locale Solidaires pour qui « il est illusoire de croire qu’il puisse y avoir une justice sociale sans justice climatique », un maraîcher qui participe à un regroupement de fermes qui produisent et vendent leurs semences, l’association Les Jardins des Vaîtes...

La journée, qui était également dédiée aux Lentillères, « une lutte sœur » à Dijon, s’est terminée avec des visites des jardins, un spectacle, quelques notes de musique, une conférence… tandis que le petit tracteur rose préparait une nouvelle parcelle de terre à cultiver.

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