Climat : Trump bloque toujours, la résistance s’organise

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Climat MondeUn an après son élection, Donald Trump poursuit son travail de sape de la réglementation environnementale états-unienne et mondiale. Mais la résistance est organisée, notamment avec la coalition « We are still in », qui conteste la sortie du pays de l’Accord de Paris sur le climat.
- Washington (États-Unis), correspondance
Depuis qu’il est au pouvoir, Donald Trump fait preuve de constance dans la volonté de détricoter les décisions de son prédécesseur, Barack Obama. Et l’environnement n’échappe pas à cette règle. « Il a rempli son gouvernement de lobbyistes des industries fossiles et de climatosceptiques, dénonce Michael E. Mann, professeur en sciences du climat à l’université de Pennsylvanie, interrogé par Reporterre. Scott Pruitt, placé à la tête de l’Agence pour la protection de l’environnement, est en train de démanteler les protections environnementales mises en place durant le demi-siècle dernier par des administrations tant démocrates que républicaines. »
Ces derniers mois, des dizaines de mesures de l’administration précédente ont donc été annulées, ou sont en voie de l’être, rappelle Rachel Cleetus, économiste responsable du programme Climat et énergies au sein de l’Union of Concerned Scientists. Pour Reporterre, elle fait le bilan :
« . proposition de retirer le Clean Power Plan, qui limite les émissions carbone des centrales électriques ;
. tentative d’affaiblir les normes d’efficacité énergétique applicables aux voitures et aux camions ;
. suppression des régulations concernant les activités de forage de pétrole et de gaz sur certaines terres fédérales ;
. abaissement du coût social du charbon utilisé pour mesurer les dégâts climatiques ;
. abandon des régulations sur le méthane ;
. fin de la période de moratoire sur de nouvelles concessions de charbon sur les terres fédérales ».
Rachel Cleetus rapporte aussi que le président Trump a « pris des mesures qui affaiblissent la capacité de résistance au changement climatique, comme la suppression de standards fédéraux pour la gestion les risques d’inondation ».
Mais, considérant toutes ces mesures prises par Trump, les spécialistes états-uniens du climat sont d’accord : c’est la décision de se retirer de l’Accord de Paris (à moins que les autres pays acceptent de le renégocier, ce qui semble impossible) qui est la plus grave. « Cela a fait des États-Unis un paria dans le monde, et c’est néfaste pour les intérêts nationaux. Les événements de ces derniers mois (ouragans sans précédent, chaleur et incendies) nous ont fait comprendre que le changement climatique a déjà des effets dévastateurs », regrette Michael Mann. L’administration Trump l’a d’ailleurs indirectement reconnu elle-même, en autorisant la publication d’un rapport, la semaine dernière, qui admet la réalité du changement climatique. Sur « le fondement de très nombreux indices, il est extrêmement probable que les activités humaines, surtout les émissions de gaz à effet de serre, sont la principale cause du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle », écrit notamment le Fourth National Climate Assessment (la quatrième Évaluation nationale du climat).
« Montrer au monde que les États-Unis sont toujours un allié dans la lutte contre le changement climatique »
Or, cette décision de se mettre en retrait des actions de tous les autres pays de la planète (la Syrie vient d’annoncer qu’elle intégrerait l’Accord, isolant les États-Unis) risque de mettre la première puissance mondiale en retard : « La conséquence la plus grave, c’est que nous sommes en train de perdre un temps précieux pour accélérer l’élan des énergies propres et pour réduire sérieusement nos émissions, analyse Rachel Cleetus. Alors que le progrès des énergies vertes continue malgré tout, il est important d’aller plus loin, plus vite, et d’en récolter les bénéfices sanitaires et économiques. »
C’est ce à quoi s’attache la coalition « We are still in » (« nous sommes toujours dans [l’Accord de Paris] »), composée de plus de 2.500 signataires, dont l’objectif est de « montrer au monde que les États-Unis sont toujours un allié dans la lutte contre le changement climatique ». Malgré la position climatosceptique de l’administration fédérale, ces villes, ces États, ces entreprises, ces églises, ces universités ou encore ces tribus amérindiennes ont décidé d’agir de leur côté dans le but de respecter les engagements pris par l’administration Obama lors de la signature de l’Accord de Paris sur le climat. À savoir, réduire les émissions de 26 à 28 % sous les niveaux de 2005, à horizon 2025. « Cette coalition est en train de montrer que diminuer les émissions n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi économiquement malin en raison des énormes bénéfices liés au basculement vers les énergies propres, estime Rachel Cleetus. Cela dit, les objectifs à long terme de l’Accord de Paris sont ambitieux, et au fil du temps, la coalition devra accentuer ses efforts. »

Une délégation d’une centaine de personnes représente « We are still in » à la COP23 de Bonn, en parallèle de l’administration fédérale dont il ne faut pas attendre grand-chose de « positif », selon Rachel Cleetus. C’est la première fois que des acteurs infranationaux tiennent un pavillon, le U.S. Climate Action Center, du 9 au 16 novembre. Une initiative porteuse d’espoir pour les défenseurs de l’environnement aux États-Unis. « Je suis prudemment optimiste, affirme Michael Mann. L’échec de Trump et du Congrès républicain de la suppression de l’Obamacare ces derniers mois est le résultat direct d’un tollé populaire. Il s’avère que la voix du peuple compte encore. Pour des raisons similaires, je pense que l’attaque contre les protections environnementales échouera. Le peuple a l’occasion de changer de direction lors des élections de mi-mandat, dans un an, et je crois que nous allons fortement et clairement entendre sa voix. »
- Dans la vidéo ci-dessous, un événement organisé par la délégation officielle des États-Unis durant la COP 23, à Bonn, provoque un tollé