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Climat

Climat : les grands pays annoncent leurs engagements de réduction des émissions

Plusieurs grands pays - Etats-Unis, Europe, Russie - viennent d’annoncer leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre. Pour y voir plus clair, Reporterre a établi une carte des émissions des pays du monde. Par ailleurs, le processus de négociation sur le climat continue. Ce week-end aura lieu le Forum des économies majeures, une importante - et discrète - réunion à Washington, à laquelle participera Laurent Fabius.

On y voit plus clair sur le front des négociations climat. Trente-trois États ont rendu leurs contributions nationales (« INDC », Intended nationally determined contributions) avant le 31 mars, première date limite définie dans l’accord de Lima. Ces feuilles de route très courtes, une dizaine de pages tout au plus, détaillent les objectifs des pays en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et les politiques qu’ils comptent mettre en œuvre pour y arriver.

Quels objectifs déjà connus ?

La Suisse s’est engagée dès le 27 février à réduire ses émissions de 50 % d’ici 2030 par rapport à 1990. L’Union européenne lui a emboîté le pas le 6 mars, avec un objectif de réduction de 40 % au moins d’ici 2030, par rapport à 1990. Elle a été rejointe le 27 mars par la Norvège, qui se fixe la même cible. Premier pays en développement à se dévoiler, le Mexique a rendu publique sa contribution dès le 30 mars : il prévoit un pic d’émissions en 2026 et une réduction de 25 % en 2030 par rapport à 2013 de ses gaz à effet de serre et de ses polluants à courte durée de vie.

Les États-Unis et la Russie, deux gros émetteurs de GES, ont remis leurs contributions in extremis le 31 mars. Les premiers se bornent à promettre une réduction de leurs émissions de 26 à 28 % d’ici 2025 par rapport à 2005, conformément à l’accord sino-américain de novembre 2014 ; la seconde se limite à un objectif modeste de 25 à 30% de réduction de ses émissions en 2030 par rapport à 1990. A la surprise générale, le Gabon a lui aussi révélé sa contribution le 1er avril, avec un objectif de 50 % de réduction pour 2025.

-  Carte des émissions de gaz à effet de serre des pays du monde. Pour connaitre les données d’un pays, cliquer sur son emplacement.
-  Source des données : Global carbon project

Les forêts, dedans ou dehors ?

Ces premiers textes ont été accueillis avec une certaine réserve par les observateurs. « Certains pays ont respecté l’échéance, c’est bien, en particulier pour le Mexique et le Gabon qui n’étaient pas attendus, apprécie Célia Gautier, du Réseau Action Climat (Rac). Mais ces contributions ne sont pas suffisantes pour rester dans l’objectif des 2°C. »

Outre leur manque de précisions sur les politiques envisagées pour atteindre les objectifs, elles restent imprécises sur un point important : la prise en compte, ou non, des forêts dans le calcul des émissions. Les forêts sont des puits de carbone, au même titre que les prairies et les zones humides, c’est-à-dire qu’elles sont capables d’absorber une partie du CO2 présent dans l’atmosphère. Si les États intègrent cette capacité d’absorption dans leurs objectifs, ils raisonnent en réduction d’émissions nettes, ce qui est moins ambitieux que des réductions brutes.

Ainsi, la Russie « compte sur l’ensemble des forêts présentes sur son territoire [elle abrite 70 % des forêts boréales et 25 % des ressources forestières mondiales, NDLR] pour atteindre ses objectifs sans faire d’efforts supplémentaires », critique Céline Ramstein, chargée de projet COP21 à l’Iddri. En revanche, le Gabon joue le jeu, en s’interdisant de comptabiliser le carbone absorbé par la forêt, qui couvre pourtant la majeure partie de son territoire. Pour les autres, « c’est le grand flou, avec une multiplicité de règles. Chaque pays a fait ce qu’il voulait », observe Célia Gautier.

Forêt en Russie

Le crédit carbone n’a pas la cote, l’adaptation non plus

Autre nuance importante, le recours ou non aux marchés internationaux du carbone, qui permettent de continuer à émettre chez soi à condition de financer des projets de réduction des émissions à l’étranger. Tous les pays se sont interdits l’utilisation de ces dispositifs, à l’exception de la Suisse. La Norvège ne s’est pas encore décidée.

L’accord de Lima offre la possibilité aux États d’inclure un volet « adaptation » dans leur contribution. Il s’agit, pour les pays développés, d’expliquer comment ils comptent aider les États en développement à s’adapter aux conséquences du réchauffement planétaire ; et pour les pays les plus vulnérables, d’exprimer leurs besoins en la matière. La question divise systématiquement lors des sessions de négociations, ce qui se confirme dans les INDCs : seuls le Mexique et le Gabon l’ont évoquée dans leurs copies.

Quid des retardataires ?

Les objectifs de la Chine (plus de 25 % des émissions mondiales de GES), de l’Inde, du Brésil, du Japon, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sont particulièrement attendues. « On aurait pu penser que l’Australie et le Canada les sortiraient, mais ils ne sont pas favorables à la lutte contre le changement climatique alors ce n’est guère une surprise, dit Céline Ramstein. Ce qui est encourageant, c’est que la Chine et l’Inde travaillent dessus en ce moment-même. » Pour la chargée de projet, « on n’est pas à un mois près. Par contre, si les contributions ne sont pas publiées au moment de la session de négociations de Bonn au mois de juin, ce sera problématique. Plus tôt les pays mettront leurs INDCs sur la table, plus tôt nous pourrons commencer à discuter du niveau de précision, de la question des forêts et des autres points délicats. »

Négociations au sommet dans la finance

Le siège du FMI à Washington

En attendant, les négociations suivent leurs cours, de manière plus informelle. Vendredi 17 avril à Washington s’ouvrent les trois jours de réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI, au cours desquelles sera évoquée la question du financement de la lutte contre le changement climatique. Elles seront suivies par le mystérieux Forum des économies majeures les 19 et 20 avril, dont les 17 invités pèsent pour 80 % des émissions mondiales de GES. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, doit y participer.

Son point d’orgue constitue la réunion des ministres des Finances lundi 20 avril, mais nous n’en saurons guère plus. « Les rendez-vous internationaux, surtout s’ils ont trait aux questions de financement, sont des moments importants en ce qu’ils peuvent influencer l’équilibre de la négociation, se contente-t-on de dire de commenter au ministère des Affaires étrangères. Car si la négociation porte effectivement sur un texte, les pays en développement et les pays les moins avancés attendent des contreparties financières à l’engagement qu’ils accepteraient de prendre. » Sera-t-il question du financement des 100 milliards annuels promis à partir de 2020 lors de la conférence de Copenhague ? De la capitalisation du Fonds vert ? « Nous considérons que la dynamique est engagée, et qu’il faut absolument transformer l’essai en continuant à travailler », répond-on... diplomatiquement.

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