Des vagues et du vent : l’Écosse met le paquet sur les renouvelables

Construction d'hydroliennes sur les îles Shetland, en Écosse, en septembre 2021. - © Adrian Dennis/AFP
Construction d'hydroliennes sur les îles Shetland, en Écosse, en septembre 2021. - © Adrian Dennis/AFP
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COP26 Climat MondeSous l’influence des écologistes, l’Écosse, qui va accueillir la COP26, développe fortement les énergies renouvelables et la maîtrise de la consommation d’énergie. Mais elle reste largement dépendante du pétrole et du gaz. Et le gouvernement britannique s’apprête à autoriser un projet de champ pétrolier au nord de l’Écosse.
Édimbourg (Écosse), correspondance
Glasgow est en ébullition. Cette ville de l’ouest de l’Écosse hébergera, du 31 octobre au 12 novembre, la vingt-sixième Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur le changement climatique (COP26). Ce raout mondial sur le climat rassemblera 150 000 personnes, dont 120 chefs d’État et près de 25 000 délégués. L’occasion pour l’Écosse de se positionner comme bon élève du climat, malgré des projets pétroliers au large de ses côtes.
Nicola Sturgeon, la cheffe du gouvernement indépendantiste, est en effet en position de force. Elle a été réélue haut la main aux dernières élections législatives écossaises de mai dernier et en a profité pour former une alliance inédite avec les Verts, qui ont remporté 8 sièges au Parlement écossais (contre 64 pour le parti indépendantiste). Après de longues négociations au cours de l’été, un « accord de coopération » a été trouvé fin août entre le SNP et le Green Party, et les deux leaders du parti Vert ont été nommés au gouvernement. Patrick Harvie, député depuis 2003, a été nommé ministre du Zéro carbone et des Transports actifs tandis que sa collègue, Lorna Slater, élue députée pour la première fois en mai dernier, a été promue ministre des Compétences vertes, de l’Économie circulaire et de la Biodiversité.

L’arrivée des écologistes au gouvernement va-t-elle changer la donne ? Certes, l’Écosse s’est imposée d’atteindre la neutralité carbone en 2045 (soit cinq ans plus tôt que le Royaume-Uni). Mais jusqu’ici, « le pays a manqué ses objectifs climatiques trois années de suite », pointe Ryan Morrison, des Amis de la Terre en Écosse. Pour se rattraper, la Première ministre a annoncé une nouvelle feuille de route climatique, qui devrait être publiée début 2022. « Nous devons nous surpasser dans les années à venir afin de compenser notre retard », a-t-elle reconnu. Le 7 octobre, le gouvernement a détaillé son plan pour décarboner le secteur du logement, qui représente à lui seul 20 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Au programme : déploiement massif de réseaux de chauffage urbain, isolation des maisons et installation de pompes à chaleur. L’objectif ? Avoir 1 million de foyers bas carbone (le pays compte 5 millions d’habitants) d’ici 2030. L’exécutif prévoit également d’interdire la construction de nouvelles routes et a promis de consacrer 10 % du budget du transport à développer des alternatives de transport « actif » comme la marche ou le vélo.
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Côté énergie, le gouvernement écossais mise sur l’éolien, qui représente déjà près de 70 % de l’énergie renouvelable produite. Il entend développer 8 à 12 gigawatts supplémentaires pour l’éolien terrestre et près de 11 gigawatts pour l’éolien offshore d’ici 2030. Nicola Sturgeon table également sur le développement de l’énergie des vagues et des marées. Au nord de l’Écosse, sur l’archipel des Orcades, le Centre européen des énergies marines (Emec) a déjà accueilli, depuis son ouverture en 2003, près d’une trentaine de prototypes houlomoteurs et marémoteurs venus des quatre coins du monde. Au printemps dernier, la société écossaise Orbital Marine Power (ancien employeur de la ministre des Compétences vertes Lorna Slater, originellement ingénieure en mécanique) a mis à l’eau ce qu’elle estime être la plus grande hydrolienne au monde. Longue de 74 mètres et déjà connectée au réseau national d’électricité, cette dernière a une capacité de 2 mégawatts, soit l’équivalent de la demande en électricité de 2 000 foyers britanniques pendant quinze ans.
Le pays est encore largement dépendant des hydrocarbures
Si l’Écosse est dans une telle urgence de développer les énergies renouvelables, c’est que le pays est encore largement dépendant des hydrocarbures. Il a, certes, décidé de fermer sa dernière centrale à charbon en 2016. Et selon le Scottish Energy Statistic Hub, en 2019, les sources renouvelables ont constitué 61 % du mix électrique. Mais en 2018, 80 % de l’énergie consommée provenait toujours du pétrole et du gaz. À elle seule, l’industrie représente encore 5 % du produit intérieur brut (PIB) écossais et près de 100 000 emplois. Et les projets pétroliers ne semblent pas près de s’arrêter. Dernier en date : le projet « Cambo », en pleine mer du Nord, détenu par les compagnies pétrolières Siccar Point Energy et Shell UK. Le gouvernement britannique s’apprête à valider ce nouveau projet d’extraction d’hydrocarbures. « L’extraction à l’infini des énergies fossiles n’est pas compatible avec nos obligations climatiques », a déclaré, lundi 25 octobre, la Première ministre écossaise. Nicola Sturgeon s’est toutefois contentée de demander « la réévaluation du projet au regard de l’urgence climatique ». Une formule encore trop ambiguë pour bon nombre de militants écologistes.

D’après la campagne Stop Cambo, qui regroupe différentes associations écologistes comme les Amis de la Terre, Greenpeace ou encore l’organisation Uplift, la première phase d’exploitation du gisement équivaudrait à l’extraction de 170 millions de barils, soit l’équivalent en termes d’émissions carbone de dix-huit centrales à charbon fonctionnant pendant un an. Le régulateur du secteur, la Oil and Gas Authority, une autorité sous tutelle du secrétariat britannique à l’Industrie, doit donner son feu vert sous peu.