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Incendies

En Algérie, les incendies meurtriers révèlent les défaillances de l’État

Les incendies violents ont fortement touché le village d'Oeud Das, à Béjaïa (Algérie), le 25 juillet 2023.

Après les violents incendies en Algérie, qui ont fait au moins 34 morts, de nombreux sinistrés critiquent le manque d’action des autorités pour gérer cette catastrophe.

Béjaïa (Algérie), correspondance

« Tout s’est passé très vite. Les flammes se sont étendues vers nous en l’espace de quelques minutes, aidées sans doute par la puissance du vent et la densité des buissons secs qui cernent la résidence. Nous n’avons pas eu le temps d’évacuer les locataires, ni d’organiser les secours. » C’est avec désolation que Karim Taguemount, patron de la résidence « Amsebrid », située sur la station balnéaire d’Oued Dass (à l’ouest de Béjaïa), se remémore l’incendie qui a ravagé son établissement dans la nuit du 23 au 24 juillet.

Deux jours après ces feux violents ayant fait 34 morts — dont 10 militaires — dans l’est et le nord de l’Algérie, les habitants des zones sinistrées font eux-mêmes le constat des pertes humaines et matérielles occasionnées par la catastrophe. « Deux militaires qui étaient venus se réfugier chez nous ont trouvé la mort à l’intérieur de la résidence. On a aussi déploré quelques blessés qu’on a évacués d’urgence à l’hôpital de Béjaïa, et une dizaine de voitures calcinées », se désole Karim Taguemount, depuis la station balnéaire d’Oued Dass.

Le bilan n’est encore que provisoire, 325 personnes étant blessées, dont 134 dans la seule wilaya (division administrative) de Béjaïa. Les cas jugés graves, sept personnes selon nos informations, sont hospitalisés à Alger. Le village d’Aït Oussalah, dans la commune très boiseuse de Toudja (24 kilomètres à l’ouest de Béjaïa), a déploré le plus grand nombre de victimes, dont seize personnes appartenant à une même famille, selon des témoignages recueillis sur place.

Défaillances des autorités

Dans certains villages, comme Aït Oussalah, la solidarité s’organise pour déblayer les décombres au niveau des dizaines de maisons dévastées par les feux et reloger les familles sinistrées. Karim Taguemount, lui, regrette l’absence des autorités.

Une commission chargée d’indemniser les sinistrés a en effet été mise en place mercredi par le gouvernement. La maîtrise des feux a « permis aux autorités locales d’établir un constat exhaustif des dégâts et de procéder directement au recensement des sinistrés en vue de lancer le processus d’indemnisation dans les plus brefs délais », selon le ministre de l’Intérieur, Brahim Merad.

Autre mesure de prévention prise au lendemain de la catastrophe : l’interdiction du camping sauvage dans les espaces forestiers et l’obligation, pour les estivants, de prévoir des plans de secours dans les camps d’été situés à proximité des forêts.

Des mesures qui cachent mal les défaillances enregistrées depuis le début de ces incendies. L’ampleur des pertes a ravivé la polémique sur l’incapacité des autorités à mettre à la disposition de la Protection civile un nombre suffisant de bombardiers d’eau. Ce dont le gouvernement se défend, en affirmant timidement avoir mobilisé, à Béjaïa notamment, un Beriev Be-200 de fabrication russe appartenant à l’armée, ainsi que des avions affrétés pour l’occasion. Pour nombre d’internautes algériens, cela reste insuffisant pour faire face à ces gigantesques incendies qui se sont déclarés simultanément dans plus de quatre départements, s’étendant sur des centaines de kilomètres. L’occasion pour les partis d’opposition, à l’image du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), d’épingler le pouvoir sur cette question.

Depuis les incendies meurtriers de l’été 2021, ayant fait 90 morts, les autorités s’étaient pourtant engagées à acquérir de nombreux Canadairs. En mai dernier, le gouvernement a ainsi annoncé l’achat ou l’affrètement d’une douzaine d’appareils. Mais des blocages, pour certains politiques, comme c’est le cas avec l’Espagne, auraient empêché l’aboutissement de ces contrats.

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