Plus de 40 °C en Algérie : rues désertes et climatiseurs à prix d’or

Un bulletin spécial de l’Office national de la météorologie (ONM) a annoncé des températures variant entre 44 et 48 °C pour ces jours-ci. - © AFP
Un bulletin spécial de l’Office national de la météorologie (ONM) a annoncé des températures variant entre 44 et 48 °C pour ces jours-ci. - © AFP
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Monde ClimatL’Algérie vit une intense vague de chaleur, avec des températures dépassant largement les 40 °C. À Béjaïa, en Kabylie, où il a fait jusqu’à 45 °C, le marché s’est vidé et les rues sont quasi désertes jusqu’au soir.
Béjaïa (Algérie), reportage
D’habitude, le marché bihebdomadaire de Béjaïa, en Kabylie, grouille de monde. Dans ce vieux souk aménagé sur une double voie, fréquenté par des gens de toute la région, l’affluence a baissé de plus de la moitié, déplorait Mustapha le jeudi 20 juillet. Ce marchand de légumes venu de Sétif, à une centaine de kilomètres de là, est contraint d’annuler ses prochains déplacements à cause de la fournaise : « Les horaires d’ouverture et de fermeture [des marchés] ne sont pas adaptés aux grandes chaleurs. Cela se répercute négativement sur certains de nos produits ». Il assure que si cela continue, le marché pourrait bien fermé pour la première fois depuis la période du Covid.
Un bulletin spécial de l’Office national de la météorologie (ONM) a annoncé des températures variant entre 40 et 42 °C. Avant l’arrivée d’un nouveau cycle infernal prévu à partir de dimanche.
Le pays a déjà connu du 9 au 12 juillet des pics jamais atteints depuis des décennies. L’ONM avait enregistré des températures record : 47,9 °C à Alger, 46.8 à Maghnia (extrême-ouest) et 44,8 à Béjaïa (au centre, sur la côte). Fait inédit : la vague de chaleur qui frappe l’Algérie vient de la Méditerranée. Ce qui fait que les régions du nord du pays sont, parfois, plus chaudes durant cette période que les régions intérieures.
Des rues quasi désertes jusqu’à bien après 18 heures
Les autorités sont prises de court par cette canicule qui touche, par ailleurs, une grande partie du pourtour de la Méditerranée. Elles tentent d’éviter les coupures d’eau et d’électricité — ce qui n’est pas aisé vu la consommation d’énergie due à l’usage intensif des climatiseurs. Certains quartiers de la ville de Béjaïa, par exemple, ont été privés d’eau pendant plusieurs semaines depuis le début de l’été. À Alger, aussi, des quartiers sont alimentés à tour de rôle pour éviter des interruptions totales. Anticipant des perturbations d’eau qui se profilaient à l’horizon et qui, en Algérie, engendrent souvent des tensions sociales, le chef de l’État a, dès le 5 juillet, ordonné l’accélération de la mise en œuvre de nouvelles stations de dessalement d’eau de mer. Face à l’asséchement des barrages (le pays en compte quatre-vingt), cela parait être la seule parade.
Pour Salah Abed Sahabi, expert en météorologie interrogé par l’agence officielle APS, l’Algérie manque d’un mécanisme d’alertes précoces « pour limiter les impacts des dangers liés à la canicule dans le cadre d’une stratégie d’adaptation au climat ». Traduire : le pays n’est pas prêt à faire face à des situations extrêmes.
Dans les régions côtières, on assiste depuis deux semaines à un déferlement humain sur les plages. Mais, à cause justement des fortes températures, les déplacements sont moins fluides, et dans certaines villes, comme Béjaia, réputée pourtant pour son dynamisme pendant la saison estivale, les rues demeurent quasi désertes jusqu’à bien après 18 heures.
Des climatiseurs introuvables
Par ailleurs, la ruée sur les climatiseurs en fait monter le prix à des niveaux record depuis le début de la saison. Depuis quelques jours, ils sont hors de prix, voire introuvables. Vendu d’habitude à 50 000 dinars (333 euros), un simple climatiseur est depuis quelques semaines affiché à plus de 80 000 dinars (533 euros). Sachant que face à des températures aussi excessives, les appareils tombent souvent en panne. Cela devient problématique dans les hôpitaux, où le système de climatisation est parfois insuffisant pour desservir tous les pavillons.
Les Algériens redoutent, à cause de cette canicule qui s’installe et de la sécheresse qui sévit, de nouveaux incendies. Les autorités sont hantées par le scénario de l’été 2021, où les feux avaient ravagé 90 000 hectares et fait quatre-vingt-dix victimes avec, en prime, un début d’émeutes dans certaines régions. Le gouvernement a annoncé avoir affrété ou commandé une douzaine de bombardiers d’eau, en plus d’avoir renforcé le dispositif traditionnel de lutte contre les incendies par de meilleurs équipements. Pour l’instant, les quelques départs de feux signalés ont vite été maitrisés, mais le pire est à craindre.