Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Traités de libre-échange

L’Allemagne se lève contre CETA, le traité de libre échange avec le Canada

En Allemagne et en Autriche, de grandes manifestations ont eu lieu samedi 17 septembre contre les traités de libre échange que veut signer l’Union européenne. En ligne de mire : le CETA, accord avec le Canada, qui pourrait être validé en octobre. Mais lundi 19 septembre, le parti social-démocrate SPD s’est déclaré en faveur du traité.

-  Actualisation - Lundi 19 septembre, 22 h - Les deux-tiers des délégués du SPD ont voté lundi après-midi en faveur de CETA, après qu’un compromis a été trouvé entre les défenseurs et une partie des opposants au traité :
-  le texte doit être clarifié : mention explicite du principe de précaution en matière de protection des consommateurs, mais aussi des secteurs concernés par le traité (seuls les secteurs cités peuvent être soumis à libéralisation, les autres en sont exclus d’office) ;
-  le traité ne doit pas entrer en vigueur avant que les parlements nationaux des Etats membres et la société civile n’aient été consultés - sans toutefois que leur avis ne soit contraignant ;
-  doivent également être clarifiées les dispositions du traité qui sont de la compétence des Etats membres, et non seulement de l’Union européenne.

La nouvelle a été accueillie avec colère par les détracteurs de CETA, notamment les Grünen (les Verts) qui accusent le SPD d’avoir agi par manoeuvre politicienne, pour renforcer leur chef et vice-chancelier du pays Sigmar Gabriel avant les élections l’an prochain - il devrait se lancer dans la course à la chancellerie.


-  Berlin, correspondance

Les banderoles brandies pendant les manifestations de samedi 17 septembre contre les traités transatlantiques en Allemagne ressemblaient à s’y méprendre à celles des précédentes mobilisations. Même graphisme, mêmes couleurs. Un détail pourtant a changé : le CETA a remplacé le TAFTA dans la hiérarchie des projets à combattre. Le CETA ? Comprehensive Economic and Trade Agreement, en français Accord économique et commercial global (AECG).

Dans les sept grandes villes où se sont déroulés les cortèges (Berlin, Munich, Leipzig, Stuttgart, Hambourg, Cologne, Francfort) ainsi qu’à Vienne, en Autriche, l’impression était la même : l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada est devenu la nouvelle cible, depuis que les négociations sur son cousin américano-européen TAFTA ont du plomb dans l’aile.

Samedi, entre 188.000 et 320.000 opposants ont repris des slogans tels que “Seules les grandes entreprises aiment CETA ou CETA c’est du bidon, arrêtez les négociations !”. Le nombre de manifestants a dépassé celui du défilé géant du 10 octobre 2015.

A Berlin samedi. Encore plus de monde cette année en Allemagne contre les traités Tafta et Ceta que l’an dernier

Signe de la défiance qu’il suscite, le traité CETA est traîné devant les tribunaux par la plus grande action groupée en justice de l’histoire de l’Allemagne. Plus de 125.000 personnes ont déposé plainte, il y a trois semaines, auprès de la Cour constitutionnelle. Ils remettent en cause la compatibilité de certaines dispositions avec la Loi fondamentale allemande mais aussi sa procédure de validation : le traité pourrait entrer provisoirement en vigueur, avant même que les parlements nationaux ne se soient prononcés.

Signé en septembre 2014, le traité entre l’Union européenne et le Canada était passé jusqu’ici plutôt inaperçu. Il comporte pourtant les mêmes dispositions controversées que le TAFTA. Pour l’association Campact, l’une des organisatrices de la journée de mobilisation de samedi, “les deux traités instaurent une justice parallèle favorable aux grandes entreprises, ils représentent un danger pour la démocratie, pour les normes sociales et environnementales et les services d’intérêt général. Ils doivent tous les deux être stoppés. CETA, c’est TAFTA qui revient par la fenêtre.”

La manifestation de samedi à Cologne. Les tribunaux d’arbitrage, qui mettent sur le même pied entreprises et Etat, sont particulièrement dénoncés.

Si les négociations ont abouti, c’est parce que les Canadiens ont fait plus de concessions que les Américains, notamment sur l’accès à leurs marchés publics et sur la question des indications géographiques protégées. Mais l’esprit reste le même : par exemple, le principe de précaution n’est pas mentionné dans le texte, alors que le Canada est le troisième producteur mondial d’OGMCETA prévoit également l’instauration du fameux tribunal d’arbitrage spécial qui permet aux investisseurs de poursuivre des Etats s’ils légifèrent contre leurs intérêts. Les entreprises américaines présentes à la fois en Europe et au Canada pourraient ainsi elles aussi en bénéficier, sans attendre l’aboutissement des négociations du TAFTA.

Déjà mis en place dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ces tribunaux d’arbitrage ont pointé les dérives auxquelles CETA et TAFTA pourraient mener : au début de l’année, un géant canadien de l’exploitation des sables bitumineux, a attaqué l’administration Obama parce qu’elle avait rejeté le projet d’oléoduc Keystone XL, reliant la province de l’Alberta au golfe du Mexique, au nom de la protection de l’environnement. TransCanada réclame aux Etats-Unis 15 milliards de dollars (13,6 milliards d’euros) d’indemnisation.

Le traité CETA doit être paraphé par les dirigeants européens le 27 octobre prochain lors d’un sommet à Bruxelles, avant d’être soumis au vote du Parlement européen et à la ratification des pays membres en 2017.

A Munich samedi. La position du Parti social-démocrate sera déterminante pour la suite.

Une procédure que les opposants comptent bien faire échouer après la forte mobilisation du week-end. La démonstration de force était destinée avant tout aux 235 délégués du SPD, le parti social-démocrate allemand : réunis en convention à huis-clos ce lundi, ils n’ont rien de moins que l’avenir de CETA entre leurs mains. S’ils rejettent le texte aujourd’hui, ils pourront bloquer sa ratification lors du passage devant le Parlement allemand, en s’alliant aux écologistes et à la gauche radicale.

L’issue de la convention est cependant très incertaine : les socio-démocrates se déchirent sur la question et le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, est un ardent promoteur de l’accord de libre-échange avec le Canada.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront des avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende