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L’assemblée générale de Vinci tourne au cauchemar pour le PDG

Les actionnaires de Vinci se sont retrouvés le 16 avril. Mais le paisible rituel qui voit l’entreprises célébrer ses réalisations et le salaire de ses dirigeants a été chahuté par des interpellations sur Notre Dame des Landes et l’exploitation des travailleurs immigrés par la multinationale.


Vinci ouvrait a ouvert mardi 16 avril la « cérémonie » des AG. Ces assemblées générales d’actionnaires où, dixit un patron du CAC40 : « Il n’y a qu’1% du capital présent, mais il faut leur en donner pour leur argent. C’est du théâtre ! »

De là à parler de grand guignol ? Ce mardi matin, au Carrousel du Louvre, Vinci a en effet assuré un sacré spectacle. La veille encore, Xavier Huillard, son PDG, posant la première pierre du futur grand stade de Bordeaux, veillait, tel un comédien au jour de la générale, à son organe, sa gorge, soigneusement emballée dans une écharpe de cachemire bleu par 25 degrés à l’ombre ! « J’aurais besoin de ma voix demain, pour l’AG. » Plus qu’il ne l’imagine…

Une AG normale…

Cortège CGT de rigueur à l’entrée, avec ses banderoles, tracts et stand de sandwichs. Rien que de très normal. L’AG démarre dans le calme. Le film de présentation des activités du groupe n’est certes pas en 3D, mais on en prend plein la vue. Jeu de lumières et musique à fond. Discours du PDG et du DAF. Tout va bien : Vinci confirme ses objectifs pour 2013.

Puis, les seconds rôles se succèdent sur l’estrade, sur un air digne de film américain. C’est beau. Les commissaires aux comptes se félicitent du devoir accompli, les administrateurs tressent leurs lauriers. Henri Saint Olive du comité d’audit pour la rapidité de publication des comptes du groupe. Jean-Bernard Lévy du comité des rémunérations pour le chèque de 1,9 million d’euros accordé au PDG. Et Yves-Thibault de Silguy, le vice-président du conseil, sur le niveau de gouvernance exceptionnel du groupe.

Bonne nouvelle cette année, il ne se fera pas épinglé pour sa deuxième casquette chez Vinci : consultant de luxe à travers sa société YSTeuropaconsultants, il a touché 200.000 euros en 2012. Mais, c’est deux fois moins qu’en 2011, les actionnaires apprécient.

… qui dérape

S’en suit l’ultime passage obligé : la séance de questions. Des micros circulent dans la salle. Après quelques interventions traditionnelles sur la nature du cadeau auquel chacun aura droit à la sortie (cette année, c’est un faux moleskine aux couleurs de Vinci) ou sur de supposées activités nucléaires au Canada dont Xavier Huillard semble tout ignorer, la parole est donnée à une jeune femme, la trentaine pouponne et la mise propre. Contre toute attente, elle aussi veut assurer sa part du spectacle et démarre : « Monsieur Huillard, ne craignez-vous pas que Notre-Dame-des-Landes ne soit mauvais pour l’image du groupe ? »

Le ton monte encore d’un cran lorsqu’un deuxième activiste gagne le micro et lance cet invective : « 600 euros pour 40 heures de travail, Monsieur Huillard, c’est un scandale ! » Tandis qu’un chœur de contestataires, dispatchés dans la salle, se met à scander : « 600 euros, c’est un scandale ! », le jeune homme brandit un document, photocopie d’un contrat de travail d’un ouvrier portugais embauché par un sous-traitant de Vinci.

« Pouvez-vous nous affirmer, les yeux dans les yeux »

Comme il commence à distribuer des copies dans les rangs, le service d’ordre, prévenu du dérapage, intervient. Le garçon résiste, et le voilà attrapé par le pantalon et évacué manu militari par une sortie de secours. Mais c’est sans compter la dizaine de ses camarades encore en poste qui maintiennent la pression.

Un troisième larron –un certain François Ruffin, rédacteur en chef d’un journal « alternatif », Fakir, au mot d’ordre prometteur « il est fâché avec tout le monde, ou presque » - s’empare à son tour du micro, malgré la tendre résistance de l’hôtesse, et met Xavier Huillard au défi :« Pouvez-vous nous affirmer, les yeux dans les yeux, que Vinci respecte partout et toujours les règles du droit du travail, Monsieur Huillard ? »

La révolte gronde, mais Xavier Huillard, mis au courant de ce show qui ourdissait sur les réseaux sociaux, garde un calme olympien. Il réfrène même difficilement un sourire, semble amusé par cet esclandre. Jusqu’à ce qu’un « vrai » petit actionnaire lui rappelle que son rôle est aussi de maintenir l’ordre pour que l’AG se déroule normalement.

Le PDG ne rigole plus, écourte la séance de questions – de toute façon, personne ne les entend plus, ni même les réponses– et, tentant de couvrir les vociférations des frondeurs –qui évoquent désormais deux décès d’ouvriers polonais sur le chantier du stade de Nice ! soumet au vote des actionnaires les résolutions prévues à l’ordre du jour. Ouf, elles sont toutes largement plébiscitées. Xavier Huillard peut s’enfuir sous les cris des activistes qui scandent « Partageons ! Partageons ! » pour retrouver son écharpe… cette année, sa voix en a pris un coup.


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