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Grands projets inutiles

LGV Lyon-Turin : les raisons de la lutte

Une commission d’enquête parlementaire informelle a été lancée le 14 juin par la Nupes contre ce « projet écocidaire ».

Une grande manifestation est prévue les 17 et 18 juin en Savoie contre la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Les opposants dénoncent un chantier pharaonique, coûteux et vorace en terres agricoles.

Lyon, correspondance

Pourquoi des militants écologistes, habituellement adeptes du rail, luttent-ils contre une ligne de train ? Le tunnel ferroviaire Lyon-Turin doit pourtant reporter le fret des camions vers le rail, assure son promoteur, la société italienne Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT). Dans les faits, l’utilité réelle de ce projet imaginé dans les années 1980, tout comme son coût écologique et financier, font débat. Au point qu’une commission d’enquête parlementaire informelle a été lancée le 14 juin par l’alliance de gauche, la Nupes. « Nous souhaitons rendre visible nationalement ce projet écocidaire », a annoncé Mathilde Panot, la présidente du groupe La France insoumise à l’Assemblée.

Estimé à 12 milliards d’euros en 2002, le coût de ce chantier pharaonique cofinancé par la France, l’Italie et l’Union européenne a été réévalué par la Cour des comptes en 2012… à 26,1 milliards d’euros. Un chiffre contesté par TELT, qui assure que la ligne qui doit relier l’Auvergne-Rhône-Alpes au Piémont italien ne coûtera que 18 milliards d’euros. Pour éclaircir ce flou, un groupe de travail franco-italien doit chiffrer à partir du 22 juin prochain le montant total du Lyon-Turin en tenant compte de l’inflation et de l’augmentation du prix des matières premières.

Surtout, malgré l’usage du rail, le bilan carbone du Lyon-Turin laisse à désirer. Son promoteur assurait en 2012 que la construction de cette liaison frontalière générerait 10 millions de tonnes d’émissions de CO₂. En se fondant sur ce chiffre et sur les estimations de trafic, la Cour des comptes européenne a calculé que les émissions de la ligne ne seraient compensées qu’entre 25 et 50 ans après son entrée en service. Initialement prévue en 2015, celle-ci ne devrait pas survenir avant 2030. « Ces délais nous semblent incompatibles avec l’urgence climatique », souligne Jean-François Coulomme, député LFI de la Savoie.

Villarodin-Bourget est l’un des plus touchés par la construction du tunnel. Les fontaines du village ont cessé de couler. © Marion Paquet / Reporterre

La facture écologique s’alourdit quand on y ajoute les conséquences hydrogéologiques du chantier. Les sources de plusieurs villages de Savoie ont été taries par les travaux du Lyon-Turin. La situation est telle que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe) a saisi il y a un an le ministère de la Transition écologique sur les risques que présente le chantier pour les captages d’eau potable, sans recevoir de réponse.

« On assèche des fonds qui pourraient être dédiés aux lignes du quotidien »

Le Lyon-Turin est également vorace en terres agricoles. Selon les calculs de la Confédération paysanne, près de 1 500 hectares de terrains fertiles vont être artificialisés pour créer des infrastructures annexes : plateformes de stockage d’engins et de matériaux, conduits de ventilations, carrières, voies d’accès…

Pour Vincent Gay, conseiller régional écologiste de l’Isère, « c’est un mauvais projet ferroviaire car il assèche des fonds qui pourraient être dédiés aux lignes du quotidien ». D’autant que, selon l’élu, une partie de cette manne financière pourrait être réorientée pour remettre à niveau l’actuelle ligne Lyon-Turin. Une position également recommandée par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI). « On a déjà une ligne qui existe et dont on ne se sert pas, ça empêche les véritables politiques de reports modaux d’être mises en œuvre », soupire l’élu.

Manifestation contre le Lyon-Turin dans le Val de Suse en avril 2021. © Stefano Stranges / Reporterre

Ses opposants l’assurent : il n’est pas trop tard pour stopper le train du Lyon-Turin « Le projet n’est pas fait : moins de 10 % des tunnels sont creusés, explique Cyrielle Chatelain, députée écologiste de l’Isère. Ce n’est pas parce qu’on a mis un milliard qu’il faut en dépenser dix-neuf autres. »

Une grande manifestation à l’appel des Soulèvements de la Terre et de l’association Vivre et Agir en Maurienne est prévue les 17 et 18 juin en Savoie. Celle-ci est interdite par le préfet, les organisateurs vont donc saisir le tribunal administratif et maintiennent le rendez-vous.

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