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Traités de libre-échange

La ratification du Ceta divise les députés, même dans la majorité

Le traité de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada, le Ceta, arrive à l’Assemblée nationale, ce mercredi 17 juillet. Tous les groupes d’opposition devraient voter contre le projet de loi de ratification. Même au sein de la majorité, l’accord est loin de faire l’unanimité.

  • Actualisation - jeudi 18 juillet : Initialement refusé par la majorité En Marche, un vote solennel sur le Ceta aura finalement lieu le mardi 23 juillet.

Article initialement publié le mercredi 17 juillet 2019

Une demi-journée de débat, et un vote annoncé dans la nuit… entre les quelques députés insomniaques ou tenaces. Voilà à quoi devrait ressembler la ratification du traité de libre-échange avec le Canada, alias Ceta, prévue ce mercredi 17 juillet à l’Assemblée nationale. Plusieurs parlementaires avaient demandé un vote solennel mardi 16 juillet, une procédure particulière [1] « qui aurait permis à tous les députés de voter » avec une heure précise, selon Mathilde Panot, de la France insoumise. Mais la majorité En marche a préféré un vote nocturne, plus discret.

« Tout se passe comme si la majorité avait la ratification du Ceta honteuse », déclare la députée Delphine Batho, qui votera pour sa part contre le projet de loi. De fait, la validation de cet accord ne suscite ni enthousiasme ni consensus au sein de la République en marche, tant s’en faut. Mercredi 10 juillet, en introduction d’une table ronde organisée par la Commission du développement durable de l’Assemblée, la marcheuse Barbara Pompili indiquait ainsi : « Je ne vous le cache pas que cet accord soulève des interrogations. On ne peut s’empêcher de remarquer qu’il y a un certain paradoxe à promouvoir des échanges intercontinentaux tout en voulant maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et en promouvant la consommation locale. »

Barbara Pompili lors de la table ronde de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale sur l’accord économique commercial global (Ceta), le 10 juillet 2019.

Ce même jour, Bruno Millienne, membre du Modem, annonçait qu’à l’inverse de son groupe parlementaire, favorable au Ceta, lui se sentait très « circonspect » : « Les conséquences environnementales, agricoles et sanitaires me semblent insuffisamment évaluées, observait-il. Au nom de l’impératif écologique, est-il encore envisageable de continuer à promouvoir des échanges internationaux lourds en émissions de gaz à effet de serre pour des produits que nous sommes capables de faire localement ? »

« Quand on en est réduit à utiliser des “fake news” et à traiter les opposants au Ceta de populistes, c’est qu’on est à court d’arguments » 

Face à ce vent d’inquiétude, la Macronie a fait feu de tout bois, mettant en avant les vertus et les garanties de cet accord, quitte à glisser quelques contre-vérités, soulignées par l’Institut Veblen et la Fondation Nicolas Hulot. Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, le Canada pourra bien exporter de la viande nourrie aux farines animales ou dopée aux antibiotiques. Idem pour les aliments qui ont été traités avec l’un des 46 pesticides interdits dans l’Union européenne (mais autorisés au Canada), qui pourront pénétrer sur le marché européen. « Le gouvernement a multiplié les mensonges sur le Ceta, pour faire taire les inquiétudes dans ses rangs, constate Delphine Batho. Cette campagne de ratification se base sur des fake news. Et quand on en est réduit à utiliser des fake news et à traiter les opposants au Ceta de populistes, c’est qu’on est à court d’arguments. »

L’exécutif a également entretenu le flou autour d’un possible veto climatique. Ce garde-fou initialement imaginé par un comité d’experts mandaté en 2017 par Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, devait empêcher un investisseur de déposer un recours devant un tribunal arbitral contre un pays si la mesure visée concerne la lutte contre le changement climatique. Mais, en l’état actuel des choses, le projet de mécanisme présenté par la majorité il y a quelques jours ne vise pas à bloquer un recours. « Il permettrait en cas d’accord de l’UE et du Canada (et uniquement s’ils sont d’accord) de transmettre une déclaration commune au panel d’arbitres à qui il appartiendrait toujours de statuer sur le cas, précise l’Institut Veblen. Ce n’est par conséquent pas un veto. »

Vu le manque de garanties autour de ce traité, le député Matthieu Orphelin, sans étiquette mais anciennement marcheur, a déposé une motion d’ajournement, espérant que l’examen du texte soit reporté à fin 2019, « afin que les parlementaires soient assurés que nos ambitions environnementales soient pleinement protégées à long terme ».

Pour autant, malgré un front d’opposition allant des Républicains au Parti communiste, malgré le refus de plus de deux Français sur trois de voir cet accord ratifié, malgré la mobilisation coordonnée de plusieurs dizaines d’organisations syndicales et associatives, le Ceta devrait être adopté par les députés ce mercredi soir.

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