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Mines et métaux

La réforme du code minier prévoit l’interdiction définitive du gaz de schiste. Mais son adoption n’est pas acquise

L’Assemblée nationale a voté mercredi 25 janvier la réforme du code minier. L,e texte intègre l’interdiction du gaz de schiste, et une plus grande transparence dans les procédures d’octroi de titres miniers. Mais il risque fort de ne pas être adopté par le Sénat avant juin, et Les Républicains sont hostiles au texte...

-  Actualisation - Jeudi 26 janvier - L’Assemblée nationale adopte la proposition de loi sur la modernisation du code minier

Le texte, qui prévoit l’interdiction des gaz de schiste, a été voté mercredi soir 25 janvier par les députés. Attendu depuis 2011, il risque toutefois de ne pas être adopté pendant le quinquennat.

L’examen en première lecture de la proposition de loi sur la modernisation du code minier s’est, sans surprise, conclu par son adoption mercredi. Le texte prévoit une interdiction totale de la recherche et de l’extraction des huiles et des gaz de schiste. Il ne prévoit toutefois pas l’interdiction d’autres hydrocarbures non-conventionnels comme les gaz de couche, issus de veines de charbon déjà fracturées. C’est une "grande erreur", selon la députée écologiste Laurence Abeille, ainsi que l’association des Amis de la Terre, qui pointe pour sa part un texte « au goût amer ». Plusieurs amendements ambitieux ont été refusés, tels que l’arrêt de l’exploitation des énergies fossiles à l’horizon 2030 ou la possibilité de fixer un nombre maximum de permis octroyés.

Parmi les avancées du texte, une réaffirmation de la règle du "silence vaut rejet". En cas de non-réponse de l’Etat aux sollicitations des entreprises, le titre minier est considéré comme refusé. Le groupement participatif chargé de l’expertise des dossiers de titres miniers pourra également choisir les experts qu’il souhaite - sans avoir à demander son avis à l’entreprise. Enfin, concernant le "droit de suite", qui rend possible le passage d’un titre d’exploration à un titre d’exploitation pour la même entreprise, les amendements visant à le remettre en cause ont été refusés. Ce qui, selon le rapporteur de la loi, n’implique pas forcément que ce passage soit automatique : "Il n’exempte pas d’ordonner une évaluation environnementale ou une enquête publique", faisait valoir Christophe Sirugue, secrétaire d’Etat chargé de l’industrie auprès du ministère des finances, lors des débats.

Le texte risque toutefois de rester lettre morte. Le Sénat n’a pas inscrit son examen à l’ordre du jour avant la fin de la législature - c’est-à-dire avant fin février. Le groupe des députés LR, hostile au texte, a d’ailleurs fait valoir son caractère "mort-né". Reste à connaître la couleur de la future majorité pour savoir si cette proposition de loi aura ou non un avenir.


-  Article publié le 24 janvier 2017

Elle avait été critiquée pour son ambition minimaliste : la proposition de loi visant à « verdir » le code minier est désormais un peu plus présentable, du moins aux yeux des élus écologistes. Le texte est passé entre les mains de la Commission développement durable, où un certain nombre d’amendements sont venus le compléter. C’est ce document toiletté qui est soumis mardi 24 et mercredi 25 janvier aux députés en séance publique à l’Assemblée nationale.

Pour commencer, le texte règle son compte au gaz de schiste en interdisant définitivement son exploitation et son exploration. Une loi de 2011 interdisait déjà la technique de la fracturation hydraulique, qui consiste à fracasser la pierre où est emprisonné le gaz pour le libérer, avec des dommages considérables pour l’environnement. Mais il subsistait une ambiguïté. De nombreuses voix faisaient valoir que d’autres techniques que la fracturation hydraulique restaient à inventer.

En commission, le débat a été évacué par le député PS du Gard Fabrice Verdier : « Les hydrocarbures non conventionnels sont dans une prison de roche. Vous pouvez inventer les mots que vous voulez. Mais il faut fracturer d’une façon ou d’une autre, et ça ne peut générer que des dégâts. » En clair : il n’existe pas de moyen « écologique » d’exploiter les gaz de schiste. L’amendement interdisant son exploitation et son exploration a donc été adopté, avec, cerise sur le gâteau, le vote de deux députés Les Républicains. Reste que cette avancée n’inclut pas l’interdiction des « gaz de couche », ceux émanant des veines de charbon déjà ouvertes, au grand dam des associations écologistes.

« Tout sera transparent, tout sera porté à la connaissance des collectivités territoriales et du public » 

Un enjeu crucial : l’information des citoyens. Allégée ?

Autre point qui posait problème : l’impossibilité d’effectuer une « saisine citoyenne » pour déclencher une expertise sur un dossier de demande d’exploitation ou d’exploration déposé par une entreprise — ce que le texte nomme de manière très technique la « procédure renforcée d’information et de concertation du public ». Jusqu’ici, seul le préfet ou les communes concernées pouvaient en faire la demande. Désormais, les citoyens en ont aussi la possibilité. Pour cela, ils devront représenter « 30 % des électeurs du territoire, impacté d’un point de vue environnemental, sanitaire ou socioéconomique ». À la suite de cette saisine, un groupement participatif sera constitué, mêlant experts, élus et citoyens.

L’octroi du titre restera tout de même une prérogative du préfet. « Ce qui est important, c’est que tout sera transparent, tout sera porté à la connaissance des collectivités territoriales et du public », détaille Jean-Paul Chanteguet, député PS de l’Indre et rapporteur de la proposition de loi. « Ce que l’on reprochait aux dispositions précédentes, c’est que tout se faisait dans la plus grande opacité. Le préfet pourra même être conduit à expliquer publiquement les raisons qui le conduisent à accorder un titre alors que le groupement participatif aura émis des réserves. » Le dossier fourni par l’entreprise au groupement participatif pourra tout de même être expurgé des informations relevant du « secret des entreprises ». Pour éviter que l’entreprise n’utilise ce levier pour rendre des textes illisibles, le préfet devra donner son accord quant aux informations supprimées.

Les amendements visant à remettre en cause le « droit de suite », qui permet à une entreprise de passer automatiquement d’un titre d’exploration à un titre d’exploitation, ont été rejetés. Néanmoins, avant d’obtenir un titre d’exploitation, l’entreprise devrait tout de même passer par une nouvelle phase d’expertise. « Cette demande de transfert d’un titre fera l’objet d’une concertation et d’une évaluation environnementale. Elle ne sera pas automatique », explique Jean-Paul Chanteguet. Concernant l’après-mine, l’entreprise sera responsable des dommages jusqu’à 30 ans après leur découverte, ce que le texte précédent ne précisait pas. « C’est une avancée. La responsabilité de l’entreprise pourra être enclenchée dans le temps long », commente Jean-Paul Chanteguet.

Toujours pas de référence à l’Accord de Paris 

« Le texte va vraiment dans la bonne direction. On va vers des précisions utiles sur le contenu des dossiers ou encore la composition des groupements participatifs. On a allongé des délais par exemple. Tout cela peut permettre d’évacuer les projets néfastes », commente Laurence Abeille, députée EELV du Val-de-Marne. Elle ne cachait pas ses craintes avant l’examen en Commission du développement durable. Aujourd’hui, elle est rassurée, même si elle aurait aimé que la proposition aille plus loin encore. « La logique voudrait qu’on n’ouvre plus de mine, mais ce n’est de toute façon pas l’esprit du texte. Si on exploite, au moins exploitons avec l’assurance que tout a été fait dans les règles. »

L’objectif de « verdir » le code minier est donc respecté. Mais avec quelle ambition ? « Quand on compare à ce qui existait précédemment, on voit bien qu’on prend en compte les principes généraux du droit de l’environnement », justifie M. Chanteguet. Le souci, c’est que même après son passage en commission développement durable, il ne comporte toujours pas de référence à l’Accord de Paris, conclu à l’issue de la COP21. « Des amendements déposés en ce sens pendant la commission posaient des problèmes de rédaction. Nous sommes en train de réfléchir pour déposer en séance publique un amendement permettant d’intégrer une disposition qui ferait référence aux engagements pris par la France dans le cadre de la COP21 et qui ferait référence aussi à la loi de transition énergétique », précise Jean-Paul Chanteguet.

« Ce qui a été fait est satisfaisant. Maintenant, il va falloir être très vigilant lors de la séance », explique Laurence Abeille. Sur le gaz de schiste, elle craint notamment que des députés ne ressortent le fameux couplet d’une « recherche de technique alternative à la fracturation hydraulique ». Reste que le calendrier rend difficile l’adoption de cette loi dans un délai bref, les sessions parlementaires s’arrêtant fin février pour cause d’élection.

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