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Mines et métaux

Les écologistes dénoncent le projet de réforme du Code minier

Depuis qu’Arnaud Montebourg a décidé de relancer l’industrie minière en 2013, un projet de réforme du Code minier est en gestation. Mais sa dernière mouture, déposée en novembre dernier par les socialistes, favorise clairement les exploitants au détriment des riverains et de l’environnement. Ecologistes et associatifs lancent l’alerte.

Des projets miniers sélectionnés sans étude environnementale préalable, une consultation du public rendue facultative, le maintien d’anciennes facilités comme le droit de suite... La proposition de réforme du Code minier, déposée à l’Assemblée nationale par Bruno Le Roux (alors président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale) le 23 novembre dernier, ne passe pas auprès des écologistes. « C’est un texte qui fait la part belle aux lobbies industriels dont on sait qu’ils sont à la porte », a jugé, cinglante, la députée (EELV) du Val-de-Marne Laurence Abeille, lundi 9 janvier à l’Assemblée nationale. Entourée de la députée européenne (EELV) Michèle Rivasi, de Claude Taton, du réseau Frack-Free-Europe, et d’Isabelle Lévy, du collectif du Pays Fertois « NON au pétrole de schiste », elle a mis en garde contre un texte « peu ambitieux » et « en contradiction avec l’accord de Paris et la loi sur la transition énergétique ».

Depuis le premier rapport commandé par Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Ecologie, en avril 2011, la réforme du Code minier est devenue un serpent de mer. Certes, la fracturation hydraulique, une technique d’extraction particulièrement polluante, a été interdite en juillet 2011. Mais en 2013, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a initié un plan de relance de l’exploitation minière prévoyant notamment un inventaire des richesses du sous-sol français et... la réforme du Code minier. Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, a repris cet objectif à son compte en 2015. Pour Mme Rivasi, on assiste à un renouveau de l’industrie minière en France, « avec plus de trente permis octroyés à l’heure actuelle ».

Montebourg et Macron ont relancé la recherche minière

Problème, le texte proposé par les socialistes n’est pas à la hauteur des enjeux. « Il n’existe pas de disposition qui permette de refuser des demandes de titres miniers en cas de conséquence grave pour l’environnement », s’insurge M. Taton. A l’heure actuelle, quand un industriel demande au ministère concerné l’autorisation d’explorer un sous-sol, il est mis en concurrence avec d’autres entreprises et le ministère choisit le projet le plus pertinent, sur des critères « uniquement liés à l’économie et à l’emploi », déplore Mme Rivasi. Ce n’est que lorsque le projet est sélectionné que son impact sur l’environnement est évalué. Une aberration pour les écolos et les associatifs, qui réclament que les projets des candidats soient jugés – et sélectionnés – sur des critères environnementaux et sanitaires.

Une mine française abandonnée.

D’autres facilités accordées aux exploitants par le Code minier en vigueur n’ont pas été remises en cause. Le rapport environnemental, dont les écologistes et les associatifs déplorent qu’il n’arrive qu’en bout de course, n’est tenu de préciser que des « critères de choix techniques » - et pas la technique d’exploration ou d’extraction qui sera effectivement utilisée. Le « droit de suite » est maintenu – un principe implicite que Mme Lévy qualifie de « pied dans la porte » : « Quand vous acquérez un premier permis de recherche, vous obtenez quasiment automatiquement le renouvellement de ce permis, de même que que sa mutation en permis d’exploiter, sans que les conditions techniques et économiques de l’exploitation soient réellement réexaminées. »

Elle s’inquiète aussi d’un possible retournement du principe « silence gardé vaut rejet ». Actuellement, si le ministre chargé des mines, sollicité pour une demande d’octroi ou de renouvellement de permis, garde le silence pendant plus de deux ans, l’exploitant peut considérer que sa demande a été rejetée. Mais, en juillet 2015, un rapport intitulé « Délais d’instruction des demandes de permis exclusifs de recherche et de concessions d’hydrocarbures » a conseillé de considérer comme acceptée toute demande de permis n’ayant pas obtenu de réponse dans un délai de quinze mois. Silence gardé ou pas, « Ségolène Royal a signé quinze permis ou modifications de permis dont les demandes avaient été déposées plus de quatre ans auparavant, comme celui de la Folie de Paris, en Seine-et-Marne », s’indigne Mme Lévy.

Une complaisance coupable alors que « les dommages environnementaux de l’activité extractive sont très importants », rappelle M. Taton. Il a pu en prendre la mesure près de chez lui, à Saint-Félix-de-Pallières dans les Cévennes, où une ancienne mine de zinc continue à polluer sols, cours d’eaux et habitants plus de quarante ans après sa fermeture. « Les exploitants ont laissé trois millions de tonnes de déchets à l’air libre, qui forment comme des petites collines, décrit le militant, écoeuré. Les poussières polluées s’envolent et s’incrustent partout au moindre coup de vent. Dès qu’il pleut, les cours d’eau et les nappes phréatiques sont contaminées à leur tour. Les gens ne peuvent même plus arroser leurs légumes ! » Alertée, l’ARS (Agence régionale de santé) a lancé une étude sur l’état de santé des riverains. Les premiers résultats sont accablants : quarante-six personnes présentent des taux tellement élevés d’arsenic dans le sang qu’elles se sont vues recommander un suivi médical personnalisé. Les habitants ont porté plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

« Il est urgent de réformer les formes de participation du public »

Le 28 février 2016, 15.000 personnes ont manifesté à Barjac, dans le Gard, contre la recherche et l’exploitation de gaz et pétrole de schiste

Alors que les riverains sont aux premières lignes en cas de pollution du site, « ils ne sont informés que très tardivement d’un projet d’exploration du sous-sol, souligne M. Taton. C’est la dernière étape avant la signature du permis d’exploration : une petite consultation de 21 jours – même pas une enquête publique – dont le ministre n’est même pas obligé de tenir compte. » Seuls les habitants des communes où se situe l’emprise de la mine sont sollicités, sans prise en compte du périmètre de pollution autour du site. Une « procédure renforcée d’information et de concertation du public » est bien mentionnée dans la proposition de loi, mais elle est « facultative » et ne peut être lancée que sur décision du préfet ou si la majorité des deux tiers des communes concernées le demande. « Aucune saisine citoyenne en vue, regrette M. Taton. Or, il est urgent de réformer la participation du public pour éviter que la consultation publique ne soit qu’un outil servant à susciter l’adhésion des habitants et à améliorer l’accessibilité sociale d’un projet. »

De manière générale, Mme Lévy s’interroge sur l’opacité croissante du secteur de l’industrie minière en France. « Jusqu’à présent, toutes les informations concernant les permis,les forages en cours, les incidents, les accidents... étaient publiques grâce à un bulletin du Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH). Mais, depuis un an, ces bulletins ne sont plus diffusés », regrette-t-elle. Idem pour la carte des périmètres miniers, visible sur le site du ministère de l’Environnement, « qui n’a pas été mise à jour depuis plus d’un an et demi alors qu’elle l’était tous les six mois ».

Au-delà de ces considérations techniques, les quatre intervenants restent effarés par l’absence de cohérence entre ce projet de réforme de Code minier, le Code de l’Environnement et l’accord de Paris pour la lutte contre le changement climatique et la loi de transition énergétique. « Il n’y a aucune référence à la COP21, alors qu’on sait que 80 % des ressources fossiles doivent rester dans le sol » si l’on veut contenir le réchauffement sous la barre des 2°C d’ici la fin du siècle, déplore Mme Rivasi. Par ce texte, l’Etat organiserait même sa propre impuissance, puisqu’il est précisé dans l’article 4 que la « politique nationale des ressources et des usages miniers » ne pourra pas être invoquée pour justifier le refus d’un permis d’explorer ou d’exploiter.

Le gouvernement a déclenché la procédure accélérée sur cette proposition de loi. Le texte sera examiné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 11 janvier prochain, puis par la commission développement durable les 17 et 18 janvier prochains. Les discussions en séance publique devraient intervenir les 24 et 25 janvier.

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