Les lobbies miniers veulent un code juridique qui les arrange

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Mines et métauxLe groupe socialiste à l’Assemblée nationale a déposé une « proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement ». Elle a été retirée juste avant le week-end. Tant mieux, car, expliquent les auteurs de cette tribune, les modifications prévues allaient faciliter l’exploitation du sous-sol et compliquer les recours contre celle-ci.
Isabelle Lévy est porte-parole du Collectif fertois contre le pétrole de schiste et Claude Taton est membre du réseau Frack Free Europe, qui milite pour une interdiction des méthodes de fracturation hydraulique.
Le Code minier français régit l’ensemble des usages du sous-sol. Il précise les conditions dans lesquelles une exploration et une exploitation de mine peuvent être réalisées, mais aussi les dispositions relatives à l’arrêt des travaux miniers (« après-mine »). Ce code est pour l’essentiel un code de procédure : il précise davantage les processus de décision que les décisions elles-mêmes. Rappelons qu’aujourd’hui, l’exploration et l’exploitation minières nécessitent l’obtention d’un titre minier. L’État étant propriétaire du sous-sol, il est le seul à pouvoir déléguer à un industriel le droit de l’explorer. Un industriel qui souhaite explorer le sous-sol doit soumettre un dossier à un service de l’État ad hoc, qui vérifie les capacités financières et techniques du postulant : c’est ce qu’on appelle l’instruction du dossier.
Quelques années plus tard, si le dossier est accepté, après instruction et mise en concurrence, l’entreprise peut se voir octroyer par décret ministériel un « permis exclusif de recherche ».
Le mécanisme actuel est jugé trop long et trop contraignant par les entreprises concernées. Elles n’ont eu de cesse, ces dernières années, de demander une simplification et une accélération des procédures administratives. Pour répondre à cette pression des lobbies minier et pétrolier, le gouvernement Sarkozy avait amorcé une première réforme, qui n’a pas vu le jour. Après 2012, plusieurs nouvelles moutures du Code minier ont été ébauchées, sans aboutir, chacune étant plus libérale que la précédente, légèrement peinte en vert ou en rose (introduction d’une pseudo-participation citoyenne, d’une pseudo-adaptation au droit de l’environnement).
Un agenda parlementaire quasi bouclé
Visiblement, même si l’agenda de l’Assemblée nationale semble quasi bouclé jusqu’à la fin de la mandature, le groupe socialiste a cru bon devoir déposer en catimini une « proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement ».
Cette proposition vient tout juste d’être retirée, le 18 novembre. Il n’est pas impossible que l’alerte que nous avons lancée directement auprès du président de la la Commission de développement durable de l’Assemblée, M. Chanteguet, ait joué un rôle dans ce retrait.
Car plusieurs dispositions de ce texte nous semblaient très inquiétantes.
Il prévoyait notamment que « la détention d’un titre minier n’est pas nécessaire pour l’exploration minière lorsqu’elle est réalisée […] par le propriétaire de la surface […] » Il s’agit de l’article L. 113.1.
Cela signifie que l’État ne serait plus le seul détenteur du droit à accorder un territoire déterminé pour entreprendre l’exploration minière.

Tout propriétaire de surface n’aurait qu’à informer de son intention les services de l’État, par une simple déclaration, pour se voir conférer la possibilité d’entreprendre des activités de recherches sur son terrain, sans qu’il y ait un dossier à instruire.
En quelque sorte, il s’agirait d’un droit quasi automatique, ouvert à tout propriétaire de surface foncière. Ce serait une première étape vers le système pratiqué aux Etats-Unis, où le propriétaire du sol est libre de vendre ou de louer ses terres à tout futur exploitant.
Aucune leçon n’est tirée de la signature de l’accord de Paris
Dans sa tentative de verdissement, l’article 116.2 mentionnait l’inscription dans le Code minier de « la politique nationale des ressources […] dont l’objectif est de déterminer les orientations de gestion et de valorisation des ressources connues ou estimées pour servir l’intérêt économique des territoires et de la nation ». Si on pouvait être satisfait de voir que l’État prenait la peine d’identifier sa « politique nationale des ressources », on pouvait déplorer que, de fait, le renouveau minier soit affirmé comme un des axes industriels souhaités par le gouvernement.
Il est évident qu’aucune leçon n’est tirée de la signature de l’accord de Paris de décembre 2015. Quid de la lutte contre le réchauffement climatique ? Quid du fait de laisser 80 % des ressources déjà identifiées d’hydrocarbures dans le sous-sol ?
Mais il y a pire, l’article L. 116.5 stipulait que « les décisions administratives prises en application du présent code ne peuvent être refusées au motif […] qu’elles ne s’inscrivent pas dans les orientations de cette politique ».
Traduction rapide : l’État pourrait octroyer un permis non conforme aux orientations générales définies en matière de gestion des ressources. L’État ne pourrait donc pas refuser un permis à un industriel au motif que ce permis ne s’inscrit pas dans la politique pourtant définie préalablement. La possible contradiction entre la politique définie et l’octroi des permis était d’emblée prévue dans ce nouveau Code minier.
Aucune association environnementale n’aurait donc plus pu faire référence aux orientations générales pour s’opposer à un projet puisque le code minier prévoyait d’octroyer des permis en contradiction avec la politique de l’État.
Le texte a été retiré, et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, il semblerait qu’un nouveau texte soit en préparation, illustrant que la pression pour procurer un cadre favorable à l’activité extractive (hydrocarbures ou autres substances minérales) reste forte.
- Actualisation - Vendredi 25 novembre - Un nouveau texte a été déposé. Le voici.
Une analyse plus complète du texte socialiste est disponible ici.