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Quotidien

Lait, aliments pour bébé, tampons... Ces produits interdits de vrac

Il est techniquement tout à fait possible de vendre du lait en vrac mais les risques sanitaires seraient trop élevés.

Un décret fixe la liste des produits dont la vente sans emballage est interdite. Lait, aliments pour bébé et tampons sont interdits. Lessives, couches pour bébé et mouchoirs sont autorisés.

Est-il possible d’acheter du lait, de l’eau, des surgelés, du papier toilette, de la lessive, des tampons en vrac ? La réglementation prévoit que tous les produits de consommation courante peuvent être vendus sans emballage « sauf exceptions dûment justifiées par des raisons de santé publique », précise l’article L120-1 du Code de la consommation, mesure adoptée dans le cadre de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020. Aussi la vente en vrac de certains produits restait-elle, depuis plusieurs mois, suspendue à la publication du texte devant établir la liste de ces exceptions.
 
C’est chose faite depuis le 31 août. Le décret liste deux types de produits : ceux dont la vente en vrac est complètement interdite, et ceux dont la vente en vrac est autorisée dans certaines conditions. Pour le Réseau Vrac et Réemploi, l’association qui représente les acteurs de la filière, le décret va dans le bon sens : « Il voit le jour sans interdictions notables, notamment sur les produits détergents et les produits cosmétiques. »

Les pouvoirs publics voulaient au départ interdire la vente en vrac de ces deux catégories en raison des risques chimiques et bactériologiques, avant de renoncer. Ils imposent cependant aux commerçants de les proposer « soit en service assisté [un vendeur s’occupe de servir le client], soit au moyen d’un dispositif de distribution adapté à la vente en vrac en libre-service ». Objectif : garantir la sécurité et l’intégrité du produit ainsi que la sécurité des consommateurs et du magasin.

Pas de réels changements dans les magasins

Globalement, ces nouvelles dispositions ne vont pas modifier ce qui se pratique déjà dans les magasins, selon Didier Onraita-Bruneau, président de My Retail box, fournisseur de plus de 750 références en vrac : « Il n’y a aucune surprise pour nous sur le contenu du décret sur lequel nous avons travaillé avec l’administration. Il exclut du vrac les produits les plus dangereux, par exemple l’eau de Javel ou les détergents affichant des symboles de danger chimique. En revanche, nous pourrons continuer à vendre nos lessives, qui ne comportent pas de substances très dangereuses. Même chose pour les cosmétiques. »

Le Réseau Vrac et Réemploi recommande, pour sa part, qu’un membre du personnel « formé et dédié à l’accompagnement des clients dans leur parcours d’achat » soit présent aux rayons détergents et cosmétiques.

Le papier toilette peut désormais être vendu en vrac. Pexels/CC/Vlada Karpovich

Lors de l’élaboration du texte, des discussions ont notamment porté sur le papier toilette : les autorités avaient le souci que le produit soit préservé de toute contamination avant achat.

« Elles craignaient que le papier soit posé sur une étagère ayant été précédemment en contact avec un produit nocif, explique Didier Onraita-Bruneau. Or nous avons une solution : nous recevons les rouleaux de papier toilette, par lot d’une trentaine, prêts à vendre dans de gros cartons. Il suffit d’ouvrir ces cartons et de laisser les clients se servir directement dedans. Le rouleau de papier n’est donc pas en contact avec les étagères. » Le papier toilette a donc rejoint la liste des produits autorisés sous conditions.

Les serviettes périodiques autorisées, mais pas les tampons

Plusieurs autres produits peuvent désormais être vendus en vrac, c’est-à-dire sans aucun emballage (même individuel), grâce à un dispositif de distribution adapté : les couches pour bébé, les serviettes périodiques jetables, l’essuie-tout, les serviettes et mouchoirs en papier, le coton hydrophile, les lingettes et les cotons-tiges.

« Je n’ai pas connaissance, pour le moment, d’équipements de distribution spécifiques pour les couches ou les serviettes périodiques sans emballage, dit le président de My Retail Box. Mais j’imagine que cela ne serait pas très difficile à concevoir. Cependant, notre métier, c’est d’éviter le gaspillage et les déchets. C’est pour cela que nous privilégions les serviettes lavables ou les culottes menstruelles. Pareil pour les couches bébé, même si, pour l’heure, les alternatives lavables ne sont pas très pratiques et satisfaisantes. Nous devons travailler pour trouver des solutions innovantes. »

Côté tampons, le décret est plus sévère en raison du risque lié au fait qu’ils soient insérés dans le vagin. Leur vente en vrac est proscrite.

Les tampons ne pourront pas être vendus en vrac. Pexels/CC/Karolina Grabowska

Les produits surgelés sont vendus en vrac en Espagne

Les produits surgelés, les aliments pour nourrissons, les compléments alimentaires ou encore le lait sont également privés de vrac en France. Pour le surgelé, cette interdiction est prévue au niveau européen, mais n’a pas été transposée partout. Didier Onraita-Bruneau cite le cas de l’Espagne ou des pays scandinaves, où la pratique est très répandue, « sans que cela ne pose de problème sanitaire ».

En revanche, il reconnaît que le vrac présente trop de risques pour les aliments pour bébé : « Il s’agit de produits humides. Or, dès que le produit est en contact avec l’air, il y a altération. Si ces microaltérations ne présentent aucun souci pour les adultes, il en est autrement pour les bébés de moins de quatre mois. »

Quant au lait thermisé, il est techniquement tout à fait possible de le vendre en vrac. Des expérimentations ont déjà été menées via des poches souples de 5 ou 10 litres. Mais outre le coût énorme du transport, les risques sanitaires seraient trop élevés.

« Les industriels ont bataillé pour que les consommateurs finissent par faire confiance à la thermisation UHT [ultra haute température], assure Didier Onraita-Bruneau. Ils ne veulent pas revenir en arrière. Comment expliquer aux consommateurs, habitués au lait UHT, que le lait vendu en vrac n’est plus à longue conservation et qu’il faut le boire rapidement une fois acheté ? »

De l’eau minérale disponible à la fontaine

Les eaux de source et les eaux minérales ne sont, pour leur part, pas mentionnées dans le décret. Autrement dit, elles pourront être vendues via des fontaines au rayon vrac. Plusieurs pays européens et les grands minéraliers s’étaient opposés à cette possibilité lorsque le projet de texte français avait été soumis à consultation européenne en début d’année.

Interrogée en mars par Reporterre, la Maison des eaux minérales naturelles (Vittel, Evian, Volvic…), qui représente 80 % de la profession, nous assurait être favorable au vrac. Elle citait une expérimentation menée par Evian.

Le Réseau Vrac et Réemploi pense déjà à l’étape suivante : le projet de décret obligeant les commerces de plus de 400 m2 à dédier au moins 20 % de leur surface à la vente de produits sans emballage. « Ce décret vrac va permettre d’accélérer les travaux de concertation », espère l’association.

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