Remplir soi-même son bidon de lessive pourrait être interdit

Des paillettes de savon achetées en vrac en libre-service. - © E.B / Reporterre
Des paillettes de savon achetées en vrac en libre-service. - © E.B / Reporterre
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QuotidienSavon, lessive, liquide vaisselle... Un décret pourrait interdire la vente en vrac en libre-service de tous les détergents. Motif invoqué ? La sécurité des consommateurs. Les professionnels du secteur se mobilisent.
Pourra-t-on encore remplir soi-même son bidon de lessive, de savon noir ou de vinaigre blanc dans un magasin de vrac ? L’inquiétude monte chez les professionnels et les adeptes de ce mode de distribution écologique. En cause : le gouvernement planche depuis 2020 sur la liste des produits interdits de vente en vrac « pour des raisons de santé publique », en application de l’article L. 120-1 du Code de la consommation. Une version du projet de décret, présentée aux professionnels début janvier 2022, envisage d’y faire figurer les lessives et plus globalement tous les produits détergents. Leur vente en vrac ne serait pas interdite à proprement parler. Elle resterait autorisée à condition de ne pas être en libre-service.
Pour les professionnels, cela revient malgré tout à condamner de nombreux rayons de lessives et autres produits d’entretien en vrac.
« En clair, on demande aux magasins d’embaucher du personnel pour vous servir ces produits, explique Célia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac. Ce n’est pas viable économiquement, sauf à augmenter fortement les prix de vente. » Les craintes sont d’autant plus vives que de nombreuses boutiques de vrac sont déjà fragilisées par la baisse de fréquentation provoquée par la crise sanitaire. Pour certaines, ce serait le coup de grâce.
Les professionnels voient surtout ce projet de restriction comme contradictoire avec l’objectif de développement de la vente en vrac posé par la loi Climat et résilience, adoptée l’été dernier. Une pétition pour s’y opposer a été lancée en ligne, à l’initiative notamment de l’enseigne spécialisée dans le vrac liquide The Naked Shop.

« Cette mesure met à l’épreuve notre combat pour la réduction des déchets, ce qui nous semble inapproprié dans le contexte d’urgence climatique », indique le texte, qui a recueilli près de 33 000 signatures. Il pointe l’absurdité d’appliquer la même règle à tous les détergents, « du plus sain (savon de Marseille) au plus toxique (soude caustique) ».
« Aucun arbitrage n’a été rendu »
Contactée par Reporterre, la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de la rédaction du décret, explique que le sujet « a été identifié », et « qu’aucun arbitrage n’a été rendu » à ce stade.
Les lessives en vrac sauveront-elles leur peau ? Derrière cette question, l’enjeu est de définir dans quelles situations la vente sans emballage, avec tous ses avantages environnementaux, peut poser un problème de sécurité des consommateurs.
La remise en cause potentielle concernant les lessives et détergents trouve son origine dans un avis de l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), publié fin novembre.
Après avoir été saisie par la DGCCRF, l’agence préconisait d’exclure de la vente libre-service en vrac les produits « contenant des substances chimiques dangereuses ». Elle s’inquiétait des emballages utilisés, pas forcément adaptés à recevoir des produits chimiques, et de l’absence d’étiquetage.
Pour les lessives, les professionnels balaient cet argument. « Ces produits sont vendus en vrac en libre-service depuis dix ans sans accident ni problème de sécurité identifié », dit Célia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac. Elle assure que les magasins de vrac proposent généralement des bidons réutilisables et fournissent des étiquettes avec les avertissements de sécurité.