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Climat

Lancement d’Alternatiba : « Si l’alternative est possible, qu’est-ce qu’on attend ? »

En partenariat avec Reporterre, le mouvement socio écolo Bizi ! organise, le 6 octobre 2013 à Bayonne, le village Alternatiba, démonstration pratique d’un autre monde possible, respectueux de la planète, juste socialement et joyeux. L’équipe s’est réunie début mai pour lancer la préparation. L’idée : « Si l’alternative est possible, qu’est-ce qu’on attend ? »


-  Reportage, Bayonne

Au moins 450 bénévoles sont attendus le 6 octobre dans le centre historique de Bayonne pour y ériger le village Alternatiba (« alternative » en langue basque), microcosme idéal censé présenter des alternatives concrètes au réchauffement climatique. Un programme d’ampleur dont le chantier a débuté le vendredi 3 mai sur les bords de la Nive, au siège de la Fondation Manu Roblès Arangiz, local militant du syndicat basque ELA et repère de l’association organisatrice Bizi !

Une vingtaine d’heures de réunions au pas de charge, ponctuée de repas partagées, histoire de donner le ton d’une rigueur de travail baignant toujours dans la convivialité. Les 232 adhérents de Bizi ! sont habitués au pragmatisme, y compris pour décliner de copieux ordres du jours en chantiers concrets. En fond, le milieu militant basque clame depuis des décénies : «  besta bai, borroka ere bai ». « la fête, oui, la lutte aussi ».

Montre en main, Yannick distribue les temps de paroles, que des mains réclament prestement. Et veille à synthétiser les idées, à valider les solutions ou à reporter les discussions techniques.

Yannick

Les chantiers s’ouvrent, se définissent et s’attribuent dans l’ambiance cadencée d’une salle des ventes. Le plan du centre ville de Bayonne se redessine en rues et quartiers dédiées à des espaces « solidaire et partage », « déchet et recyclage », « consommation responsable », « eau », « éducation à l’environnement », « transport et mobilité », « agriculture et alimentation », « animations pédagogiques », « énergie », « éco-construction », « relocalisation de l’économie », « finance éthique », « économie soutenable », « biens communs et culture », « climat et international », et lieux de concerts, d’animations, de conférences. Les décisions s’adjugent au rythme effréné de mains qu’on agite façon marionnettes, comme pour acquiescer également au brin de folie qui anime cette périlleuse entreprise. Pour autant, aucun Ingénieux Hidalgo ne charge d’éolienne. « Nous voulons démontrer que des alternatives sont possibles, que ce n’est pas utopique », explique Barth, jeune militant de Bizi ! « Ce qui est utopique, c’est de continuer à consommer plusieurs planètes », inverse t-il.

Barth

Le village des alternatives sera joyeux et festif. Mais pas question d’organiser un festival de bonnes intentions. Plutôt de poser des actions concrètes et de susciter des réactions individuelles ou collectives en chaîne «  en démontrant qu’il est simple de combattre le réchauffement climatique en créant, en plus, une société meilleure », pose Txetx Etcheverry, l’un des fondateurs de Bizi !

Rebondir sur le prochain rapport du GIEC sur le climat

Balayée, l’image de « peines à jouir » ou « prônant le retour à la bougie ». « C’est tout le contraire, ajoute Txetx, nous allons montrer qu’une ville libérée de la bagnole et livrée à l’imagination des gens peut-être géniale. » A un moment crucial sur le calendrier de la planète, puisqu’il suivra de quelques jours, la publication du nouveau rapport du GIEC (prévu fin septembre), dont on n’attend aucune lecture optimiste. Autant dire que ce rapport, censé tirer la sonnette d’alarme, « peut aussi avoir l’effet inverse et démoraliser les gens, ou les entraîner dans un déni », analysent les membres de Bizi ! « Alternatiba 2013 pourrait servir à poser la question : si c’est possible, qu’est-ce qu’on attend ? », conclut Txetx, sous les gestes fulminants de Yannick.

Txetx

Au-delà d’une prise de conscience individuelle, Alternatiba prendra garde à « ne pas culpabiliser les gens ». Et à frapper plutôt là où l’on gagne le plus de degrés et de justice sociale : dans les pratiques collectives et industrielles. D’accord pour prôner une « consommation responsable, mais, ajoute Txetx, en empêchant le commissaire-priseur d’adjuger le débat, les gens sont-ils seuls responsables de leurs déchets ? » « On laisse toujours à l’écart l’industrie. Personne n’impose aux industriels de fabriquer des choses durables, comme si tout était dans le choix des consommateurs et dans leur culpabilité », étaye t-il en dépassant déjà le temps de parole alloué.

Le 6 octobre, à sept mois des élections municipales, Bizi ! veut mettre l’accent sur les initiatives municipales, en soufflant le chaud et le froid. En mettant d’abord à l’honneur des villes ou des communautés de communes qui ont fait des choix innovants, comme Montdidier, dont l’électricité est en régie municipale, les « Villes en transition », comme Salies de-Béarn, Perpignan ou Marseille, la communauté de communes du Mené ou encore des communes comme Toulouse et Bordeaux qui organisent le transport propre des enfants sous l’intitulé enfantin « carapatte et caracycle ». Avant de dénoncer et d’agiter les foules pour pointer les mauvais élèves qui prétendent à la première magistrature de la cité. Une « boîte à outils municipale pour la transition écologique et énergétique » fait déjà office de carotte sur le site de l’association socio-écolo. Et d’aide réelle aux mairies.

Mais d’autres initiatives collectives ou systémiques sont aussi concernées, comme par exemple le réseau des Amap, très dense au Pays Basque, ou encore les monnaies complémentaires, notamment l’Eusko au Pays Basque qui depuis sa création en janvier dernier, est déjà devenu la monnaie locale la plus importante de l’hexagone par le nombre de prestataires engagés dans la démarche.

Anne-Sophie, qui travaillait dans une banque, a retourné le canon de son fusil en prenant en charge la coordination de l’amap du Petit Bayonne et en s’impliquant dans la démarche de l’Eusko. Elle développera, pendant Alternatiba les projets d’économie solidaires en pensant que « tous ensemble nous sommes capables de changer les choses ».

Anne-Sophie

"Mattin m’a dit de venir"

Au centre ville historique de Bayonne, le village idéal prend forme au rythme de rêves de militants. Certains ont fait le voyage depuis la Bretagne pour apporter leur pierre à l’édifice. D’autre, comme Iban, chercheur et enseignant au Pays Basque, sont venus prêter main-forte pour des raisons aussi futiles que « c’est parce que Mattin m’a dit de venir ».

Chacun a dans la tête une première édition d’Alternatiba dans les rues de Bayonne en 2010, sous une pluie battante, que l’optimisme de Susan George peinait à dissiper. Le parrain de cette édition devait être Stéphane Hessel, disparu il y a un peu plus de deux mois. Une chaise restera vide dans ce qui devrait être un retour radieux dans une cité médiévale qui connaissait dans chaque rue son lot de vie, d’ateliers et de rencontres. Habitants et commerçant du centre-ville Bayonnais devrait ainsi profiter de la fête. A condition que Yannick trouve le responsable de cette mission.


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