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Agriculture et climat

Le changement climatique va bouleverser le monde du vin

Menaces sur le vin, le livre de Valérie Laramée de Tannenberg et d’Yves Leers, est aussi limpide qu’un vin de Loire, aussi honnête qu’une bouteille de Bourgogne, et il est passionnant. Il décrit brillamment les bouleversements que va entraîner le réchauffement climatique sur « la dive bouteille ».

Un printemps doux et pas trop humide ; juste ce qu’il faut de pluie au printemps, un soleil généreux tout au long de l’été, une arrière-saison de rêve pour les vendanges : le millésime 2015 devrait être remarquable voire exceptionnel, selon les professionnels.

A dire vrai, l’exceptionnel l’est de moins en moins dans le domaine viticole. Malgré le réchauffement climatique, les bonnes années sont de plus en plus fréquentes. « Le réchauffement a, jusqu’à présent, donné un sérieux coup de pouce aux professionnels », reconnaissent Valérie Laramée de Tannenberg et Yves Leers dans Menaces sur le vin. Les défis du changement climatique. Pour preuve, les résultats d’une équipe de chercheurs américains qui a analysé l’évolution du climat, de la productivité et de la qualité d’une trentaine de régions viticoles dans le monde (y compris françaises) entre 1950 et 1990. Leur conclusion est sans appel : dans la plupart des régions (25 sur 30) les notes des vins attribuées se sont nettement améliorées au cours de ces quarante années. Donc, « plus il fait chaud, meilleur c’est ».

Comme si une sorte d’optimum avait été atteint

Une autre étude va dans le même sens. Elle a été menée par deux agronomes qui ont croisé la teneur en sucre de Pauillac (une indication indirecte de l’ensoleillement de l’année) et les notes attribuées à des Haut-Médoc voisins tout au long du XXe siècle par le même cabinet de courtage (dont on suppose qu’il a conservé les mêmes critères de choix). Résultat : au fil des années, le taux de sucre augmente et avec lui la qualité des vins. Conclusion de certains viticulteurs : le réchauffement climatique est un « bon problème ».

Il n’est pas sûr qu’ils aient raison, nuancent les auteurs. Si jusqu’à présent la hausse des températures a globalement profité au vignoble, la suite, comme le laissent craindre plusieurs indices, s’annonce incertaine comme si une sorte d’optimum avait été atteint.

C’est ici que le livre, aussi limpide qu’un vin de Loire, aussi honnête qu’une bouteille de Bourgogne, devient passionnant. En Aquitaine, écrivent les auteurs, la hausse des températures va se traduire par la production de « vins déséquilibrés, moins structurés, trop alcoolisés, et de vieillissement prématuré ». En Bourgogne c’est à une migration du vignoble vers le Haut-Beaujolais que l’on va assister tandis que la culture de la vigne est « menacée » dans le Languedoc-Roussillon. Seule la Corse, échapperait au désastre.

À l’étranger, l’avenir n’est pas plus rose. En Espagne, qui abrite le plus vaste vignoble du monde, il va falloir « délocaliser » les vignes vers les Pyrénées et leur fraîcheur. Cap au nord également pour les vins italiens, s’ils veulent survivre à la hausse des températures et à la raréfaction en eau, et cap au sud pour les vins argentins et chiliens qui vont devoir affronter d’ici une vingtaine d’année la concurrence brésilienne et mexicaine, grands gagnants dans l’hémisphère sud du dérèglement climatique.

Il faudra changer les pratiques culturales

Dans l’hémisphère nord également la redistribution des cartes s’annonce profonde. La Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas vont faire leur retour dans le monde viticole et tailler des croupières aux producteurs traditionnels. Des nouveaux venus il en surgira d’ailleurs de régions inattendues dans le monde : du Canada, d’Inde, de Tasmanie, en Australie, de Nouvelle-Zélande tandis que, dans l’hémisphère nord, l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne vont peser de plus en plus.

Pour les vignobles traditionnels, écrivent les auteurs, le pire n’est pas certain s’ils s’adaptent. Sans doute faudra-t-il changer de pratiques culturales, irriguer certaines vignes (c’est déjà le cas), réduire les intrants qui détruisent peu à peu le sol, apprendre à faire du feuillage un allié contre le soleil, diversifier les variétés, réhabiliter et réintroduire des cépages oubliés ou interdits, repenser le système français des AOC, coloniser de nouveaux espaces, expérimenter d’autres techniques de vinification… Et privilégier le bio. A ce prix là, concluent les auteurs, « en France la vigne et le vin ont encore de beaux jours devant eux ». Au moins dans les prochaines décennies.


-  Menaces sur le vin. Les défis du changement climatique, Valérie Laramée de Tannenbert et Yves Leers, Ed. Buchet Chastel, 122 pages, 12 €.

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