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ReportageDéchets nucléaires

Le projet de piscine radioactive à La Hague vivement contesté

Usine de retraitement de La Hague.

Le projet d’EDF de construction d’un nouveau stockage en piscine de déchets nucléaires soulève une contestation inédite en Normandie. Un collectif contestataire vient de naître et sa première réunion publique a fait salle comble le 7 janvier.

Jobourg (Cotentin), reportage

Située à 200 mètres du centre de traitement des déchets radioactifs de La Hague, la modeste salle des fêtes de Jobourg a fait le plein vendredi 7 janvier, laissant même du monde à la porte. Si les conditions sanitaires limitant la capacité d’accueil y sont pour quelque chose, l’affluence de cette première réunion publique du collectif Piscine Nucléaire EDF Stop a étonné, dans un territoire où d’ordinaire les habitants contestent peu, voire pas, la question nucléaire. « Environ quatre-vingts personnes ont assisté à la réunion vendredi et près de soixante-dix le lendemain, dit Delphine Giraud, membre du collectif, qui habite dans une commune voisine. J’en suis très contente, je reprends espoir. Le collectif n’a été créé qu’il y a un mois, mais là je crois que les gens en ont assez ! »

La contestation est née des réunions publiques qui se sont tenues précédemment à Beaumont-Hague et aux Pieux, organisées par les décideurs du projet, qui ont par moments été houleuses. Des représentants d’EDF, de l’État, de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) y ont présenté le projet de piscine aux habitants en leur laissant l’impression que tout était acté, et que la concertation annoncée n’était qu’une façade à peine voilée.

Charles Boilley, président de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), a longuement détaillé le projet et ses failles, notamment techniques. © Guy Pichard/Reporterre

Une piscine qui fait des vagues

Dans une région déjà ultra-nucléarisée, la contestation de la construction d’une nouvelle piscine EDF d’entreposage de combustibles usés sur le site d’Orano La Hague peut étonner. Elle traduit le ras-le-bol d’habitants voulant autre chose que du nucléaire pour leur région. « Pendant longtemps, La Hague était considérée comme la poubelle de la France et mes prédécesseurs ont réussi à rectifier cela, notamment avec le tourisme, explique Manuela Mahier, maire de La Hague. Malgré les discours de façade, en étudiant les documents souvent très techniques, on constate que le projet est établi et notamment que le choix du site a été effectué sans concertation. »

Vendredi, les membres du collectif, les habitants du secteur et même les élus partageaient le même sentiment : on leur impose ce chantier. D’abord pressenti à la centrale de Belleville-sur-Loire, comme l’avait révélé Reporterre, le projet de piscine a fait face à une mobilisation victorieuse dans le Cher et a donc été délocalisé à... La Hague.

Lors de la réunion du 7 janvier 2022. © Guy Pichard/Reporterre

Pourtant, le site normand sature déjà de déchets nucléaires et ses piscines de stockage de combustibles usés à Orano La Hague arrivent à saturation. Derrière le mot « piscine » se cache en fait un chantier énorme d’un coût de 1,5 milliard d’euros pour EDF : dix ans de travaux minimum pour une mise en service prévue en 2034, 6 500 tonnes de combustibles usés à entreposer, un bloc-usine de 200 mètres de long pour 100 mètres de large et 25 mètres de haut, entre 300 et 500 ouvriers sur le site, un trafic routier qui explosera pour les riverains et une dangerosité de la zone encore accrue. « Durant les réunions précédentes, certains arguments étaient presque comiques, explique un habitant de Jobourg. On nous a dit que ce chantier n’allait pas faire de bruit ou encore que les projecteurs lumineux allaient être inversés pour ne pas gêner les habitations. Ils nous prennent pour des cons. »

Fort de sa centaine de membres et de ce week-end réussi, le collectif continuera d’agir. Il a notamment décidé d’occuper les trois prochaines réunions de concertation, d’organiser une nouvelle réunion publique ou encore des veillées à domicile dans les villages voisins. En attendant d’autres actions plus spectaculaires ? « Nous espérons faire capoter le projet », conclut un autre riverain.

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