Le sable, enquête sur une disparition

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Le sable, auquel personne ne fait attention et qu’on pourrait croire inépuisable, est une matière de plus en plus recherchée, notamment par l’industrie du bâtiment, et en danger de disparition. Le film Le sable, enquête sur une disparition, en salles le 7 février, plonge dans cette problématique et les enjeux de cette ruée mondiale.
Le sable qu’on foule du pied en marchant la plage est-il réellement une matière banale ? Est-il en quantité infinie ? Au delà des côtes, quel est son véritable impact sur nos vies ? C’est à ces questions que Denis Delestrac répond dans un documentaire intitulé Le sable, enquête sur une disparition. Avec une approche systémique, il permet de faire des liens et de comprendre la problématique et les enjeux de cette véritable ruée mondiale vers le sable.
L’investigation nous mène aux quatre coins de la planète, recueillant images, témoignages, expertises de représentants d’ONG, de scientifiques, d’industriels. Il s’avère que ce grain insignifiant, auquel personne ne prête attention ni ne protège est pourtant le « héros invisible de notre époque » comme l’explique le géologue britannique Michael Welland.
Du verre aux cosmétiques en passant par les peintures, les plastiques, les minéraux stratégiques de tous les outils de connectique (puces des ordinateurs, téléphones, etc .), il est partout, comme l’air qu’on respire sans s’en apercevoir. C’est le bâtiment qui en absorbe le plus, avec notamment l’industrie du béton, devenu le matériau de construction dominant sur la planète.
L’auteur montre alors comment le développement urbain accroit la demande à tel point que le sable, bien que bon marché, devient un matériau rare ! 200 tonnes pour une maison moyenne, 3000 pour un bâtiment comme un hôpital, 30 000 pour 1 km d’autoroute, 12 millions pour une centrale nucléaire, au total 40 milliards de tonnes et 70 milliards de dollars d’échanges par an. Voilà qui donne la mesure de l’usage.
Ou la démesure comme le développement ahurissant de Dubaï et de ses îles artificielles ou celui de Singapour qui en quelques décennies a vidé de son sable les littoraux alentours.

Aujourd’hui les Etats affichent des politiques de restriction : cela entraîne l’organisation de trafics par des mafias, comme en Inde où elles orchestrent l’industrie du bâtiment, ou au Maroc où des marinas se construisent à tour de bras.
Mais d’où vient tout ce sable ? Pas du désert, dont les grains érodés par le vent ne sont pas appropriés à la construction. Il provient majoritairement des littoraux et des fonds marins. De plages où Delestrac suit de pauvres bougres chargeant des mules de sacs de sables grattés à la force du bras. Ou de fonds marins raclés industriellement par de puissantes flottes de multinationales. Ce pillage écologique aux conséquences économiques et sociales est une bombe à retardement.
Infographies à l’appui, le cycle du sable est expliqué clairement, de la roche montagneuse à la plage, tous les obstacles tels barrages, extraction en rivière, etc., finissent par engloutir les plages de la planète, celles de Floride qui dépend largement du tourisme balnéaire ou celle d’atolls comme aux Maldives modifiant le mode de vie des autochtones.
Dans un cercle vicieux, beaucoup migrent vers les villes qui ont besoin de construire, donc de sable. L’incohérence du mécanisme atteint son paroxysme lorsque la caméra s’attarde sur les bidonvilles qui s’étendent au pied d’immeubles inoccupés, inaccessibles à ces plus pauvres pour cause de spéculation immobilière.
Et de réfléchir sur ces kilomètres de routes, ces chantiers gigantesques parfois inachevés qui ne serviront à rien, sur l’urgence devant la silencieuse disparition de grains de sable par milliards. Quelles que soient les alternatives, par exemple le recyclage de matériaux pour le bâtiment elle suppose au préalable une prise de conscience et on en est loin. D’où l’intérêt de ce passionnant documentaire aux allures de thriller.

Le sable, enquête sur une disparition, Denis Delestrac, France/Canada 2013.
Pratique : ce documentaire est à voir au Festival du film d’environnement le 7 février au Cinema La clef (Paris 75005 - 19 h) et le 8 février au Cinéma des cinéastes (Paris 75017 à 19h30) où la séance est suivie d’un débat avec le réalisateur Denis Delestrac et Benoit Hartmann, de France Nature Environnement. Il est aussi disponible en VOD/DVD (1h14mn) dans la boutique d’ARTE (1h14minutes).