Les chefs d’Etat ont lancé la COP 21

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Climat : de COP en COPLundi 30 novembre, lors de l’ouverture officielle de la COP, 150 chefs d’Etat et de gouvernement se sont succédés dans les deux salles plénières du Bourget pour donner une impulsion politique à la COP. Des discours forts ont été prononcés, et des promesses financières ont été faites. Mais la tension entre pays en développement et pays riches est perceptible.
- Le Bourget (Seine-Saint-Denis), reportage
La COP 21, c’est parti ! Ce lundi 30 novembre à 10 h, dans l’une des deux salles plénières en bois massif du site du Bourget (Seine-Saint-Denis), Manuel Pulgar-Vidal, ministre de l’Environnement du Pérou président de la COP 20, a eu l’honneur d’ouvrir une journée de discours. Pas moins de 150 chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents, venus du monde entier donner l’impulsion à la grande conférence climat de Paris. Ce sommet des dirigeants au premier jour de la COP est une première dans l’histoire de la Convention-Cadre des Nations Unies pour les changements climatiques (CCNUCC). « Ce qu’on en attend, c’est un leadership politique », dit Keya Chatterjee, de l’ONG Uscan.
Il faut dire que l’enjeu est de taille. Les délégués des 195 Etats-parties de la CCNUCC disposent de onze petites journées seulement pour transformer un brouillon de négociation de 55 pages bourré de propositions contradictoires, en un accord « différencié, juste, durable, dynamique, équilibré [et] juridiquement contraignant », comme l’a souhaité le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dans son discours d’ouverture. L’objectif est de limiter le changement climatique à 2°C d’ici la fin du siècle, par rapport à l’ère préindustrielle. Alors que de nombreux points de tension subsistent entre les pays – sur l’objectif de long terme, le montant des financements climat aux pays pauvres les plus impactés par les changements climatique, la mise en place d’un mécanisme de révision des engagements de chaque pays en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, entre autres.
« La solidarité climatique doit progresser »

A l’issue de la première journée, la mission des chefs d’Etat et de gouvernement semble accomplie. Laurent Fabius, à peine élu président de la COP 21, a souhaité que le futur accord de Paris soit suffisamment ambitieux pour « qu’à l’horizon 2100 la température, du fait des émissions de gaz à effet de serre, ne s’élève pas de plus de 2°, voire 1,5°, par rapport à l’ère préindustrielle ». « La solidarité climatique doit encore progresser ; la mobilisation des financements et des technologies en faveur des pays du Sud également. L’accord de Paris doit être aussi un pacte pour la justice et contre les inégalités », a-t-il ajouté.
Le discours de François Hollande, président de la République, a été tout aussi vigoureux. « Jamais l’enjeu d’une réunion internationale n’avait été aussi élevé puisqu’il s’agit de l’avenir de la planète, l’avenir de la vie », a-t-il affirmé. Avant de mettre lui aussi l’accent sur la justice climatique (« Comment accepter que ce soit les pays les plus pauvres, ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre qui soient les plus vulnérables ? ») et la nécessité de limiter le réchauffement climatique « en dessous des 2°C, ou 1,5°C si possible ».

Mains tendues vers les pays en développement
Ces déclarations liminaires n’ont rien d’anecdotique. Les pays en développement n’accepteront de signer le futur accord de Paris que s’il reste fidèle au principe de « responsabilité commune mais différenciée » inscrit dans la CCNUCC - c’est-à-dire s’il reconnaît que les pays industrialisés sont historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre et du changement climatique actuel, et qu’ils doivent en cela soutien technologique et financier aux pays en développement « innocents » mais lourdement impactés par les dérèglements du climat.
D’autres dirigeants ont abondé dans ce sens. « Nous nous engageons à déployer des ressources pour que les pays en développement évitent de de passer par la phase polluante du développement », a déclaré Barack Obama, président des Etats-Unis.

« Le changement climatique est une responsabilité qui nous incombe, a reconnu la chancelière allemande Angela Merkel. L’Allemagne participera à de nombreux programmes de recherche sur les énergie propres et d’aide aux pays les plus pauvres ».
De nouveaux engagements financiers
Autre point positif, les dirigeants des pays développés ne se sont pas contentés de belles paroles. L’Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Canada, le Danemark, la Suède, l’Irlande, la Suisse, l’Italie et la Finlande se sont engagés à verser 248 millions de dollars au Fonds des pays les moins avancés, qui joue un rôle clé dans l’aide à l’adaptation de ces territoires particulièrement vulnérables. Barack Obama a promis par ailleurs d’annoncer un nouvel objectif de financement dès mardi. Malcolm Turnbull, premier ministre australien, a déclaré qu’il allait mobiliser « un milliard de dollars au moins sur les cinq années à venir pour aider les pays vulnérables à faire face au changement climatique ». La Nouvelle-Zélande a offert un « soutien de 200 millions de dollars dans les quatre prochaines années, qui profiteront surtout à [ses] voisins du Pacifique ».
Les pays en développement ne relâchent cependant pas la pression. « L’adaptation reste la priorité pour le gouvernement djiboutien, a rappelé Ismail Omar Guelleh, président du Djibouti. Nous sommes déjà confrontés à des catastrophes climatiques, à des rendements écologiques faibles, etc. Il faut que les financements soient équilibrés entre atténuation et adaptation. Nous sommes inquiets devant la tendance actuelle, décrite dans le dernier rapport de l’OCDE, de seulement 17 % des financements destinés à l’adaptation - ce qui est largement insuffisant. »

« Ce montant des 100 milliards devra être revu à la hausse »
« Les pays développés devront être à la hauteur de leurs engagements, mobiliser 100 milliards de dollars en 2020 et apporter un soutien financier accru au-delà. Ils doivent aussi organiser des transferts de technologies en faveur des plus vulnérables », a martelé Xi Jinping, président de la Chine. « Ce montant de 100 milliards devra être revu à la hausse », a appuyé Issoufou Mahamadou, président du Niger.
D’autres points cruciaux des négociations ont été abordés par les chefs d’Etat, comme l’adoption d’un mécanisme de révision des engagements nationaux, tous les cinq ans environ. A l’heure actuelle, les feuilles de route remises par 180 pays, dans lesquelles ils détaillent leurs engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, nous situent dans une trajectoire de réchauffement de 3°C environ d’ici la fin du siècle. Bien au-dessus des 2°C visés. « Il faudra nous fixer un horizon de long-terme, prévoir une évaluation régulière de nos progrès au regard des dernières conclusions de la science, et mettre en place un mécanisme de révision à la hausse de nos engagements, avec des rendez-vous tous les 5 ans », a rappelé François Hollande. « Les mécanismes d’ambition dont il faut nous doter devront être contraignants, a appuyé Angela Merkel. Nous savons que les objectifs doivent être renforcés et pas diminués, tous les cinq ans ». Mais ce mécanisme n’a pas été évoqué ni par les Etats-Unis, ni la Chine.
Négociations... et business

Les dirigeants ont également fait la part belle à la société civile – du moins dans sa composante des entreprises. Barack Obama a lancé sa « mission innovation », un programme d’investissements de près de 20 milliards de dollars d’ici 2020 dans la recherche pour les énergies propres, rassemblant une vingtaine de pays dont la France. L’Inde a donné le coup d’envoi de l’Alliance solaire internationale, un projet visant à développer une énergie solaire bon marché – comparé à « l’OPEP du solaire » par Matthieu Orphelin, de la Fondation Nicolas Hulot.
Que pensent les ONG de cette première journée ? « Ce matin, Laurent Fabius et François Hollande ont ouvert la COP avec des mots qu’on peut qualifier de très forts, a apprécié Célia Gautier, du Réseau Action Climat (RAC). François Hollande a insisté sur la notion de justice climatique, en réponse au Premier ministre Modi et à l’Inde, inquiète de l’équité de l’accord. » Pour Romain Benicchio d’Oxfam, les promesses pour le Fonds des pays les moins avancés « peuvent créer des conditions de négociations plus positives ». « Aujourd’hui, l’objectif de la France de créer un climat de confiance a été atteint, s’est réjoui Pierre Cannet, du WWF France. Maintenant, cette confiance doit se traduire dans les négociations. »
En effet, après leurs discours et leurs promesses, les chefs d’Etat et de gouvernement vont rentrer chez eux et passer la main aux équipes techniques, qui devront rendre un projet d’accord jeudi soir. On saura donc très vite si le sommet des dirigeants mondiaux aura porté ses fruits.