Loi Climat : la majorité rejette des amendements qui améliorent le texte

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Climat Convention citoyenne pour le climat Loi ClimatPrès de 10 % des amendements du projet de loi Climat ont été déclarés irrecevables. Ils reprenaient pourtant de nombreuses mesures de la Convention citoyenne.
« Nous avons trouvé un chemin de crête », s’est félicitée lundi 8 mars 2021 la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, à l’Assemblée nationale. Elle présentait en commission son projet de loi Climat, tant décrié par les écologistes et par les membres de la Convention citoyenne. « Moi, je ne crois pas à l’écologie du tout ou rien[...] L’ambition écologique, elle est là, l’esprit de la Convention, il est là », a-t-elle assuré face aux critiques.
Les députés ont commencé à examiner le texte lundi 8 mars dans l’après-midi et la crainte des écologistes s’est rapidement vérifiée. Nombre d’amendements déposés pour améliorer la loi ont été jugés « irrecevables » et considérés comme « des cavaliers législatifs » — une expression qui désigne des amendements hors sujet n’ayant rien à voir avec le texte étudié. Sur les trois premiers titres de la loi, plus de 10 % des amendements, tous bords confondus, ont ainsi été déclarés irrecevables. Soit près de 450 amendements selon le Réseau Action Climat
Lors du débat parlementaire, Laurence Maillart Mehaignerie, la présidente de la Commission, a justifié que « ce principe d’irrecevabilité s’appliquait de la même manière à tous les textes de loi » et qu’il n’était « pas politique, seulement juridique ». « Il n’y a pas lieu de polémiquer », a-t-elle ajouté dans un entretien aux Échos.
Les associations écologistes ne font pourtant pas le même constat. Elles dénoncent une manœuvre de la majorité pour éluder le débat et créer un nouveau filtre. Pour les Amis de la Terre, « les députés sont censurés dans leur droit d’amendement sur des mesures clés ». Dans un communiqué, Oxfam dénonce « un scandale » qui s’apparente à « un refus du débat démocratique et un dévoiement de nos institutions ». L’association Greenpeace évoque quant à elle « une débâcle ».
Mais qu’en est-il exactement ? Reporterre fait le point.
Les amendements sur l’éco-conditionnalité des aides publiques, déposés par 9 groupes différents et 90 députés, dont des membres de LREM, ont tous été déclarés irrecevables. En commission, Émilie Cariou, une députée ex-LREM, a rappelé que « la mesure était pourtant cohérente avec la proposition de la Convention citoyenne ».
Les amendements qui visent à fixer une trajectoire de réduction des émissions de CO2 pour les multinationales ont connu le même sort. Ceux voulant rehausser l’ambition de passer de - 40 à - 55 % de baisse des émissions d’ici 2030 également. Alors qu’il s’agit simplement de respecter les récents objectifs que s’est fixée la France. Les amendements sur la fin aux aides à l’export pour les énergies fossiles n’ont pas pu, eux non plus, être débattus.
Le taux d’irrecevabilité des amendements de la France Insoumise sont de l’ordre de 67 %
Certains groupes parlementaires ont été particulièrement visés. Tous les amendements portés par la France insoumise sur l’eau et sur la forêt ont été jugés irrecevables. Ils reprenaient pourtant des propositions de la Convention, comme l’interdiction des coupes rases.
Paula Forteza, une ancienne députée LREM qui avait rejoint l’éphémère groupe parlementaire « Écologie démocratie et solidarité », a fait le calcul. « Dans le détail, les amendements des groupes d’opposition sont plus rejetés que ceux de la majorité », note-t-elle. Le taux d’irrecevabilité des amendements de la France Insoumise est de l’ordre de 67 %.
L'interprétation de l'irrecevabilité des amendements #PJLClimat serait-elle politique ?
À 25% d'amendements traités par les services de l'Assemblée, 40,5 % sont irrecevables.
Dans le détail, les amendements des groupes d'opposition sont plus rejetés que ceux de la majorité. pic.twitter.com/aFU5ueA4Zs
— Paula Forteza (@PaulaForteza) March 8, 2021
Les amendements portés par les écologistes Matthieu Orphelin ou Delphine Batho sont également nombreux à avoir été considérés comme des cavaliers législatifs.
Le 25 février dernier, Barbara Pompili avait pourtant déclaré à Reporterre qu’ « elle n’accepterait aucun amendement qui baisserait l’ambition de la loi ». Force est de constater qu’après une première journée d’examen, la majorité parlementaire refuse aussi ceux qui pourraient l’améliorer.
Les 150 membres de la Convention citoyenne qui se sentent trahis ne veulent pas en rester là. Soutenus par 86 associations, ils ont appelé à manifester dimanche 28 mars pour « une vraie loi climat ». La bataille ne fait que commencer.
- Source : Gaspard d’Allens pour Reporterre
- Photo : Flickr