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Tribune

Pour un état de la démocratie dans le monde

"La publication de l’État de la démocratie dans le monde aiderait à contrer le discours dominant qui laisse entendre qu’il suffit qu’un pays ait des élections pour qu’il soit démocratique.“


L’état de la démocratie dans le monde

Démocratie : y a-t-il un mot plus galvaudé dans nos sociétés ? Chaque année, les Éditions La Découverte publie L’état du monde. Si une série semblable s’intitulait : L’état de la démocratie dans le monde, cela contribuerait à une prise de conscience sur la réelle signification de ce mot et à l’amélioration de la santé de nos démocraties. En outre,cela serait gênant pour les pays qui se classeraient dans les derniers rangs. Le désir que son pays se classe premier serait bien la compétition la plus utile et la plus saine au monde.

Déjà le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publie l’indice de développement humain (IDH). L’État de la démocratie dans le monde, avec l’Indice démocratique, serait un complément à l’IDH et irait plus loin dans la concrétisation d’un outil au service des peuples du monde.

Une équipe de chercheurs de par le monde, complètement indépendants de tous intérêts financiers, contribuerait à l’élaboration de cet indice en choisissant des critères précis. Des mesures déjà existantes comme ceux de GINI ou Theil portant sur les inégalités pourraient y être intégrées. Plusieurs associations, - Amnistie internationale, Fédération internationale de la Ligue des droits de l’homme, etc – ont déjà une grande expertise sur certains facteurs et pourraient être mises à contribution. Chacun des facteurs serait pondéré en regard de son importance pour le mieux-être collectif, ce qui est par définition l’essence de toute démocratie. Cet indice démocratique servirait à évaluer la santé démocratique des pays. Même si, pour débuter, cet indice comprenait uniquement dix facteurs importants, ce serait déjà un grand accomplissement

L’ONU serait vraisemblablement l’organisme qui aurait les ressources nécessaires pour chapeauter le tout et publier cela à intervalle d’un an ou trois ans...

Voici quelques exemples de critères qui permettrait d’évaluer l’état démocratique d’un pays.

• une constitution définissant clairement le mandat des gouvernants à savoir garant du bien commun, le juste équilibre des pouvoirs, les droits des citoyens
• les élections
• le financement des partis politiques
• le mode de scrutin
• le juste équilibre des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
• le respect des droits humains
• l’accueil et l’intégration des immigrants
• des médias diversifiés et indépendants les uns des autres
• la liberté des journalistes pour enquêter et informer des vrais enjeux
• les inégalités
• le système fiscal
• les mesures contre l’évasion fiscale
• la coopération avec les autres pays pour l’abolition des paradis fiscaux
• l’espérance de vie des citoyens
• l’accessibilité aux soins de santé par les citoyens
• l’accessibilité aux médicaments
• l’accessibilité aux études
• l’accessibilité à un logement décent
• les mesures favorisant la souveraineté alimentaire
• le % du revenu que doivent consacrer les gens à la nourriture
• le contrôle des ressources naturelles au bénéfice des citoyens par les pouvoirs publics
• le respect de l’environnement dans les différents secteurs d’activités économiques.
• la réglementation du système bancaire
• la capacité pour les citoyens de se prononcer par référendum sur des lois importantes
• l’obligation de faire un référendum avant toute privatisation, même partielle, d’un bien ou service public
• La capacité pour les citoyens de révoquer un gouvernement qui ne respecte pas son mandat de gardien du bien commun.
• Etc.

Des critères bien définis, bien expliqués, bien pondérés, permettraient aux électeurs d’être mieux informés des caractéristiques d’une saine démocratie. Tout comme en réunissant les morceaux d’un casse-tête on voit apparaître l’ensemble du tableau, en regroupant ensemble ces caractéristiques sous l’État de la démocratie, cela dresserait un portrait concret, dessinerait le visage réel de la démocratie. Le mot démocratie prendrait alors toute sa signification et toute sa force.

En outre, ce livre pourrait en quelque sorte servir de guide aidant à mieux discerner si les choix proposés par un parti favorisent le bien commun.

La publication de l’État de la démocratie dans le monde aiderait à contrer le discours dominant qui laisse sous-entendre qu’il suffit qu’un pays ait des élections pour qu’il soit démocratique. L’oligarchie et les médias à leur service ont tout intérêt à renforcer cette croyance, évitant ainsi la remise en question de leur pouvoir démesuré et abusif. Exemple : quels journaux, notamment aux États-Unis, remettent en question le mode de financement des partis, mettent en relief le lien directement proportionnel entre inégalités et démocratie, entre injustice fiscale et démocratie ?

Évidement il faut s’attendre à ce que les forces dans nos sociétés dont les intérêts vont à l’encontre de l’intérêt général, mettent leurs pouvoirs et leurs milliards (et ils en ont beaucoup) pour contrecarrer tout projet en ce sens. Pas ouvertement bien sûr. Ils vont trouver toutes sortes d’arguments fallacieux. Le premier en liste serait : c’est utopique.

A première vue, cela peut paraître utopique. Pourtant combien de temps et d’argent sont mis pour évaluer toutes sortes de choses complexes et souvent futiles dans notre société qui sont pas mal moins cruciales que la démocratie. Est-ce que la santé de notre démocratie serait moins importante ?

Le plus grand danger que courent riches et puissants est bien que les citoyens de plusieurs pays du monde réalisent que pendant leur sommeil ils se sont fait voler la démocratie. S’il fallait que ce réveil arrive au Québec, au Canada, aux États-Unis, le risque d’imiter le courage des peuples du Moyen-Orient pourrait devenir sérieux.


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