Près de Toulouse, les citoyens combattent un projet de centre commercial

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À Plaisance-du-Touch, près de Toulouse, se prépare la construction d’un gigantesque centre commercial. Encore du béton ? Non, Val Tolosa se présente comme « un pôle loisir tourné vers la consommation » certifié "haute qualité environnementale". Mais derrière la communication officielle se cache un projet destructeur, inutile, anti-écologique et qui cristallise une opposition très diverse mais déterminée. Une manifestation se déroule aujourd’hui.
Envoyé spécial, Plaisance-du-Touch (Haute Garonne)
C’est en décembre 2005 que naît le projet des Portes de Gascogne, centre commercial géant visant à desservir l’ouest toulousain. Implanté sur un espace de 115 000 m², dont 60 000 m² de surface de vente, il est porté par le maire PS de la commune de Plaisance-du-Touch, Louis Escoula, pour qui « il est inadmissible que les habitants doivent faire plus de 25 minutes en voiture pour aller faire leurs courses ».
Le projet de Zone d’Aménagement Concerté se pose sur le plateau de la Ménude, espace de quarante hectares situé entre les communes de Plaisance-du-Touch, Tournefeuille et Colomiers. D’abord porté par un groupe américain, c’est le numéro 1 des promoteurs immobiliers, Unibail-Rodamco, qui le récupère.
L’objectif : un gigantesque centre commercial, avec près de 150 boutiques et plus de 4 000 places de parking, avec à la clef 2 000 emplois pérennes annoncés (1 600 équivalents temps plein) pour 250 millions d’euros. Mais l’opposition est vive et rapidement, un collectif de riverains et de citoyens se constitue.

Sur le marché de Tournefeuille, Michel Leterrier, vice président du collectif Non à Val Tolosa / Portes de Gascogne se remémore les premières actions : « Nous avons obtenu une première victoire dès 2007 devant le Conseil d’Etat » sur l’éloignement des autres centres commerciaux. Et effectivement, sur la zone même du chantier de Val Tolosa, un panneau nous dirige vers la grande surface la plus proche. Jutta Dumas, présidente du collectif, confime : « La région toulousaine est une des plus pourvues en centres commerciaux avec 993 m² de surface commerciale pour mille habitants, quand la moyenne nationale est de 839 m² ».

Après la première victoire, le collectif est rejoint par l’association des commerçants de Tournefeuille : « Il y a déjà une offre conséquente de supermarchés dans la région, explique Thomas Penel, son président, alors que certains distributeurs reviennent à des commerces de taille humaine ». Si l’opposition n’est pas majoritaire selon les sondages commandés par le promoteur, un vaste mouvement de citoyens condamne le projet.
Mais un deuxième recours au Conseil d’Etat est cette fois favorable au promoteur. Celui-ci dépense alors son énergie dans sa communication et … change tout bonnement le nom du projet. Terminées les Portes de Gascogne, voici Val Tolosa.
Et subitement, il est question d’environnement, d’un centre commercial certifié HQE (haute qualité environnementale) et BREEAM (construction durable), de consommation haut de gamme, avec accueil VIP, et en soirée des « dining experiences ». Le site officiel du projet affiche l’ambition de « réconcilier loisirs, nature et commerces ». « Avec leur novlangue, on croirait qu’ils sont plus écologistes que nous ! » rage Michel Leterrier.
Protéger les grenouilles avec des bulldozers
Mais pour « planter les 2 000 arbres » (sur les parkings), « récupérer les eaux pluviales » (une obligation légale), il faut d’abord faire table rase des 115 000 m² du plateau de la Ménude. « Ils veulent protéger les grenouilles avec des bulldozers ! » déplore Marie, une riveraine. Nous ne saurons pas ce qu’en pensent le promoteur et le maire de Plaisance-du-Touch : ils n’ont pas donné suite aux demandes d’entretien de Reporterre.

En balade sur le plateau, avec Fabien, habitant de La Salvetat , nous découvrons le chantier déjà installé. « Avant même d’attendre fin novembre la décision du tribunal sur le permis de construire, ils ont tout détruit il y trois semaines » remarque-t-il. Repoussée successivement depuis 2007, l’ouverture est aujourd’hui prévue pour 2016. D’ici là, restent encore quelques recours, qui n’ont pas été tranchés en justice.
Ainsi, l’arasage de la zone a été fait sans dérogation pour la destruction de certaines espèces protégées, comme la renoncule à feuilles d’Ophioglosse ou le trèfle écailleux. De plus, le sort de la route départementale qui traverse la zone et qui doit être déviée est toujours entre les mains du Conseil Général, qui n’a toujours pas pris de décision. Et sans route, pas de commerce actif.

Renoncule à feuilles d’ophioglosse -
Début octobre, c’est le maire de Toulouse, Pierre Cohen, annonçait qu’il « s’opposerait tant qu’il le peut » à ce projet. Alors, pour tenter une dernière fois de stopper la machine, le collectif organise une grande marche ce samedi 9 novembre, au départ du plateau de la Ménude jusqu’à la préfecture de Toulouse afin d’interpeller la population et montrer que rien n’est inéluctable.
Fabien confie : « Le fond de l’affaire est que c’est un moyen facile de renflouer les caisses de la commune de Plaisance. » Et Jutta de conclure : « Des grandes surfaces, des emplois précaires, est-ce vraiment l’avenir que nous voulons ? »
Si le collectif ne souhaite pas promouvoir telle ou telle solution, tous s’opposent à celle d’un centre commercial. « On n’est pas contre tous les centres commerciaux, mais celui-là ne sert vraiment à rien », dit une habitante de Plaisance. Et puis les idées circulent quand même, comme celle proposant de reproduire l’initiative équatorienne (aujourd’hui avortée) Yasuni ITT.
Jutta explique : « On aurait pu, avec un peu de volonté politique, faire de ce plateau un territoire protégé et financer cet espace écologique en échange d’une contribution des communes avoisinantes pour avoir préservé cet espace non bétonné dans une zone périurbaine ».
Voir en ligne le documentaire sur l’origine de la mobilisation La bataille de la Ménude (part1)