Climat et quartiers populaires
Quand les jeunes des cités parlent du climat, c’est chaud !

Durée de lecture : 4 minutes
Climat et quartiers populairesKebabs bio, arrivée massive de migrants norvégiens, romance autour d’une pétition sur la COP 21... La websérie « C’est chaud », réalisée par David Jungman, Damien Froidevaux et les jeunes de la cité de la Boissière, à Montreuil, offre un regard drôle et décalé sur le changement climatique vu des banlieues.
Cité Ramenas dans le quartier de la Boissière, à Montreuil. Deux copains discutent sur un banc, sous le soleil aveuglant de l’été. Pierre jette un papier par terre, Mickaël le dispute. Réaction immédiate : « On part pas en vacances, on n’a pas de voiture, pas d’avion, pas de bateau. On pollue pas ! De plus on n’habite même pas au bord de la mer. Donc, que l’eau, elle monte ou qu’elle descende, en vrai, ça nous dérange pas ! Et aussi ils nous cassent la tête avec leur histoire de manger bio, là ! Tu as déjà vu un kebab bio toi ? »
Ainsi commence la drôle de websérie « C’est chaud ! » des réalisateurs David Jungman et Damien Froidevaux de la société de production Entre2prises. Six épisodes de dix minutes visibles sur Youtube, un brin moqueurs, un brin fantastiques, avec « des jeunes et du climat » dedans. Au cours desquels on voit évoluer les points de vue de Pierre, Mickaël, Ziad et leurs copains du quartier sur le changement climatique.
Neige en juillet et Coca à 31 euros
D’étranges phénomènes suscitent la prise de conscience : de la neige en juillet, un Coca à 31 euros à cause de la pénurie d’eau, l’arrivée en masse de réfugiés norvégiens... Mais aussi, les leçons d’un mystérieux joueur de basket, qui raconte aux jeunes la légende du colibri et n’hésite pas à envoyer Mickaël dans un atelier du Bangladesh pour le débarrasser de son goût pour les vêtements bon marché. Ou encore, les beaux yeux d’Ornella, militante écolo revenue de Bretagne des pétitions sous le bras, dont Pierre est secrètement amoureux depuis la classe de quatrième.
Premier épisode : Le Colibri
David Jungman et Damien Froidevaux travaillent sur ce projet depuis le mois de mai. Première étape, nouer le dialogue avec les ados du quartier prioritaire de la Boissière – avec qui ils ont déjà travaillé à deux reprises – sur un sujet a priori pas évident. « Comment préserver l’avenir de la planète quand penser le sien est déjà un combat incertain ? » interrogent les réalisateurs dans la présentation de leur projet. « Quand on a commencé, les jeunes n’avaient pas entendu parler de la COP 21. Après avoir utilisé leur mouchoir, ils le jetaient par terre », confirme Hamayé Konaté, animateur jeunesse à Montreuil, qui a encadré les jeunes sur le projet. « Ils pensaient que le changement climatique était une rumeur, poursuit David Froidevaux. On a discuté, discuté, discuté : qu’est-ce que manger bio ? qu’est-ce qu’implique d’acheter des vêtements bon marché ?... »
En dépit de ces premières difficultés, les réalisateurs étaient déterminés. « On ne parle jamais des quartiers au sujet de l’environnement et encore moins du changement climatique, déplorent-ils. Pourtant, les départements les plus touchés par la canicule de 2003 ont été ceux d’Île-de-France et plus particulièrement la Seine-Saint-Denis. Les bouleversements climatiques révèlent les inégalités, en France comme dans le monde, et les accentuent. »
« Je me suis dit que je ne serais pas très crédible si je continuais à jeter des trucs par terre »
Le choix de la série s’est fait naturellement. « On s’est posé la question du format qui sensibiliserait le plus efficacement les jeunes, explique David Froidevaux. Il fallait que ce soit drôle et qu’on ne sente pas trop le message. Nous ne souhaitions pas réaliser un film militant, qui ne toucherait que les personnes déjà sensibilisées. » Une décision judicieuse, estime Pierre Bodo-Enga, 17 ans, qui campe un des personnages principaux : « Je pense que l’humour est la meilleure solution. C’est mieux de faire une série drôle sur un sujet dur. La série a plus d’influence sur les jeunes. »

Première réussite, « C’est chaud ! » a suscité une certaine prise de conscience des enjeux climatiques chez les jeunes acteurs. « Chez eux, ils éteignent la lumière. Ils essaient de recycler les bouchons en plastique pour l’opération Bouchons d’amour », apprécie Hamayé Konaté. « Je m’y intéresse plus, approuve Ornella Makaya, 17 ans, qui incarne l’écolo de la bande. En ce moment, on étudie la COP 21 en histoire. J’ai pu répondre aux questions simplement parce que j’avais tourné le film cet été ! » Pierre Bodo-Enga aussi s’est mis « à changer un peu ». « Comme les gens savaient que je faisais un film sur l’écologie, je me suis dit que je ne serais pas très crédible si je continuais à jeter des trucs par terre, rigole-t-il. Des mécanismes se sont mis en place. »
- C’est chaud ! websérie de David Jungman et Damien Froidevaux, produit par Xavier Pons pour entre2prises et Action !. Six épisodes de 10 à 12 minutes, avec Pierre Bodo-Enga, Ziad Aboubacar, Mickael Jean-Baptiste, Jérémie Mvulu Nsimba, Wesley Forest, Ornella Makaya, Hamayé Konaté,, Christophil Joseph, et les habitants des Ramenas.
Les épisodes sont visibles sur la chaîne Youtube de la série.
Le dernier épisode sera mis en ligne samedi 16 janvier.