50 % : le chiffre clé qui effraie François Hollande

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Le président de la République ouvrira vendredi matin la Conférence environnementale. Annoncera-t-il que la France se fixe comme objectif de réduire de 50 % sa consommation d’énergie à l’horizon 2050 ? C’est le seul véritable enjeu de la conférence. François Hollande y a réfléchi mercredi avec des experts de l’énergie, révèle Reporterre.
La deuxième Conférence environnementale organisée par le gouvernement se déroulera vendredi et samedi. Le président de la République aura fort à faire pour convaincre ses auditeurs, lors de son discours d’ouverture vendredi matin qu’il maintient un cap ferme sur « la transition écologique ».
Son gouvernement enchaine en effet les reculades : loi sur la transition écologique repoussée à 2014, permis d’exploration de gaz et de pétrole de schiste accordés, taxe diesel repoussée, incapacité à engager la fermeture de Fessenheim, abandon de mesures fortes sur l’obsolescence programmée, limogeage brutal de Delphine Batho sous la pression des lobbies, volonté maintenue de réaliser l’aéroport de Notre Dame des Landes, assouplissement prévu des règles environnementales sur l’élevage porcin, rejet des associations d’environnement-santé de la conférence, on en oublie.
Par quel moyen le président de la République pourrait-il faire oublier ce bilan ? Par un mot fort, un engagement symbolique lancé solennellement et projetant vers l’avenir.
Lequel ? Celui sur lequel s’est focalisé le Débat national sur la transition écologique, cet exercice compliqué qui s’est déroulé tout au long du premier semestre 2013 et qui a mis à jour les contradictions fondamentales de la politique majeure. Parmi celles-ci, énoncées dans le document de conclusion du Débat, un point central, celui qui fait le partage entre les conservateurs et les écologistes : la diminution programmée de 50 % de la consommation d’énergie à l’horizon 2050.
Il est utile de relire comment s’énonçait ce clivage. Le débat a produit plusieurs scénarios de prévision. Les scénarios qui intègrent la nécessité de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre impliquent « une réduction de 50 % de la consommation énergétique finale à échéance 2050 (par rapport à la consommation constatée en 2012) ».
Mais tout le monde n’est pas d’accord, rapporte le document de conclusion du Débat :
« Il y a débat sur la nécessité et la capacité de réduire aussi fortement la demande. Certains acteurs, dont une majorité de territoires, considèrent que cet objectif est incontournable (un tel scénario a d’ores et déjà fait l’objet d’un consensus entre tous les acteurs en Pays de Loire). D’autres le considèrent excessif car contraire à la compétitivité à court terme. Ils proposent de le ramener à un rythme moins élevé, avec une réduction minimale de - 20% à 2050, en maintenant donc une consommation d’énergies fossiles plus élevée mais en recourant dès que possible, quand elles seront disponibles, aux nouvelles technologies nécessaires, notamment aux techniques de captage et séquestration de CO2. »
En résumé : soit on s’engage dans une politique forte d’économies d’énergie et d’énergies nouvelles, soit on continue une politique de production, développant le gaz de schiste et le nucléaire.
Une réunion à l’Elysée pour préparer la Conférence environnementale
Ce clivage est très clair dans l’esprit du président. Il en a discuté attentivement, mercredi 18 septembre, en rencontrant à l’Elysée les membres du comité de pilotage du Débat. Etaient ainsi présents Laurence Tubiana, Michel Rollier, Bruno Rebelle, Thierry Wahl, Jean Jouzel et Alain Grandjean. De l’autre côté de la table, François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Philippe Martin, et quelques conseillers.
Une réunion à l’Elysée
Les visiteurs ont rappelé les principaux axes du débat, relevant qu’il y avait eu 271 points d’accord et 11 divergences, soulignant aussi, par la voix Michel Rollier, ancien dirigeant de Michelin, que de nombreuses entreprises sont favorables à la transition énergétique, dans laquelle elles voient un atout économique.
L’enjeu de la réduction de 50 % de la consommation énergétique est revenu plusieurs fois dans la discussion, le climatologue Jean Jouzel rappelant notamment que ce chiffre est cohérent avec l’objectif, inscrit dans la loi de 2005 sur l’énergie :
En effet, la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique souligne que « la lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France ». « En outre, cette lutte devant être conduite par l’ensemble des États, la France soutient la définition d’un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés ».
Alors, vendredi 20 septembre, François Hollande marquera-t-il les esprits en annonçant le nouvel objectif de la France : réduire de 50 % la consommation d’énergie en 2050 ? Ou cédera-t-il à ceux qui, comme Jean-Marc Ayrault, lui conseillent "la prudence" ?
C’est le seul véritable enjeu de la Conférence environnementale.