Reportage — Grands projets inutiles
À Angers, le parking de Christophe Béchu ne passe pas

Le 1er avril 2023, des opposants au projet de parking à Angers ont déployé de nombreuses banderoles dans la ville. - Facebook/Collectif non au parking silo Angers
Le 1er avril 2023, des opposants au projet de parking à Angers ont déployé de nombreuses banderoles dans la ville. - Facebook/Collectif non au parking silo Angers
Durée de lecture : 7 minutes
Grands projets inutiles Habitat et urbanismeÀ Angers, des riverains et des écologistes s’opposent à un parking qui sera construit près du château de la ville. Un projet lancé par l’ex-maire et actuel ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Angers (Maine-et-Loire), reportage
17 h 30, fin mars, centre-ville d’Angers. Devant l’école La Blancheraie, Franck Ozouf interpelle des parents d’élèves. « Avez-vous eu vent du parking silo de 300 places qui va être construit juste à côté ? » Le but de ce membre du Collectif non au parking silo Angers : obtenir des signatures pour demander l’abandon de ce projet « climaticide », dont l’ex-maire de la ville Christophe Béchu (Horizons), nommé ministre de la Transition écologique en juillet dernier, a pris l’initiative.
Depuis plusieurs mois, ce collectif de riverains, aidé d’associations écologistes et d’élus de gauche de la cité angevine, lutte contre la construction de ce parking aérien de quatre étages, qui prévoit aussi 100 places de vélos. Sa livraison est prévue pour 2025, pour un coût de 8,5 millions d’euros HT. Il doit être bâti à partir d’avril 2024 à l’arrière de la caserne des pompiers — dont une partie sera démolie — et à deux pas du château de la ville. La rue d’où sortiront les voitures, étroite, donne directement sur l’une des entrées de l’école La Blancheraie.

Pour les opposants, ce parking est un « aspirateur à voitures » ; un non-sens alors qu’en 2021 le transport routier était responsable de 49 % des émissions de gaz à effet de serre au sein de la métropole d’Angers (contre 28,6 % à l’échelle nationale), selon l’association Air Pays de la Loire. Pour autant, tant la mairie (aujourd’hui dirigée par Jean-Marc Verchère, ex-premier adjoint de Christophe Béchu) que la communauté de communes Angers Loire Métropole (ALM, présidée aussi par M. Verchère, qui a aussi pris la suite de… M. Béchu) défendent ardemment ce projet, acté par ALM en mai 2022.
« C’est une monstruosité ! »
Celui-ci figurait en 2020 sur le programme de l’ex-édile d’Angers, à l’époque candidat à sa réélection. L’idée s’inscrivait dans un projet plus global, à présent repris par son successeur : celui de rendre piétonnes et de végétaliser les places Kennedy et de l’Académie, situées aux abords du château. En mai 2022, Christophe Béchu [1] vantait les mérites de ce projet, notamment sa possibilité d’être un jour transformé en logements. Ce projet réversible serait ainsi « un outil au service de la transition écologique », selon Roch Brancour, adjoint au maire. Il permettra selon lui de « diminuer la circulation et l’attraction de véhicules en cœur de ville, pour permettre une meilleure végétalisation ».
Des arguments battus en brèche par certains habitants. « C’est une monstruosité ! » s’indigne Guy Massin Le Goff, président des Amis du Vieil Angers et habitant du quartier. « Cela va ajouter du bruit et de la pollution alors que le coin est calme », ajoute une autre habitante. Beaucoup pointent une situation « schizophrénique », comme Nicolas Marty, coprésident de l’association Place au vélo : « D’un côté, on nous incite à prendre le vélo et les transports en commun et, de l’autre, il y a ce projet qui va inciter à utiliser sa voiture. Il y a ici un souci de vision globale concernant les mobilités », explique-t-il. « Ce parking va densifier la circulation, ce qui est dangereux pour les enfants de l’école. En plus, il sera gratuit la première heure, les voitures vont donc beaucoup tourner », ajoute Amalia Lestage, elle aussi membre du collectif de riverains.

Ce projet « pro-voitures » est en tout cas « anachronique », pour le conseiller municipal Europe Écologie-Les Verts (EELV) Yves Aurégan. Il souligne qu’à l’heure de la pénurie de logements étudiants à Angers, « construire un parking plutôt que de réhabiliter les logements des pompiers [la partie de la caserne qui sera détruite par le chantier du parking] est un non-sens. D’autant que la ville ne manque pas de parkings, et qu’ils sont loin d’être pleins ». Ce 27 mars, c’était le cas : la majorité des emplacements payants avaient encore de la place.
Subventions publiques
Autre point dénoncé par ces habitants : l’argent public investi. Alors que Christophe Béchu s’était engagé en mai 2022 à ce qu’« il n’y [ait] pas un centime d’euro de dépenses portées par la collectivité » pour ce parking, il a toutefois voté le 12 décembre dernier en faveur d’une subvention publique, en tant que conseiller communautaire d’ALM. Absent lors du scrutin, celui qui est à présent premier adjoint du maire avait au préalable confié son droit de vote à Jean-Marc Verchère [2].
Cette subvention s’élève à 149 000 euros annuels versés sur vingt-cinq ans à la société publique locale Alter Services [3], choisie pour construire et exploiter le parking. Celle-ci compte au sein de son conseil d’administration plusieurs élus appartenant à la majorité municipale (lesquels n’ont pas pris part au vote sur l’octroi de cette subvention). En décembre dernier, la commission d’appel d’offres a en tout cas désigné Frédéric Rolland comme architecte du projet. Celui-ci est au cœur d’une affaire judiciaire : en septembre 2023 aura lieu son procès en appel, dans le cadre de l’affaire du balcon qui s’était effondré en ville, en 2016, provoquant la mort de quatre jeunes. Immeuble dont il est l’architecte.
Fouilles archéologiques
Alors que le centre-ville angevin a été classé site patrimonial remarquable (SPR) en 2019, la défense du patrimoine est l’un des axes sur lequel les opposants au parking veulent jouer. Celui-ci doit être construit sur une zone en cours de classement plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), qui est censé selon Ouest-France concilier « patrimoine et enjeux contemporains, notamment environnementaux ». Sauf que, selon Le Courrier de l’Ouest, de récentes fouilles archéologiques sur l’emplacement prévu du parking ont révélé « une ancienne voie antique avec ses fossés », datant selon l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) de « vingt ans avant notre ère ».
Les pourfendeurs du projet comptent ainsi attaquer le permis de construire dès qu’il sera déposé, et aimeraient qu’une étude d’impact environnemental soit lancée. En mai 2022, Jean-Marc Verchère assurait qu’Air Pays de la Loire allait produire un rapport sur la qualité de l’air avant la construction d’un tel parking, mais aussi une modélisation de son impact une fois bâti. L’association confirme à Reporterre avoir pris des mesures en octobre dernier, dont les résultats seront exposés lors d’une réunion publique consacrée au projet le 5 avril.
Cette réunion, les opposants ne manqueront pas de s’y rendre. En attendant, Franck Ozouf est toujours devant l’école La Blancheraie. Une dame refuse de signer sa pétition, deux autres le font de bon cœur. Un monsieur venu chercher ses enfants s’arrête discuter cinq minutes, avant lui aussi de saisir le stylo de Franck. « J’espère qu’on va gagner ! » soutient la fillette.