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Transports

À Roissy, le projet de terminal 4 revient sur le tarmac

Le projet de terminal 4 abandonné, l’aéroport de Roissy devrait tout de même voir augmenter son trafic. Annoncée dans le plan de prévention du bruit, ouvert à la consultation publique, cette hausse et ce plan ne passent pas auprès d’associations.

L’abandon du projet de terminal 4 de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, annoncé l’an dernier, ne serait-il qu’un trompe-l’œil ? « Le gouvernement a demandé au Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) d’abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement », avait déclaré au Monde, le 11 février 2021, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Plutôt que de crier victoire, les opposants au T4 avaient immédiatement fait part de leur scepticisme à Reporterre, évoquant une « action de communication du gouvernement » et « une demande de révision, pas une annulation ». « Le gouvernement ne fermait en rien la porte à une augmentation de la capacité de Roissy à moyen terme, dès lors que le projet ne dépasserait pas l’emprise actuelle de l’aéroport, et donc n’impliquerait pas d’artificialisation des sols », dit Audrey Boehly, membre du collectif Non au T4, contactée par Reporterre.

Moins d’un an plus tard, les craintes des activistes se confirment. Le projet de plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, ouvert à la consultation du public du 20 janvier au 22 mars 2022, prévoit 680 000 mouvements par an en 2025, contre 504 000 en 2019 [1]. Soit une croissance du trafic aérien de 180 000 mouvements... et un chiffre identique au trafic que devait absorber le feu projet de terminal 4. Lundi 24 janvier, le ministère de la Transition écologique n’avait toujours pas répondu aux multiples sollicitations de Reporterre, et n’a ainsi ni confirmé ni infirmé qu’un projet d’envergure similaire était en préparation.

« Nous ne sommes pas dupes, la perspective de croissance du trafic à Roissy inscrite dans le projet de plan de prévention du bruit montre qu’après avoir annoncé l’abandon du terminal 4, l’État compte faire revenir ce projet par la fenêtre », tempête Audrey Boehly. Pourtant, dénonce-t-elle, « tous les éléments sont là pour prouver l’extrême nécessité de stopper la croissance du trafic aérien ». Elle cite notamment une récente étude menée par les chercheurs de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (Isae-Supaero), qui montre que l’aviation commerciale a représenté « 5,1 % de l’impact climatique sur la période 2000-2018 » [2]. Le rapport publié par les scientifiques en septembre 2021 précise également que les « opportunités technologiques », comme l’amélioration de l’efficacité des avions et l’utilisation des biocarburants, sont trop limitées à court terme pour permettre d’envisager une aviation bas carbone. « Les représentants de l’État doivent ouvrir les yeux ! » exhorte Audrey Boehly.

Terminal 2 de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle (Roissy). Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Fyodor Borisov

Des annonces qui font du bruit

Le jeudi 20 janvier, jour de lancement de la consultation publique sur le PPBE de l’aéroport, une quinzaine d’associations de défense des riverains, de défense de l’environnement, d’élus et d’ONG ont manifesté leur colère sur le parvis de la préfecture du Val-d’Oise, à Cergy. En plus de tabler sur une augmentation du trafic aérien, elles ont regretté que ce projet ne comporte « ni objectif de réduction du bruit aérien, ni aucune mesure efficace pouvant faire baisser significativement ce dernier ».

Le PPBE ne prévoit en effet, comme l’analyse le média Contexte, que la généralisation des descentes continues fin 2023 [3], une étude sur d’éventuelles nouvelles restrictions des vols de nuit (2022), et « vers 2024, dès que des hypothèses [de trafic] stables pourront être déterminées », une étude sur l’opportunité de réviser le plan de gêne sonore (PGS) qui définit les zones d’habitation éligibles à une aide à l’insonorisation. « C’est loin d’être assez ! Prévenir, pour limiter l’exposition des populations au bruit comme les émissions de gaz à effet de serre, c’est réduire les mouvements des avions », dit à Reporterre Eugénie Ponthier, adjointe au maire d’Épinay-sur-Seine, déléguée à l’écologie urbaine.

Les associations ont rappelé que le premier plan pour Roissy, adopté en 2016, était déjà un patent échec : « Entre 2013 et 2019, le trafic aérien a connu une forte croissance » [4], dérangeant de plus en plus « la population impactée dans sa santé de jour comme de nuit par le bruit aérien », ont-elles affirmé dans un communiqué. Selon BruitParif, près de 1,6 million de Franciliens seraient exposés à des niveaux de bruit très supérieurs aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à cause du trafic de l’aéroport de Roissy. Cette exposition provoquerait des perturbations du sommeil, des troubles cardio-vasculaires et une baisse des capacités d’apprentissage. Sous les couloirs aériens de Roissy, les Franciliens perdraient jusqu’à trois années d’espérance de vie en bonne santé.

« Ce plan qui scellera notre sort pour cinq ans ne peut pas être adopté en l’état », ont rappelé les associations, qui proposent « la prise en compte des valeurs-guide de l’OMS pour la réalisation des cartes de bruit », le « plafonnement du trafic de Roissy à 500 000 mouvements annuels » et, à terme, « un couvre-feu [une interdiction des vols] entre 22 heures et 6 heures ». Le tout pour enrayer la hausse des émissions de gaz à effet de serre de l’aérien, et protéger la santé des populations survolées.

Après cette phase de consultation, le PPBE de Paris-Charles de Gaulle sera soumis à l’approbation des préfets des départements de Seine-et-Marne, de l’Oise, des Yvelines, du Val-d’Oise et de Seine-Saint-Denis.

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