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ReportageClimat

À Verdun, Gilets jaunes et Marcheurs pour le climat : « Il ne faut plus réclamer le changement, il faut le provoquer »

À Verdun, une centaine de personnes seulement ont participé au Printemps du changement. La convergence entre Gilets jaunes et Marcheurs pour le climat n’a pas vraiment pris. Mais la détermination était là, et plusieurs actions de désobéissance civile se préparent.

  • Verdun (Meuse), reportage

Dimanche morne et Gilets jaunes. On est à Verdun, mais il tombe comme à Gravelotte. La base de loisirs du Pré-l’Évêque est froide et grise pour ce Printemps du changement, organisé main dans la main par des groupes de Gilets jaunes, de Marcheurs pour le climat et de la Jeunesse pour le climat (Youth for Climate) de toute la Lorraine. La centaine de participants sont à peine plus nombreux, sinon moins, que les gendarmes et policiers qui rôdent en nombre aux abords du centre-ville en ce dimanche 28 avril. Heureusement, deux « arbres d’espoirs et de revendications », bariolés de rubans de toutes les couleurs, égayent la place.

Sous l’un d’eux, John, Gilet jaune de Commercy (Meuse), rappelle que, le gouvernement a beau jouer le jeu de la division entre la justice sociale et la transition écologique, « nos mouvements ne s’opposent pas. Ils s’opposent à un système qui écrase l’homme et détruit la planète. Nous sommes complémentaires. Les deux faces d’une même pièce ». Et d’ajouter : « Comment se soucier des conditions de vie d’un être humain sans considérer l’environnement qui l’entoure ? Comment se soucier de la planète sans considérer les femmes et les hommes qui y vivent ? »

D’où l’idée d’un « rassemblement pacifique, populaire et familial », qui a germé, trois mois plus tôt, à la suite de l’Assemblée des assemblées de Gilets jaunes de Commercy. « C’est le résultat de nombreuses rencontres et le début d’une convergence nouvelle, ajoute Pierrick, de la Marche pour le climat de Metz. On voulait un événement convivial adapté à la capitale mondiale de la paix. Même si on s’attendait à beaucoup plus de monde, le but était de planter une graine. C’est réussi. »

La veille, la préfecture de Meuse avait prévenu que « toute action susceptible de mettre en danger la sécurité, la santé des personnes et de troubler l’ordre public fera l’objet d’une réponse ». La menace était terrible, comme en témoignent certains messages décorant les arbres d’espoirs, comme celui de Marianne : « Macron, faut que tu partages tes richesses pour que le monde soit meilleur ! » « Elle nous a dit ça mot pour mot, hier, quand on lui demandait ce qu’elle voulait écrire », précise Maïté, sa maman, en accrochant le ruban sur les branches en bois de récupération. Car Marianne est trop petite pour y parvenir seule. Marianne a cinq ans.

Jeanne (à gauche) et Maïté : « Dès le plus jeune âge, on veut nous faire entrer dans des cases. »

Jeanne, la grande sœur, « bientôt 13 ans », est tout aussi formelle : « La première fois que j’ai entendu les Gilets jaunes à la télé, j’ai dit à mes parents : “Ils se plaignent, exactement comme vous, de la vie trop chère. Vous devez les rejoindre, c’est obligé !” C’est la seule fois, je crois, que mes parents m’ont écoutée… » Depuis décembre, donc, c’est un rituel, tous les samedis, la petite famille rejoint la quarantaine de Gilets jaunes de Longuyon, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Pendant que les parents pétitionnent pour l’instauration du référendum d’initiative citoyenne (déjà 3.000 signatures récoltés « à la main ! » dans une ville de 5.000 habitants), la fille refait le monde avec d’autres jeunes de son âge. « Au collège, j’ai pas intérêt à dire que je suis Gilet jaune, les profs veulent surtout pas en entendre parler », dit Jeanne.

Son cheval de bataille ? Jeanne est contre l’instruction obligatoire à trois ans, plutôt que six ans, l’une des mesures du projet de loi « pour une école de la confiance » du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer : « Dès le plus jeune âge, on veut nous faire entrer dans des cases, plaide-t-elle. Moi, à trois ans, on me mettait dans le fond de la classe, la prof croyait que j’étais fainéante, que je ne voulais pas lire. En réalité, j’étais dyslexique et dyspraxique. »

La délégation d’Étain, « seule ville de Meuse où la cabane des Gilets jaunes n’a pas été délogée », est venue en force. On y retrouve un ancien sidérurgiste de Longwy, une serveuse « blessée sept fois par la police depuis le début du mouvement » qui est de toutes les manifs, une aide soignante à domicile témoin de la grande précarité des personnes âgées, et même un docteur membre du Mouvement écologiste indépendant.

Sous un barnum, Marie-Sabine tient un stand « zéro déchet » sur lequel elle vend des serviettes de table, mouchoirs, sacs à courses, serviettes hygiéniques en coton bio et lavables. Le 3 mai prochain, la Marcheuse pour le climat se rendra à Metz au village écocitoyen qui se tiendra juste avant le G7 des ministres de l’Environnement, les 5 et 6 mai. « La mairie a accaparé le festival de l’environnement Écomains qu’on organisait depuis l’an passé, elle a ajouté des stands pour les banques et elle a appelé ça un écovillage », dit-elle.

« Ils sont sept, nous sommes sept milliards ! » ont d’ores et déjà annoncé les nombreux citoyens, collectifs, associations, ONG, syndicats et partis politiques qui se sont regroupés pour organiser l’Alter G7. Ce contre-sommet proposera une Marche pour la justice écologique et sociale, ainsi qu’une vélorution, et il dénoncera des projets locaux qui présentent une menace environnementale, tels que le grand contournement ouest de Strasbourg, l’usine Knauf de fabrication de laine de roche d’Illange, le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure ou encore l’implantation d’Amazon au sud de Metz.

Pierrick (au micro) : « Gilets jaunes et Marcheurs pour le climat vont se retrouver sur des actions de désobéissance civile. »

Les Gilets jaunes et les Marcheurs pour le climat, ainsi que des militants communistes et des citoyens engagés, s’étaient déjà alliés, en février, pour s’opposer au projet d’Amazon de création d’une « plateforme XXL » sur une ancienne base aérienne militaire. Juste avant un conseil communautaire de Metz métropole, ils s’étaient réunis à environ 150, en surprise, pour faire une haie d’honneur aux élus qui avaient voté pour l’implantation du géant étasunien, symbole de la destruction environnementale et de l’injustice sociale.

« Les Gilets jaunes vont très vite pour s’organiser et se rassembler, parce qu’ils sont dans une situation d’urgence sociale, observe Pierrick, Marcheur et habitué des ronds-points. Les Marches pour le climat rassemblent beaucoup de monde, mais elles n’ont pas d’effet sur la politique du gouvernement. De plus en plus, je pense qu’on va aller plus loin et se retrouver sur des actions de désobéissance civile. Il ne faut plus réclamer le changement, il faut le provoquer. » Cela s’appliquera-t-il dès le week-end prochain ? Difficile de savoir à quoi va ressembler l’Alter G7 à Metz. Pierrick, en tout cas, apportera l’un des arbres d’espoirs et de revendications sur l’écovillage. Pour l’instant, il faut encore le démonter et le remballer dans la camionnette. Mais le soleil est revenu. C’est déjà ça.

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