À l’épicerie solidaire, des étudiants précaires fêtent Noël

Parmi les cadeaux distribués aux étudiants bénéficiaires de l'épicerie solidaire Epi de Compiègne, des figurines de Minions. - © Cha Gonzalez / Reporterre
Parmi les cadeaux distribués aux étudiants bénéficiaires de l'épicerie solidaire Epi de Compiègne, des figurines de Minions. - © Cha Gonzalez / Reporterre
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Social Alternatives Pédagogie ÉducationChocolats, places de cinéma, jeux... Des cadeaux ont été distribués aux étudiants précaires de l’université de Compiègne. Une solidarité nécessaire en ces fêtes de fin d’année.
Compiègne (Oise), reportage
La porte s’ouvre sur l’épicerie solidaire. L’endroit est exigu, mais l’effervescence et la bonne humeur des étudiants le rendent chaleureux. À l’entrée, un sapin enneigé accueille les bénéficiaires qui viennent retirer leurs cadeaux. Une semaine avant les vacances, l’association les a conviés à une distribution de cadeaux agrémentée d’un goûter de Noël. De quoi oublier un temps leur précarité étudiante.
Boîtes de thé bio, chocolats, places de ciné, figurines en pagaille : les options sont variées. Certains choisissent des produits utiles et réconfortants, comme des cosmétiques ou des chaussettes, d’autres prévoient de les offrir à leurs proches. À l’université de technologie de Compiègne (UTC), ils sont plus de 130 à bénéficier ce semestre des prix très réduits de l’épicerie solidaire Epi. Deux soirs par semaine et le samedi matin, l’association Epi y vend des produits de la Banque alimentaire et de Dons solidaires. Des distributeurs de vrac à moitié remplis de pâtes ou de riz et un frigo quasi vide dans lequel seule une pile de knacki n’a pas trouvé acquéreur confirment l’usage habituel de l’endroit. « Le ravitaillement, c’est pour demain », explique Robin, chargé des partenariats de l’association Epi, un sourire inlassablement vissé sur une petite barbe fournie. Aujourd’hui, place aux cadeaux.

150 euros par mois pour vivre
Morgane installe sereinement de nouveaux cadeaux. D’abord bénévole de l’association, elle est devenue bénéficiaire en septembre. « Je sens bien la différence par rapport à l’année dernière, confie-t-elle. Je n’ai plus la peur des fins de mois. Je peux aller boire un café avec des amis ou acheter une entrée en boîte de nuit. » La jeune femme, en première année en génie urbain, n’est pas boursière. Une fois toutes ses factures payées (logement, charges, abonnement au transport, internet et téléphonie), il lui reste moins de 150 euros par mois pour se nourrir, s’habiller, se soigner ou se divertir. Elle remplit parfaitement les conditions d’éligibilité de l’association.

Hésiter à demander de l’aide « est une situation fréquente pour de nombreux bénéficiaires », explique Stéphanie Férey, de la Banque alimentaire. Beaucoup n’osent pas franchir le pas, alors que leur situation le justifie. Et c’est le cas de la plupart des étudiants rencontrés à Compiègne, la majorité estime qu’ils ne sont pas si mal lotis. L’épicerie les aide pourtant à se procurer de nombreux produits. Imad, en deuxième année, aime y trouver de la viande, trop chère en magasin. Son ami Walid s’y rend le samedi matin : « C’est le jour où l’association reçoit les invendus de Monoprix. Il y a souvent de bons produits. »
Arrivée du Brésil il y a quatre mois pour un second master, Virginia explique que les prix pratiqués en France sont « cinq fois supérieurs à ceux du Brésil ». Avec ses amies Jessica et Debora, elles ont toutes franchi la porte de l’épicerie solidaire dès leur arrivée. Au-delà du ravitaillement, l’épicerie est aussi un lieu où l’on vient sympathiser.

Deux étudiants précaires sur trois
« Boire un café, sortir avec des amis, ou tout simplement se sentir bien grâce à des produits d’hygiène du quotidien est essentiel pour l’estime de soi, mais également pour socialiser et se créer des réseaux d’entraide », dit Annabel Lavigne, de l’association Dons solidaires, qui a fourni les cadeaux du jour.
D’ailleurs, en ce lundi glacé et festif, l’ambiance bat son plein de l’autre côté du couloir. Une seconde salle est ouverte : quelques gâteaux et des boissons ont été servis. Un jeu du pendu se déroule sur le tableau velleda tandis que les blagues fusent à travers la pièce. Le Franco-Espagnol Hanaël est coiffé d’un bonnet de père Noël ; Justine, elle, arbore fièrement son pull de Noël agrémenté d’une guirlande lumineuse. De quoi redonner le sourire, alors que 26 % des 18-24 ans se disent inquiets à Noël, et 20 % sont tristes durant cette période, selon une enquête de l’Ifop commandée par Dons solidaires.

Deux étudiants sur trois sont en effet en situation d’extrême précarité, d’après l’étude sur la précarité étudiante de l’association Linkee. « Depuis le Covid, le chiffre a bondi », souligne Robin. Aujourd’hui, la Banque alimentaire accompagne 160 structures étudiantes. À l’épicerie solidaire Epi, le seuil d’inclusion est légèrement plus haut qu’ailleurs (150 euros de reste à vivre). Si l’épicerie peut les aider à lever le pied pour se concentrer sur leurs études, « le pari est gagné », explique Robin. Les étudiants non boursiers sont aussi de plus en plus nombreux. Selon l’association Cop1-Solidarités étudiantes, ils représentent 73 % des étudiants bénéficiaires des aides alimentaires.
À Compiègne, après deux heures de distribution, les bénéficiaires continuent de défiler. La chargée de communication de l’association, Zoé, téléphone vissé à la ceinture, mène de main de maître la distribution. Pour écouler la centaine de figurines de Minions reçues et dont les cartons d’emballage encombrent les étagères, elle a même affiné sa stratégie : armé d’une perceuse, la figurine jaune sera l’effigie des étudiants en génie urbain ; et celle avec un pot de fleurs, génie biologique !