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Tribune

Assez de fatalisme climatique !

Le fatalisme imprègne la société : « On sait bien que le changement climatique, c’est grave, mais on ne peut rien faire ». Oui. Sauf qu’une autre attitude est possible : au moins changer dans la vie quotidienne et professionnelle ce que l’on peut. Cela suffira-t-il pour bouger la société ? Une chose est sûre : si on n’essaye pas, ça ne marchera pas !


La relative indifférence qui a accueilli la publication du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le changement climatique, vendredi 27 septembre, est surprenante mais, à la réflexion, compréhensible. Car le rapport ne nous apprend rien de fondamentalement nouveau par rapport ce que nous avait appris sa précédente édition, en 2007. Et d’autant moins que les publications scientifiques diffusées depuis six ans ont été suivies par l’opinion publique, ou du moins par une part d’entre elle, avec beaucoup plus d’attention que cela n’était le cas auparavant. Il s’est ainsi formé une culture commune du changement climatique qui explique que l’effet de surprise de 2007 s’est évaporé aujourd’hui.

On pourrait ainsi résumer la réaction du public à ce que rapporte le GIEC à : « Ben oui, on le savait, et alors ? »

Mais une vision plus positive des choses est possible. Car si la poursuite de la recherche climatologique est essentielle, la connaissance des fondamentaux de la situation est pour l’essentiel acquise : nos sociétés en savent assez sur le climat pour être en fait passées à la question de se demander ce qu’il faut faire. On n’est plus dans le « Qu’est-ce qui se passe ? », mais dans « Comment éviter le pire ? ».

Or, ni le GIEC ni aucun instance politique n’ont pour l’heure de réponse à cette question essentielle. Les négociations internationales sur la réduction des gaz à effet de serre sont enlisées, tandis que peu de gouvernements agissent réellement pour réduire les émissions, tenaillés par l’angoisse de ce qu’on appelle la crise économique.

Il en découle dans la société trois attitudes.

La première, et la plus largement répandue, est le fatalisme. Dans cet état psychologique, on connait le problème, mais son ampleur apparait telle qu’il n’est pas à la mesure de chacun. Il appelle une réponse collective et organisée. Or, celle-ci ne se produit pas, en raison notamment de l’incurie des politiques publiques, et les citoyens se sentent impuissants. Ils baissent donc les bras et continuent leur vie quotidienne sans beaucoup la changer, tout en sachant qu’elle contribue à l’aggravation de la situation.

Une deuxième attitude, qui touche beaucoup moins de monde, et qui découle en partie de l’impuissance collective, consiste à refuser carrément le problème, sous la forme du climato-scepticisme. La « dissonnance cognitive », la contradiction entre ce que l’on sait et ce que l’on peut effectivement faire, conduit ainsi à des stratégies d’évitement, au refus de la connaissance, voire à des conduites de provocation anti-écologique. Tel, par exemple, ce commentaire relevé sur le site d’un grand média : « Demain je fais trois fois le tour de la ville avec mon diesel à fond juste pour acheter une côte de boeuf que je dégusterai saignante avec des frites et pas du soja ou des scarabées. »

Une troisième attitude, qui concerne elle aussi un petit nombre de gens, est au contraire de chercher à agir, en tant que citoyens, à la base, puisque les « responsables » se révèlent incapables d’orienter dans le bon sens les politiques publiques.

La masse critique du changement

Cela se traduit par la myriade d’actions alternatives par lesquels on cherche à vivre sa vie quotidienne et professionnelle en accord avec la logique écologique de minimisation de l’impact environnemental. C’est ce que décrit, jour après jour, les histoires que nous relatons dans la rubrique Alternatives de Reporterre. Cette attitude « pro-active » va se trouver mise en avant et coordonnée lors d’Alternatiba, à Bayonne, la semaine prochaine (dimanche 6 octobre) : on espère rendre visible la richesse de cette diversité de façons d’être, réunie dans un lieu, afin d’esquisser l’idée qu’une « masse critique » peut se former pour bousculer le système en place et l’obliger à évoluer. Puisque le haut est impotent, le bas va agir pour dynamiser le haut ou prendre sa place.

L’enjeu, au fond, n’est pas tant d’agir sur le haut que de contrebattre d’abord le fatalisme de la majorité. Oui, il est possible de faire autrement.

Cette attitude peut-elle l’emporter, changer la dynamique, mettre en mouvement une société qui sait que la crise écologique est majeure, mais se sent incapable de l’enrayer ? Il est impossible de le dire. Mais ce qui est certain, c’est que si l’on n’essaye pas, il ne se passera rien, sinon le pire. C’est pourquoi Reporterre, qui est lui-même une action alternative, sera joyeusement à Alternatiba le 6 octobre, et continuera à relayer, jour après jour, toutes les alternatives dont il aura connaissance.

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