Au Rocher Mistral, en Provence, les atteintes à l’environnement confirmées

La base de vie du chantier du parc Rocher Mistral, lors des travaux avant son ouverture le 1er juillet 2021 à l'intérieur du château de La Barben, au second plan. - © Sébastien Aublanc/Reporterre
La base de vie du chantier du parc Rocher Mistral, lors des travaux avant son ouverture le 1er juillet 2021 à l'intérieur du château de La Barben, au second plan. - © Sébastien Aublanc/Reporterre
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Étalement urbain NatureLe parc Rocher Mistral, près d’Aix-en-Provence, veut s’étendre, malgré une procédure pénale reportée au 14 novembre 2023. Un avis de l’autorité environnementale confirme pourtant les craintes des écologistes.
Marseille (Bouches-du-Rhône), correspondance
Au mépris de l’environnement, le parc à thème prétendument « historique » Rocher Mistral, qualifié dans la presse de « Puy du fou provençal », entend poursuivre son extension. Et ce en dépit d’une procédure en correctionnelle qui devait se tenir mardi 11 avril à Aix-en-Provence ; reportée à la demande de la défense pour des compléments d’information au 14 novembre 2023.
Le parc et son initiateur — Vianney d’Alançon, un trentenaire lyonnais proche des milieux intégristes catholiques — sont poursuivis pour des atteintes à l’urbanisme et à l’environnement. Parkings, billetteries, scènes de spectacle… la justice s’intéresse à des aménagements réalisés sans autorisations, mais aussi aux dégâts provoqués sur une colonie de chauves-souris. Ces murins à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), une espèce protégée, sont présents dans les sous-sols du château de La Barben, dans et autour duquel se développe le parc depuis l’été 2021.
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Analyse sans équivoque
Rocher Mistral veut s’agrandir sur des espaces naturels et agricoles. Sa demande de défrichement sur 4,8 hectares pour aménager une nouvelle scène de spectacle de sons et lumières et un village de producteurs provençaux, est soumise à une enquête publique jusqu’au 23 avril. L’endroit, en bonne partie boisé en bord de rivière, offre une rare fraîcheur en contrebas de la garrigue.
Dans le cadre de l’examen de cette demande, la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) a rendu un avis le 9 février sans équivoque sur les risques pesant sur l’environnement, comme en a fait part La Marseillaise . L’instance « considère que le projet porte une atteinte significative aux objectifs de conservation du site Natura 2000 », concerné localement.

Cette analyse valide les alertes de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), déclarées dès les prémices du projet de parc, comme l’a raconté Reporterre. Pour Stéphane Coppey de FNE 13, « Rocher Mistral poursuit sa politique du fait accompli, en attendant d’obtenir des régularisations pour leurs aménagements ». L’association a été déboutée d’une première action en référé à l’automne 2021. « Patrimoine, histoire et environnement seront, à terme, les trois stars du Rocher Mistral que cela plaise ou non à FNE 13 », se félicitait alors la direction du parc.
Mise en péril d’une colonie de chauves-souris
L’avis de la MRAe confirme les craintes des écologistes à propos des chauves-souris. De 600 individus adultes en 2020, il n’en restait que 468 en 2022. La mission constate que « cette colonie a diminué, démontrant que les incidences négatives prévues sont déjà à l’œuvre ». Un argument rejeté par Frédéric de Lanouvelle, le directeur général adjoint de Rocher Mistral : « La colonie de chauves-souris se porte bien et les chiffres partagés par la MRAe sont erronés », précise-t-il à Reporterre, citant un rapport du Groupe Chiroptères de Provence. Selon ce dernier, « la colonie passe de 620 à 635 adultes et n’a jamais été aussi bien soignée », ajoute Frédéric de Lanouvelle.
Mais selon la MRAe, les aménagements projetés n’arrangeraient rien. « Les corridors empruntés [par les murins] sont les ripisylves des deux cours d’eau qui jouxtent les futurs aménagements et seront donc directement impactées par l’augmentation de la fréquentation humaine, du bruit et de la lumière », écrit la MRAe.
Elle pointe également des dérangements de l’aigle de Bonelli (Aquila fasciata), l’un des rapaces les plus menacés en France, que Rocher Mistral dit pourtant vouloir valoriser auprès de son public. « L’impact résulte des nuisances sonores liées aux activités du site (spectacles) [...], qui engendrent un dérangement important auquel l’espèce est particulièrement sensible », affirme la mission. Globalement, elle considère que les mesures de compensation pour la faune et la flore envisagées par Rocher Mistral sont insuffisantes.
De plus, le parc s’inscrit dans une zone à risque d’incendie « moyen à exceptionnel » du massif forestier et d’inondation par le débordement des rivières qui encadrent le château. Ainsi, « le projet prévoit de s’établir sur un espace qui fait l’objet d’une recommandation d’inconstructibilité au titre de deux “porter à connaissance” de l’État », rappelle la MRAe. Et d’ajouter : « Dès l’aléa [incendie] moyen, la construction d’un établissement recevant du public ne doit pas être autorisée. » Non content de mettre en péril la faune et la flore, c’est à son propre public que Rocher Mistral pourrait faire prendre des risques.